Cliché tiré du blog de Tsering Woeser. Personne ne peut rester insensible aux
événements qui se jouent en ce moment en Chine. La proximité des Jeux Olympiques y conduit tous les regards et les médias, même les moins bien préparés, offrent tous leurs décryptages et leurs analyses. N’étant pas en prise direct avec eux, nous ne saurions proposer les nôtres. Ce blog, qui plus est, n’a pas été conçu pour devenir une tribune ou un forum où pourraient se confronter des avis et des appréciations. Il n’empêche que lorsque ce sont des hommes de lettres qui entrent en jeu et invitent à la réflexion en se mettant en danger, nous ne pouvons rester silencieux et garder les yeux baissés vers le fond de notre bol de nouilles. Le fait sur lequel nous voudrions attirer votre attention est, vous l’avez deviné, la pétition qu’ont publié sur internet une trentaine d’intellectuels chinois.
Voici comment Pierre Haski (Rue89) situe ce texte et ses enjeux :
En plein cœur de la bataille de la propagande menée par les autorités chinoises pour retourner l'opinion publique chinoise contre les manifestants tibétains et contre le dalaï lama, plusieurs dizaines d'intellectuels chinois ont pris le risque de rédiger, signer, et publier un autre son de cloche dissonant. Ce texte rendu public samedi, dont Rue89 vous propose la traduction intégrale en français, propose une alternative à la répression, et l'ouverture d'un dialogue avec le dalaï lama.
Les signataires sont pour beaucoup des intellectuels dissidents connus, tels Wang Lixiong, Liu Xiaobo ou Yu Jie. Ils savent ce qu'ils encourent de s'opposer ainsi à la position officielle du Parti communiste sur un sujet aussi majeur. Ils ont devant eux l'exemple d'un autre dissident, Hu Jia, arrêté à Noël dernier et jugé en catimini pour « subversion » au moment même où éclataient les émeutes de Lhassa. L'un des signataires, l'avocat Teng Biao, a récemment été kidnappé plusieurs jours par la police politique, puis relaché, sans doute pour l'intimider. [Lire la suite]
Si le texte chinois n’a pas le souffle des grands appels qui ont marqué l’histoire des revendications chinoises, il n’en porte pas moins des éléments forts, telle que la remise en question de la censure dont les mécanismes et les méfaits ont été maintes fois dénoncés par notamment des intellectuels chinois tel
Jiao Guobiao, et tant d’observateurs de la vie médiatique chinoise comme
Danwei.org ou encore
Zonaeuropa.com [EastSouthWestNorth], mais sans le moindre effet.
L’appel à la raison qui constitue le corps de la pétition à laquelle chacun est libre de s’associer, mérite d’être lu dans son intégralité ; il se conclut par ces mots :
Nous espérons que les Chinois et les Tibétains pourront éliminer les malentendus, développer les échanges, et réaliser l’union entre eux. Qu’il s’agisse des agences du gouvernement, ou des organisations populaires et des personnalités religieuses, tous doivent œuvrer en vue de cet objectif. [Lire le texte intégral]
La liste des signataires fait apparaître les noms de juristes, de professeurs et de chercheurs, de journalistes, de défenseurs des « droits populaires » et des droit des malades du sida, naturellement celui de
Ding Zilin 丁子霖, mais aussi d’un ingénieur, celui d’un peintre, d’un photographe, d’un éditeur et ceux d’écrivains :
Wang Lixiong 王力雄,
Liu Xiaobo 刘晓波,
Yu Jie 余 杰 ,
Sha Yexin 沙叶新,
Liao Yiwu 廖亦武,
Wang Debang 王德邦,
Zhao Dagong 赵达功,
Jiang Danwen 蒋亶文,
Xu Hui 许 晖,
Li Hai 李 海 et
Liu Yiming 刘逸明.
Les plus connus sont sans aucun doute les trois premiers, savoir :
•
Wang Lixiong 王力雄 que
Remi Quesnel appelle «
un intellectuel atypique » dans l’article qu’il consacrait dans le n°
79 de
Perspectives chinoises (sept.-oct. 2003) à l’auteur du roman
Huanghuo 黄祸 (Péril jaune, 1991) «
très critique vis-à-vis du régime de Pékin ». Wang est marié à la poétesse et analyste tibétaine
Tsering Woeser dont le
blog, écrit en chinois (et parfois en anglais), est consultable depuis la France et dont un ouvrage,
Mémoire interdite. Témoignages sur la Révolution culturelle au Tibet, traduit par
Li Zhang et
Bernard Bourrit, est attendu aux
Editions Bleu de Chine, qui, cela dit en passant, proposent plusieurs écrits d’auteurs tibétains.
•
Liu Xiaobo 刘晓波, également à l’initiative d’une pétition en faveur de
Hu Jia 胡佳 qui a déjà reçu plus de
480 signatures [ici en
chinois, et là en
anglais], est l'actuel président du
Independent Chinese Pen Center (ICPC) qui est «
a non-political, non-profit organization of writers that fights for the protection of freedom of expression and publication, and works toward ensuring the free flow of information, a prerequisite for a truly open society » fondée en
2001. Son
site fournit les écrits de beaucoup des signataires de la pétition. En
1997,
Frank Muyard avait rendu compte de ses écrits d'alors ; voir à nouveau
Perspectives chinoises n° 40, mars - avril 1997, page n° 29 : «
Liu Xiaobo : un intellectuel chinois face à la tradition et au nationalisme ».
•
Yu Jie 余 杰 est le plus connu des Aixois qui ont eu l’occasion de le voir et de l’entendre dans nos murs. On peut relire le texte que lui consacra, le
8/08/2005,
Pierre Haski en attendant les compléments que ce billet rédigé dans l'urgence ne devrait pas manquer de susciter.
A l’heure où j’écris (26/03/08, 10h30), cette pétition a déjà reçu presque
400 signatures de Chinois vivant en Chine et d’autres à l’étranger, mais aussi d’Occidentaux. Pour voir les signataires et suivre l'évolution de cette démarche, se rendre
ici.
Complément du 28 mars, 8h08 :
- à lire dans le
Libération du 28/03/08, l'interview donnée par
Liu Xiaobo à
Pascalle Nivelle, «
Pékin ne comprend pas le poids de la religion au Tibet ». Interrogé sur la pétition, il répond : «
Les problèmes entre Chinois et Tibétains sont dus à la politique du gouvernement central et à sa propagande unilatérale, non aux peuples. Au Tibet, seul compte le secrétaire général du PCC. Les autres sont là pour la galerie. Le dalaï-lama et le panchen-lama, le numéro 2, sont interdits de résider chez eux. Les moines n’ont pas le droit d’exprimer leurs convictions, ni leur attachement à leur chef spirituel. C’est une erreur. Le gouvernement chinois, qui ne représente que le pouvoir Han et l’athéisme, ne comprend pas le poids de la religion pour les Tibétains. Ils pensent qu’en donnant de l’argent et en permettant l’enrichissement personnel comme ailleurs en Chine, ils vont régler les problèmes, que la population s’éloignera naturellement du dalaï-lama. Ils tentent d’acheter le Tibet, seule région qui ne paye pas d’impôt au gouvernement central et où il n’existe pas de taxes d’importation. Les autres provinces, plus ou moins riches contribuent à cette croissance, ce qui ne manque pas de poser des problèmes. Il est vrai que le niveau de vie des Tibétains s’est élevé. Mais pour un peuple aussi religieux, cela ne suffit pas. Cette politique est vouée à l’échec.»
- à lire, sur
Marianne2, l'article de
Pauline Delassus et
Régis Soubrouillard mis en ligne le 28/03/08, 00h03 et intitulé «
Chine : LaGrandecencsure.com ».
- à consulter sur le site «
Arrêt sur images le dossier «
Tibet, contrechamps ».