Suite à l'attribution récente du prix Nobel de littérature 2008 à Le Clézio, l'agence de presse chinoise Xinhua a publié en ligne un article fort intéressant sur la réception en Chine du célèbre écrivain français, dont nous vous livrons une traduction générale. L'occasion pour nous de juger de quelle notoriété
Jean-Marie Gustave Le Clézio
(让·马瑞尔·古斯塔夫·勒·克莱齐奥)
jouit en Chine, mais aussi de savoir quelles sont les étapes de sa carrière ou bien ses goûts littéraires qui ont le plus marqué le public chinois.(让·马瑞尔·古斯塔夫·勒·克莱齐奥)
Le titre même de l'article présente Le Clézio comme un « grand passionné de culture chinoise et un fan de Lao She 老舍 ». Celui qui est considéré en France comme « l'un des plus grandioses écrivains existants », et présenté par l'Académie suédoise comme « le pionnier d'un nouveau genre littéraire, aux oeuvres pleines d'un mystère poétique », offre à l'Europe un nouveau prix Nobel de littérature, laissant « les écrivains américains loin derrière » (la dernière en date étant l'écrivaine Tony Morrison, en 1993).
Après une présentation biographique de Le Clézio, l'article cite son premier roman, très remarqué, le Procès-verbal 诉讼笔录 publié en 1963, alors qu'il n'est âgé que de 23 ans. Suivront une trentaine d'ouvrages, avec pour protagonistes une majorité de « marginaux et de vagabonds, qui reflètent son intérêt pour les sociétés primitives et les cultures anciennes disparues, et tout particulièrement les Indiens d'Amérique ». En 1994, le magazine français, Dushu 读书 (Lire) publie également le résultat d'une enquête d'opinion auprès des lecteurs français, qui le placent comme l'une des trois étoiles de la littérature française, aux côtés de Modiano 莫迪亚诺 et de Perec 佩雷克.
Le Clézio éprouve depuis longtemps un vif intérêt pour la Chine : en 1967, alors que la France et la Chine renouent au niveau des relations diplomatiques, l'écrivain demande à faire partie du premier groupe de jeunes gens envoyés en Chine dans le cadre d'une coopération francochinoise. Malheureusement, sa demande est rejetée. Mais l'écrivain se rappelle que, dans l'attente de la décision du Ministère français des Affaires Etrangères, le ciel de Nice avait pris pour lui un autre éclat, identique à celui des planches d'illustration du Rêve dans le pavillon rouge (Hongloumeng 红楼梦 ) de Cao Xueqin 曹雪芹. Le Clézio a toujours ressenti un vif intérêt pour la culture chinoise, pour la littérature chinoise en particulier, et surtout pour les oeuvres de Lao She. Il affirme : « La lecture des grands classiques de la littérature chinoise, la découverte de l'Opéra de Pékin mais aussi de la peinture traditionnelle chinoise m'ont profondément influencé. J'apprécie tout particulièrement les romans chinois modernes, notamment ceux de Lu Xun 鲁迅 et de Ba Jin 巴金, et tout spécialement ceux du romancier pékinois Lao She. Je trouve que la profondeur, l'enthousiasme et l'humour qui se dégagent des romans de cet écrivain ont un caractère universel, qui dépassent les frontières nationales ».
Celui qui s'est déjà rendu en Chine par trois fois s'est vu décerner le 28 janvier 2008 par la maison d'édition Renmin wenxue 人民文学 le prix du meilleur écrivain étranger de l'année 2006 pour son roman Ourania 乌拉尼亚. Il s'est alors déplacé à Beijing pour recevoir son prix. Le plus grand spécialiste chinois actuel de littérature française (et ami de Le Clézio), Yu Zhongxian 余中先, a commenté avant même l'annonce du nouveau Prix Nobel de littérature, que s'il devait être attribué à un écrivain français, ce serait forcément à Le Clézio. « L'écriture de Le Clézio est vraiment remarquable ! [...] L'obtention du prix Nobel de littérature n'est pas une surprise, il méritait vraiment cette récompense », a dit-il déclaré plus tard, lui qui a lu presque tous ses romans, dont Le Procès-verbal 诉讼笔录 et La Guerre 战争, les plus célèbres.
L'écrivain est admiré pour son incroyable discernement ainsi que pour sa capacité à dépeindre ceux qui vont à contre-courant et vivent en marge de la société moderne. Ces personnages sont souvent des laissés-pour-compte du monde moderne, ils vénèrent la nature et la liberté, tout en conservant leur simplicité. Yu Zhongxian considère que l'intérêt de Le Clézio pour ces sociétés est sans doute lié à son expérience personnelle : même s'il est né en France et a reçu une bonne éducation en Angleterre, il a également vécu en Afrique et en Corée, et sa position cosmopolite fait qu'il a toujours su laisser de côté les préjugés et s'intéresser aux gens qui vivent retirés. Lors de sa venue en janvier à Beijing pour recevoir son prix, Yu Zhongxian a noté qu'il portait aux pieds de simples sandales sur une paire de chaussettes, et ce malgré le froid : sûrement une habitude qu'il avait gardé de son long séjour en Afrique !
On peut donc voir que la remise du Prix Nobel de littérature 2008 à Le Clézio ravit le public chinois, qui a su très tôt reconnaître en lui un écrivain de talent, et apprécie depuis longtemps déjà son amour pour la culture et la littérature chinoise. (Solange Cruveillé)