Non, non, non, je ne vous imposerais pas un topo sur le très dense mais quelque peu indigeste ouvrage de Gu Mingdong que je dois lire pour Etudes chinoises et qui m'accompagne dans chacun de mes déplacements estivaux, mais j'aimerais vous associer à une petite recherche en guise de devoir de vacances.
La faute en revient à une escapade qui m'a ramené à la littérature chinoise après m'en avoir éloigné très plaisamment un court moment. Le livre en question est Leçons américaines. Aide-Mémoire pour le prochain millénaire d'Italo Calvino (1923-1985). Lezioni americane. Sei proposte per il prossimo millennio (1998) est un livre remarquable dans lequel le romancier affirme « sa confiance en l'avenir de la littérature [...] parce qu'il est des choses [...] que seule la littérature peut offrir ». Notons que cette phrase clef est citée par Antoine Compagnon au tout début de sa leçon inaugurale au Collège de France : La littérature pour quoi faire ? (Collège de France/Fayard, 2007, p. 27), également à lire d'urgence.
La faute en revient à une escapade qui m'a ramené à la littérature chinoise après m'en avoir éloigné très plaisamment un court moment. Le livre en question est Leçons américaines. Aide-Mémoire pour le prochain millénaire d'Italo Calvino (1923-1985). Lezioni americane. Sei proposte per il prossimo millennio (1998) est un livre remarquable dans lequel le romancier affirme « sa confiance en l'avenir de la littérature [...] parce qu'il est des choses [...] que seule la littérature peut offrir ». Notons que cette phrase clef est citée par Antoine Compagnon au tout début de sa leçon inaugurale au Collège de France : La littérature pour quoi faire ? (Collège de France/Fayard, 2007, p. 27), également à lire d'urgence.
« Rapidité » ou « Quickness », le deuxième de ces Six Memos for the Next Millennium dont l'apport dépasse le seul domaine littéraire mais inspire jusqu'aux créateurs les plus inscrits dans la modernité, tel John Maeda (1966-) pour qui « It is the one book that I could not live life without », s'achève sur la narration de l'histoire chinoise suivante :
« Entre autres nombreuses qualités, Tchouang-tseu avait une grande sûreté de main. Le roi lui demanda de dessiner un crabe. Tchouang-tseu dit qu'il lui fallait un délai de cinq ans, ainsi qu'une villa avec douze serviteurs. Au bout de cinq ans, le dessin n'était pas commencé. « Il me faut cinq autres années », dit Tchouang-tseu. Le roi les lui accorda. Quand s'acheva la dixième année, Tchouang-tseu prit son pinceau et en un instant, d'un seul trait, il dessina le crabe le plus parfait qu'on eût jamais vu. »[Traduction Yves Hersant. Paris : Seuil, « Points » n° 873, 2001, p.93]
Ne faisant pas vraiment partie du « cercle croissant des émules et compagnons » de Zhuangzi [Tchouang-tseu 莊子] et étant étranger à « cette petite société où chacun, en bon entendeur de son message, tient à l'autre sans s'y attacher » [les expressions entre guillemets sont de Romain Graziani (Fictions philosophiques du « Tchouang-tseu », Gallimard, 2006) ; elles sont reprises par François Billeter dans son compte-rendu de Jean Lévi, Les Œuvres de Maître Tchouang. Editions de l'Encyclopédies des Nuisances, 2006, in Etudes chinoises, vol. XXV, année 2006, p. 232-251)], je ne saurais trop dire si cette « histoire chinoise » est authentique ou non - savoir si elle figure bien dans le Zhuangzi - ou emprunte seulement au grand penseur son identité. Il faudrait pour cela me replonger dans un texte que je n'ai pas sous la main. Je trouve plus simple de me décharger du problème en vous le posant, ce qui me dispense par la même occasion de trouver une septième devinette.
Pour vous amadouer, je vous propose en illustration à ce billet un crabe de l'excentrique Xu Wei 徐渭 (1521-1593) et vous renvoie amicalement vers les écrits d’un véritable amoureux des crabes auquel Jacques Dars a si bien rendu justice, savoir le Li Yu 李漁 (1611-1680) du Xianqing ouji 閒情偶寄 et plus précisément celui des pages 226 à 229 des Carnets secrets de Li Yu (Picquier, 2003), pour un succulent « Gloire au crabe ! » qui commence ainsi :
« Pour ce qui est de la succulence des boissons et des mets, il n'est pas un sujet dont je ne puisse parler, rien qui ne stimule toute mon imagination et sur les profondes merveilles de quoi je ne puisse disserter à l'infini. Mais les pinces de crabes, passion de mon cœur et délectation de ma bouche, sont la seule gourmandise que de ma vie entière je n'aie jamais pu oublier un seul jour !Bonne dégustation, mais n’oubliez pas que je ramasse les copies à la rentrée. (P.K.)
Quant aux raisons de cette passion, de cette délectation de cette obsession, je n'en soufflerai mot, incapable que je suis de les décrire. Cette affaire et cette bestiole, pour moi objet d'engouement aveugle entre toutes les nourritures, seront pour un autre bizarrerie pure entre ciel et terre. Possédé depuis toujours par cette manie, chaque année à l'approche de la saison des crabes, je mets de l'argent de côté pour être paré ; et comme les miens me raillent d'aimer les crabes autant que ma vie, j'appelle moi-même cette tirelire « l'argent de rédemption vitale". Du jour où ils apparaissent sur les marchés jusqu'au dernier jour de la saison, je ne gaspille pas une journée, ne laisse pas même perdre une heure ! »
1 commentaire:
Je suis traducteur du "Zhuangzi" (publié sous le titre 'Le rêve du papillon", chez Albin Mivhel). Je puis affirmer qu'il n'y est pas question de dessiner un crabe.
Jean-Jacques Lafitte.
acrchizhu@yahoo.fr
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