Le web francophone est de plus en plus attentif à la littérature asiatique. Certes, ce n'est pas un déferlement qui rendrait notre blog redondant et lui enlèverait son originalité et l'utilité que nous lui prêtons et celle que vous semblez lui trouver. Nous n'en sommes pas encore là. Mais, en plus des articles que l'on trouve de plus en plus souvent dans les éditions en ligne des quotidiens ou des magazines traditionnels, sont apparus récemment deux blogs qui explorent à leur manière et selon leur propre curiosité l'immense espace qu'offre aux curieux la littérature asiatique notamment celle qui est disponible en traduction : Impressions d'Asie de Marjorie Alessandrini sur BibliObs, le site littéraire de NouvelObs.com et les chroniques de Bertrand Mialaret sur l'excellent site Rue89.com. Quand le premier embrasse toute l'Asie, le second, porte ses regards vers ce que la Chine produit de meilleur et s'intéresse aussi à ces écrivains chinois qui écrivent loin des frontières de la RPC ou de Taiwan, parfois même dans une langue d’adoption. Des liens fixes dans la colonne de gauche permettent de les rallier directement et de vous épargner la lecture de ce billet.
Impressions d'Asie.
Depuis le début du mois de novembre 2007, Marjorie Alessandrini a évoqué des auteurs en provenance du Japon, comme Murakami Haruki 村上春樹 (1949-) et Murakami Ryû 村上龍 (1952-) [« Un Murakami peut en cacher un autre » (17/12/07)] ou encore Yoko Ogawa 小川洋子 (1962-) pour La Marche de Mina, roman traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle (Editions Actes Sud, 2006) [« La petite fille aux boîtes d’allumettes » (31/01/08)], mais aussi, les mangas nippons [« L'empire des mangas » (18/01/08)] en signalant la parution de Mille Ans de mangas de Brigitte Koyama-Richard (Flammarion, 247 p.). Il fut également question d'un roman lié au Japon par son auteur, le français Richard Collasse, La Trace (Seuil, 318 p.) [« Un roman d'initiation au Japon », (15/11/2007)] qui, nous dit-elle, vaudrait plus pour son « approche d'un Japon intime, loin de tout folklore, aux antipodes de tous les clichés ‘lost in translation’ » plutôt que son intrigue et son style. Un détour par la Birmanie, nous a valu d'être averti de la sortie chez Olizane d' A mots couverts. En Birmanie sur les traces de George Orwell d’Emma Larkin, traduit de l'anglais par Colette Merigot [« Un thé en Birmanie », (27/12/08)] et, en passant par l'Inde, d'avoir l'eau à la bouche avec une présentation du Curry ou une histoire gastronomique de l'Inde de Lizzie Collingham, traduit de l'anglais par M.-O. Probst (Noir sur Blanc, 328 p.) [« Le curry voyageur ou l'histoire de l'Inde racontée par ses cuisines », (26/11/2007)]. Marjorie Alessandrini a aussi manifesté un goût légitime pour les beaux livres avec un billet sur le Genji monogatari 源氏物語 [« Du bon usage du Genji », (8/11/07)] et une curiosité, non moins justifiée, pour la langue chinoise dans un compte rendu [« La troisième dimension », (xx/02/08)] un peu candide du dernier ouvrage de Cyrille J.-D. Javary, 100 mots pour comprendre les Chinois (Albin Michel). Son billet « Rattatitude » (06/02/08) suscité par le nouvel an chinois et la parution de l’ouvrage de circonstance de Marie Sellier, Catherine Louis et Wang Fei intitulé Le rat m’a dit… La vraie histoire de l’horoscope chinois (Picquier Jeunesses) a ouvert une nouvelle voie à la présentation des vœux pour l'année chinoise, qui laisse anticiper un « Bœufattitude » tout aussi sympathique dans un peu moins de douze lunes. Longue vie aux Impressions d’Asie.
La Chine au bout de la Rue.
Bertrand Mialaret, « consultant à Paris, passionné de Chine » a, d'une certaine manière, pris le relais de Pierre Haski qui, pour se consacrer à Rue89.com, a abandonné Cinq ans en Chine qui faisait suite à Mon journal de Chine, où il parlait à l'occasion de ses lectures. Il y revient de temps en temps, dans un Chinatown attentif à ce qui se passe d'heureux et de déplorable en Chine, comme avec son intéressant et récent billet [« L'homme est un loup pour l'homme, version chinoise », (10/02/08)] sur Le Totem du Loup de Jiang Rong 姜戎 dont nous avons déjà parlé et dont nous reparlerons très prochainement.
Mais c'est à Bertrand Mialaret que nous devons des aperçus pertinents sur les auteurs chinois qu'il convient de ne pas négliger dont Wang Anyi 王安忆 [« Chine : le roman de l'amour après Mao, Wang Anyi », (11/10/07)] ou Mo Yan 莫言 naturellement [« L'écrivain chinois Mo Yan, les examens et la "Joie éternelle" », (21/11/07)]. Ses billets sont toujours finement documentés et rendent perceptible une réelle familiarité avec l'espace chinois. Celui consacré à Xinran 欣然 (1958-) offre même une passionnante interview de cette « chinoise dont les écrits ne manquent pas de relief » (P.K.) [« La romancière chinoise Xinran démonte les préjugés contre les filles », (22/01/08)]. Bertrand Mialaret s'intéresse, et nous invite à faire de même, aussi aux à-côtés de la production littéraire continentale et taiwanaise. Le cinéma bien-sûr qui y trouve comme avec Zhang Ailing/Eileen Chang 張愛玲 (1920-1995) source et inspiration [« Lust caution primé à la Mostra, découvrez Eileen Chang », (18/09/07)], mais pas seulement. Bertrand Mialaret fait preuve d'un salutaire intérêt pour notamment les wuxia xiaoshuo 武俠小說, ces romans d’arts martiaux, dont il se demande s'ils sont « des contes de fées pour adultes » [billet du 29/12/07 ], et surtout pour ces Chinois qui se sont installés hors de Chine et font grandir plus ou moins loin d'elle une œuvre parfois dans une langue d'adoption, comme Qiu Xiaolong 裘小龍 [« Qiu Xiaolong, flic et poète à Shanghaï », (02/11/07)], Ha Jin 哈金 [« Le premier roman « américain » du « chinois » Ha Jin », (11/12/07)] et Tash Aw et Tan Twan Eng, vedettes de son dernier billet publié qui lève une part du voile qui cache la « création littéraire de Malaisie [qui] est peu connue en France »,[« Chinois des Détroits, deux écrivains de grand talent », (02/02/08)].
Nous avons, me semble-t-il, en commun la même envie de faire partager au plus grand nombre le meilleur de ces littératures et nos engouements pour des textes qui méritent de s'inscrire dans l'espace culturel du Français de ce début de siècle, comme cela fut le cas pour la littérature américaine au siècle précédent. En atteste, l'échange suivant qu'ont rendu possible la facilité et la rapidité de communication du blog. A mon commentaire à un de ses billets – celui sur Xinran -, publié le 23/01/08 à 17h09, qui s'achevait sur l'évocation du « gigantesque travail qui reste à accomplir pour que Cao Xueqin, Tang Xianzu et combien d'autres deviennent aussi familiers à nos compatriotes que Shakespeare, Dickens ou Victor Hugo, et que la littérature chinoise dans son ensemble occupe, chez nous, toute la place qui lui revient », Bertrand Mialaret répondit (à 20h48) : « Je crois que c'est un vrai sujet ; malgré des efforts nombreux et beaucoup de bonnes volontés des éditeurs, des traducteurs, des journalistes, des universitaires, des pouvoirs publics.... le progrès n'est peut être pas à la hauteur des ambitions peut-être à cause des programmes scolaires. La civilisation égyptienne est probablement plus proche de la nôtre que la chinoise, mais il y a sûrement de bons esprits qui disputeraient ce point ; et pourtant, le bachelier « moyen » a des connaissances sur l'Egypte sans comparaison possible avec celles qu'il n'a pas sur la Chine. En revenant à la littérature, ne nous plaignons pas car la somme de publications et de traductions est beaucoup plus conséquente en français que dans le monde anglophone. Néanmoins, les limites existent (.../...). Il y a vraiment (.../...) un très gros travail à faire. »
La tache est en effet immense et je remercie chaleureusement nos deux blogueurs de consacrer temps, énergie et talent à baliser l'espace et à aiguiser les envies, ceux des lecteurs, des traducteurs et pourquoi pas des éditeurs. Dans cette exploration, nous avons, bien sûr, tous un rôle à jouer.
L'implication de notre équipe dans ce travail de défrichage, de décryptage et de présentation devrait sans doute être encore plus grande. En effet, notre position - une équipe réunissant des spécialistes de la langue et de la culture de la Chine ancienne et contemporaine, du Japon, de l'Inde, du Vietnam, de la Corée, de la Thaïlande et de la Birmanie - , devrait nous permettre de fournir une expertise encore plus fine sur tous les aspects des publications touchant à ces aires culturelles, mais aussi et surtout sur l'appréciation de la qualité des traductions qui nous sont proposées, et pas seulement sur son rendu français (ou anglais) - de ce point de vue, tout lecteur peut formuler un avis fondé -, mais dans l'évaluation rigoureuse et impartiale de sa correction par rapport à la langue d'origine. Notre apport peut également être déterminant sur l'évaluation de la pertinence des choix que réalisent les éditeurs par rapport à la multitude des textes inédits en traduction que nous sommes amenés par goût, ou par obligation, à croiser et à fréquenter. Donc, mes chers amis, au boulot !
Je profite de ce billet, numéro deux d'une série qui ne demande qu'à s'étoffer, pour vous signaler que Joel Martinsen a mis en ligne sur l'inégalé site Danwei.org une piquante synthèse sur ce qu'il faut savoir des meilleures ventes de livres en RPC : « The top Chinese books in 2007 » (12/02/08). En parcourant ces différents palmarès, on croise les noms d'occidentaux nobelisables tels qu'Amos Oz (1939-) et Milan Kundera (1929-), mais aussi ceux d'auteurs chinois dont certains sont déjà connus du public français comme Jia Pingwa 贾平凹 (1952-) (Stock), Liu Zhenyun 刘震云 (1958-). D'autres auteurs mériteraient sans doute de l'être autant, comme, notamment, Cao Naiqian 曹乃谦 (1949-), - le futur Nobel chinois ? -, dont Noël Dutrait proposera la traduction d'une nouvelle dans le numéro 1 de notre revue en ligne, Impressions d'Extrême-Orient que notre équipe est en train d'élaborer. Encore un peu de patience. Mais sachez que vous serez les premiers informés de sa mise à disposition. En attendant, vous savez où cliquer. (P.K.)
Ajout du 19/02/08 : Bertrand Mialaret a réagi , le 17/02/08, à ce billet par un e-mail qu'il m'a autorisé à publier. Le voici :
Ajout du 19/02/08 : Bertrand Mialaret a réagi , le 17/02/08, à ce billet par un e-mail qu'il m'a autorisé à publier. Le voici :
« Merci de vos commentaires élogieux dans votre billet du 16/2. Votre équipe a sans aucun doute un rôle important à jouer notamment pour mettre en lumière des appréciations sur l'importance des traductions et de leur qualité. Rien ne serait plus regrettable que la « médiocratisation » de la littérature chinoise traduite comme cela a tendance à se produire aux Etats Unis avec beaucoup de « petits » romans souvent écrits par des sino-américaines (soyons un peu macho !) qui racontent toutes la même histoire en anglais ou à l'aide d'une traduction bâclée. Pour continuer notre discussion sur la place que devrait avoir la littérature chinoise, comme vous le dites justement « comme ce fut le cas pour la littérature américaine au siècle précédent », il y a un paramètre à mon sens à suivre : la place de l'information sur le monde chinois dans le volume total des médias et la qualité de cette information. Ce qui me frappe c'est que la « part de marché » du monde chinois dans le volume des médias n'augmente que faiblement et certainement pas en ligne avec la croissance économique ou le poids politique du pays. Quant à la qualité, elle est médiocre. C'est un des mérites de Rue89 d'avoir une couverture des problèmes chinois plus importante que le reste de la presse. De même le style et le choix de l'information dans le Chinatown de Pierre Haski qui consiste souvent à partir d'un fait précis ou d'un individu situé pour illustrer un problème ou une information plus générale, et permet de rendre accessible l'information : « au fond, ce sont des gens comme nous.. », se dit le lecteur. C'est aussi par ce biais que l'on peut intéresser un public plus large à la production littéraire de ce pays. Je crains néanmoins, d'une manière générale, que la période des JO qui va attirer beaucoup de couverture mais aussi beaucoup de clichés sur la Chine ne soit pas une période favorable.
Et vous qu'en pensez-vous ?