vendredi 15 mai 2009

Les trésors cachés du Kinsey Institute

Je ne sais plus par quel hasard, mais pendant la même séance de navigation qui vous a valu mon précédent billet, « Enfer et BEFEO », j'ai fait un rapide crochet par le site du Kinsey Institute for Research in Sex, Gender, and Reproduction. J'ai ainsi eu tout le loisir de découvrir sa nouvelle interface, moins austère que la précédente, et le plaisir de constater qu'elle offrait une meilleure circulation dans la forêt des données fournies par ce centre d'études unique au monde installé au Morrison Hall de l'Indiana University (Bloomington, IN). Et puis, encore plus récemment, je suis tombé – encore un hasard - sur les films mis en ligne sur Youtube par ce prestigieux institut pour assurer sa promotion et informer sur son activité.

Je vous laisse découvrir par vous-même l'étendue du champ d'étude de ce laboratoire de recherche dont la création remonte à 1947 [Voir « Origin of the Institute » et « History of the Institute »] et de passer en revue par le menu l'œuvre du signataire des deux rapports qui firent l'effet de bombes dans l'Amérique du Nord du milieu de siècle dernier : Sexual Behavior in the Human Male (1948) et Sexual Behavior in the Human Female (1953). Les pages sur l'historique de cette institution voulue par le Dr Alfred C. Kinsey (1894-1956) et le film d'introduction mis en ligne par elle-même constituent, me semble-t-il, un socle plus solide que le film – Kinsey - consacré voici cinq ans à son créateur dont le travail est, encore maintenant, régulièrement mis en accusation. Je vais donc me contenter d'attirer votre attention sur deux points qui peuvent permettre d'enrichir singulièrement notre connaissance d'un aspect de la culture chinoise qui est loin d'être périphérique.


Puisque nous sommes trop éloignés pour profiter de l'exposition « Eros in Asia: Erotic Art from Iran to Japan » qui s'est ouverte le 20/02/09 et qui invite à contempler l'« extensive collection of erotic artwork from across the Asian continent » collectée pendant les années 40 et 50 du siècle dernier par Kinsey lui-même, je vous encourage à consulter le dossier relatif à votre espace de prédilection qu'offrent les pages du CCIES, comprendre The Continuum Complete International Encyclopedia of Sexuality éditée (Londres, New York : The Continuum International Publishing Group Inc, 2004) et actualisée en ligne sous la responsabilité de Robert T. Francœur et Raymond J. Noonan. On y trouve notamment des dossiers sur l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Chine continentale, bien sûr, mais aussi la Thaïlande, l'Indonésie, le Vietnam et Hong Kong ! Le document consacré à la [République populaire de] Chine élaboré par le Pr. Ruan Fang-Fu (voir ici), M. P. Lau et T. Francœur, complètera avantageusement et actualisera utilement les idées qu'on se fait ordinairement sur un sujet qui n'a pas encore reçu chez nous (donc en français) de synthèse recommandable --- on a vu que le dernier ouvrage sur ce sujet avait été traité avec un manque de sérieux coupable. Les 26 pages de la version papier (disponible en pdf et consultable en ligne dans son intégralité) s'organisent selon le plan suivant :
Demographics and a Brief Historical Perspective. 1. Basic Sexological Premises ; 2. Religious, Ethnic, and Gender Factors Affecting Sexuality ; 3. Knowledge and Education about Sexuality ; 4. Autoerotic Behaviors and Patterns ; 5. Interpersonal Heterosexual Behaviors ; 6. Homoerotic, Homosexual, and Bisexual Behaviors ; 7. Gender Diversity and Transgender Issues ; 8. Significant Unconventional Sexual Behaviors ; 9. Contraception, Abortion, and Population Planning ; 10. Sexually Transmitted Diseases and HIV/AIDS ; 11. Sexual Dysfunctions, Counseling, and Therapies ; 12. Sex Research and Advanced Professional Education. Part 2. The 1992 Survey of Sexual Behavior in Modern China: A Report of the Nationwide « Sex Civilization » Survey of 20,000 Subjects in China ; 13. Ethnic Minority Resources ; Conclusion.
L'exposé est enrichi d'une bibliographie qui signale trois des ouvrages de Liu Dalin 劉達臨 dont The Sex Culture of Ancient China (Zhongguo gudai xing wenhua 中國古代性文化, 1993) parmi plus de 60 références couvrant l'ensemble des nombreux sujets abordés.

Le second point risque de vous paraître plus anecdotique, car il concerne un ouvrage encore inédit en traduction et qui risque de le rester longtemps encore, savoir le Su E pian 素娥篇. Pourtant il s'agit rien de moins que du livre le plus précieux du fonds de la bibliothèque de l'Institut Kinsey. Liana Zhou, conservatrice en chef de la Kinsey Institute Library en fait justement grand cas dans sa présentation de l'établissement qu'elle dirige dans une vidéo que je vous invite à regarder [cliquer ici]. La fiche consacrée au Su'E pian dans le catalogue porte la date de 1610. Ce point ainsi que l'attribution de l'œuvre restent en débat et reposent sur l'étude de cette édition unique reproduite dans le 2nd volume du complément à la série « Siwuxie huibao » 思無邪匯寶 qui en fournit un fac-similé d'excellente qualité dûment présenté par Chan Hing-ho (Chen Qinghao 陳慶浩). On apprend entre autre que l'on doit sa gravure à Huang Yikai 黃一楷 (1580-1622) qui a également laissé l'empreinte de son talent notamment dans une édition du Guifan 閨範 du moraliste Lü Kun 呂坤 (1536-1618). La qualité et l'originalité des 92 illustrations feraient presque oublier un texte dont l'attribution n'est pas encore certaine et qu'on peut lire en ligne dans une édition lacunaire livrée sans les gravures dont 18 d'entre elles sont visibles ici. Ce trésor de l'édition chinoise de la fin des Ming (1368-1644) a été offert au Kinsey Institute en 1948 par le sinologue d'origine chinoise Wang Jizhen 王際真 (Wang Chi-Chen, 1899 - ?) qui traduisit, entre autres, le Hongloumeng 紅樓夢 en anglais dès 1929, d'abord en abrégé, puis de manière plus étendue en 1958 [soit 1/5 du roman d'après Cyril Birch (The Journal of Asian Studies, Vol. 18, No. 3 (mai 1959), pp. 386-387)]. Sur ce don, voir l'article du sinologue Ma You-Yuan [Ma Youyuan 馬幼垣 (1940-) ] « A unique treasure of the Kinsey Sex Institute : the old collection of Wang Ji-Zhen becomes a unique treasure of the Kinsey Institute » (1979) naturellement présent dans le catalogue de la bibliothèque Kinsey dont on peut se faire une idée grâce à sa conservatrice dans une vidéo par laquelle elle présente le Su E pian en pas moins de 30 secondes (de 0:48 à 1:22).

On voit à nouveau le Su E Pian pendant 14 secondes à 6 minutes 58 secondes du début de la séquence d'introduction au Kinsey Institute (Jinsai xing yu shengyun yanjiusuo 金賽性輿生育研究所 ou simplement Jinsai yanjiusuo 金賽研究所 en chinois) – juste le temps d'entrevoir une double illustration attachée à la section 22 de l'ouvrage, « Ebats plaisants dans un chariot tiré par des moutons » (« Yangche xingle » 羊車行樂) ! (P.K)

jeudi 14 mai 2009

A Trévise à toute allure

Vous n'avez plus de temps à perdre si vous voulez écouter les 10 intervenants qui vont parler des contraintes et des libertés dans la traduction du chinois à Trévise ce vendredi 15 mai. Juste le temps de lire de quoi il sera question à l'Auditorium Santa Croce du Complesso Universitario San Leonardo (Riviera Garibaldi 13/E - 31100 Treviso) et de découvrir la liste des communications – les résumés sont accessibles dans un document pdf téléchargeable ici ; l'affiche se trouve, quant à elle, :

International Conference, Treviso, 15 May 2009
The Chinese word for ‘translation’ is fan 翻, which means « turn over, reverse » (as in the Latin word vertere) and also « search, rummage ». Translating a Chinese text, whether a classical or a modern one, a technical or a literary one, means on the one hand to « search » among one’s linguistic and extralinguistic resources; on the other hand it means sometimes to « turn over completely » the text in order to produce an adequate translation. It may happen that to « betray » a text is the only way to be « faithful » to it: in Hunter’s words: « There is little point in translating the text ‘faithfully’ if its message is not communicated to the readers. And translation is, of course, communication, but not at all costs » (« Translation from Chinese: Coherence and the Reader », 1991, p. 627). Translating is often a hard and audacious task to be accomplished, according to George Steiner: « To move between languages, to translate, even with restrictions of totality, is to experience the almost bewildering bias of the human spirit towards freedom » (After Babel, 1998, p. 497). But the philological understanding of the text and a deep awareness of its linguistic, historical, and cultural background prevent the translator’s bias to freedom from becoming bewilderment and abuse. The question is: which problems of commensurability and translatability between Chinese and European languages are translators confronted with? Is there any specificity in Chinese translation and in Chinese language, and if there is any, is it possible and/or necessary to transmit it coherently into the metatext? Recent tendencies in Translation Studies try to answer some of these questions, in order to enrich the field with new perspectives and to challenge its Western-centric viewpoint. This conference on Chinese translation aims at exploring these and other features of Chinese translation from both a practical and a theoretical standpoint, and to analyse old and new ways of translating Chinese texts.
  • Bruno Osimo, Università Ca’ Foscari, Venezia : Terminology in metalanguage as a possible solution
  • Attilio Andreini, Università Ca’ Foscari, Venezia : How to establish the text to translate? Some methodological issues in reading Early Chinese manuscripts
  • Paolo Magagnin, Università Ca’ Foscari, Venezia : The practice of the remainder in translation from Chinese
  • Federica Passi, Università Ca’ Foscari, Venezia : Translation, modernity and the past: the case of Zhang Ailing
  • Michael Berry, University of California, Santa Barbara : Translation, Transcription, and Being Translated: Reflections on the Challenges of Chinese-English Literary Translation
  • Stefano Zacchetti, Università Ca’ Foscari, Venezia : Medieval Chinese as a Target Language: Translation Strategies in the Early Chinese Versions of Buddhist Scriptures
  • Sebastian Veg, French Centre for Research on Contemporary China (Hong Kong) : Lu Xun and « hard translations » : the specificities of Republican literature
  • Nicoletta Pesaro, Università Ca’ Foscari, Venezia : The rhythm of thought: some problems of translating syntax in modern Chinese literature
  • Noël Dutrait (Université de Provence) and Liliane Dutrait : Between fidelity and betrayal, between constraint and freedom, the choice of pragmatism: the translation of Mo Yan’s novels
  • Fiorenzo Lafirenza, Università Ca’ Foscari, Venezia : There’s a tense for every activity under heaven: strategies for choosing verbal tenses in literary translation from Chinese into Italian.