samedi 3 mai 2008

Réponse à la devinette (014)

Je ne sais pas si Mathieu aurait aussi facilement identifié Tcheng-Ki-Tong alias Chen Jitong 陳季同 (1851-1907) comme le rédacteur du texte présenté pour la devinette 14, si, au lieu de vous soumettre le début de la série d'articles publiés par le fameux général-ambassadeur en poste à Paris jusqu'en 1891 dans La revue des Deux Mondes sous le titre « La Chine et les Chinois » qui constituera le corps de l'ouvrage Les Chinois peints par eux-mêmes (Paris : Clamann-Lévy, 1884), je vous avais proposé ce bout de texte du même auteur :
« J'ai lu, je ne sais plus où, que le nommé On, - On est un être indéfini qui existe partout et dont il est permis de médire à volonté, - demanda à Victor Hugo, si « c'était bien difficile de faire des vers ». C'est une question si naturelle ! Le poète répondit avec sa bonhomie ordinaire, que « c'était très facile ou impossible ». Comme je ne suis pas poète, si ce n'est en chinois, je suis bien obligé d'admettre l'opinion de celui qui fût le plus grand des poètes modernes de l'Occident. J'avoue même modestement que je suis de son avis. Par une singulière coïncidence, on m'a demandé comment j'étais devenu parisien, et si « c'était bien difficile de le devenir ». Parisien ! Un titre qui n'a pas de rapport avec l'esprit, assurément ; car je ne suis pas « né natif » de Paris, étant de Foutcheou, ma patrie ! Cependant cette question fort imprévue m'a été adressée et m'a donné à réfléchir. J'ai médité le « to be or not to be »... Comme le titre de « parisien » est en somme une des rares faveurs qui ne s'achèvent pas, et que c'est un droit de noblesse ou de bourgeoisie de l'esprit, il peut appartenir à tout homme de la race, sans que cet homme ait à rougir de son clocher ou de sa pagode. Je veux bien être « parisien » et je le suis, puisque les journaux l'ont proclamé ; mais c'est à une condition ; c'est que le « être parisien » soit très facile ou impossible. »
La suite de ce texte savoureux intitulé « Comment on devient parisien », illustré par Félix Régamey (1844-1907) et accompagné pour l’occasion de cinq magnifiques portraits de Chen par Nadar (1820-1910), est à lire dans le numéro 11 de la revue Monde chinois (Automne 2007) qui propose dans son volume inaugural de sa nouvelle maquette un dossier « Information & désinformation sur la Chine de François Guizot à François Jullien » (voir le sommaire sur le site de la Documentation française qui en assure la diffusion).

On avait, rappelez-vous, déjà évoqué dans un précédent billet où il était question de ses « traductions » de contes de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715) et un de ses lecteurs, Anatole France, celui qui passe pour être le premier Chinois à composer dans notre langue des ouvrages sur son pays et sa culture. On aura sans doute l'occasion de reparler de ses écrits (une dizaine de titres dont un roman - Le Roman de l'Homme Jaune, 1890) et de leur réception (chez nous et dans le monde anglo-saxon) -- l'un et l'autre de ces sujets méritent toute notre attention en ces temps de discorde. Mais, un peu de patience, et encore bravo et merci à tous ceux qui ont bien voulu consacrer un peu de leur temps à chercher des solutions aux devinettes proposées depuis plus d'un an sur ce blog. (P.K.)

Complément du 22/05/08 : Lire sur BibliObs, la présentation par Delfeil de Ton du n° 11 de Monde chinois : « Le nouveau Monde chinois » (Le Nouvel Observateur, 28/02/08)

dimanche 27 avril 2008

Guan Hanqing sinon son ombre

Peinture murale d'un monastère de Hongdong 洪洞, Shanxi 山西
représentant une troupe d'acteurs sous les Yuan
(1324).
Source : Song Jin Yuan xiqu wenwu tu lun 宋金元戲曲文物圖論.
Taiyuan : Shanxi renmin, 1987. voir p. 122.

A l’occasion de la sortie aux PUF en juillet 1995 du volume n° 2980 de la collection « Que sais-je ? » , Le théâtre chinois de Roger Darrobers, je dressais le constat suivant : « Le mépris qu’ont toujours manifesté les défenseurs de la tradition confucéenne, champions des Belles-lettres, à l’égard du théâtre a curieusement trouvé son pendant dans la négligence avec laquelle les sinologues français ont longtemps traité cette expression du génie chinois. Si, comme le rappelait en 1966 Paul Demiéville [« Aperçu historique des études sinologiques en France », Acta Asiatica (Bulletin of the Institute of Eastern Culture), 11, Tôkyô, 1996, p. 56-110], des esprits curieux se sont très tôt penchés sur la littérature dramatique chinoise en traduisant, avec les outils de l’époque, quelques-unes des œuvres marquantes du théâtre des Yuan (1279-1367), aucun ne s’était encore risqué à en donner une histoire et à l’envisager dans toute sa diversité. C’est ainsi qu’en 1973, lorsqu’il dressa un bilan des études chinoises, Michel Soymié ne pouvait ajouter à ce constat peu glorieux qu’une demi-douzaine d’études partielles [« Les études chinoises », Journal Asiatique, tome CCLXI, facs. 1-4 (1973), p. 231]. Quinze ans plus tard, et ce malgré les efforts d’ardents défenseurs des arts de la scène et une poignée d’amateurs convaincus, lesquels n’ont pas toujours eu les honneurs de l’édition, de toutes les littératures de divertissement que produisit le continent chinois, le théâtre est sans conteste le genre le moins connu du public français, loin derrière le roman dont les œuvres majeures, aussi bien anciennes que modernes, lui sont accessibles par des traductions de référence. » [Pour lire la suite voir Etudes chinoises, vol. XVI, n° 1, printemps 1997, pp. 180-183, téléchargeable ici]

Cet exemplaire « Que sais-je ? » remplissait donc une lacune qu’avait jusqu’alors partiellement comblé les intéressantes notices du Dictionnaire universel des littératures (Béatrice Didier (ed.), PUF, 1994, dont la partie chinoise constitue un volume indépendant paru sous le titre de Dictionnaire de littérature chinoise (A. Lévy (ed.), 2000). Si depuis Roger Darrobers a bien donné à ses chapitres 5 et 6 une brillante excroissance intitulée Opéra de Pékin (Paris : Bleu de Chine, 1998, 461 p.) et consacrée au plus fameux des théâtres locaux qui se développèrent à partir du milieu du XIXe s., le Jingju 京劇, aucune étude n'est venue compléter notre connaissance du théâtre littéraire des trois dernières dynasties.

Pour expliquer cette désaffection pour un genre majeur de l'expression artistique chinoise, j'avais aussi invoqué dans le même compte-rendu, outre la complexité de l’expression dramatique chinoise, les difficultés que présente sa lecture : « Celle-ci nécessite non seulement une solide connaissance de la langue classique, portée dans l’écriture des passages chantés à un degré de raffinement extrême, mais aussi un goût prononcé pour la langue vulgaire ancienne dans laquelle sont couchés des dialogues indispensables à la bonne compréhension de l’action. À ces exigences de base déjà fort redoutables, il faut encore ajouter les obstacles que posent ses liens avec la musique et dans certains cas les multiples problèmes d’ordre philologique qu’impose l’étude de sa transmission. » Ceci n'ayant pas changé, on ne s'étonnera pas de ne pas avoir beaucoup progressé dans ce domaine.

Illustrations pour Zhao shi gu'er 趙氏孤兒 de Ji Junxiang 紀君祥
dans une édition Ming du Choix du théâtre des Yuan, Yuan qu xuan 元曲選.

Et en traduction alors ? Si on laisse de côté les historiques adaptations anciennes auxquelles faisait référence Paul Démieville, dont certaines ne sont en fait que de rudimentaires résumés, qu’a-t-on à se mettre sous les yeux pour découvrir l’expression artistique la plus largement prisée des Chinois depuis sa tardive apparition au tournant du XIIe siècle ?

Si l'on a fait un pas dans le bon sens pour le chuanqi 傳奇 des Ming 明 (1368-1644), avec deux traductions en moins de dix ans, savoir le Pavillon aux Pivoines et L'Oreiller magique de Tang Xianzu 湯顯祖 (1550-1617) grâce à André Lévy (MF éditions, respectivement 1999 et 2007) auxquelles je consacrerai un prochain billet, le théâtre chinois qui connut avec le zaju 雜劇 son premier âge d'or sous les Yuan, nous est toujours aussi peu accessible. Le dynamisme de la recherche chinoise, qui a permis la mise à disposition de nombreux documents et combien d’outils indispensables, n'a pas encore produit chez nous son effet. La plus grande du corpus est dorénavant consultable sur internet : le Yuanqu xuan 元曲選 (Choix des Pièces des Yuan) publié en 1616-17 qui reprend cent zaju des Yuan et du début des Ming, grâce au Japan Association for Chinese Urban Performing Arts 中国都市芸能研究会 ; Xiaoyao 簫堯藝文網, site très riche en ouvrages anciens, propose un Quan Yuan qu 全元曲 fort complet.

La traduction française la plus facilement accessible reste toujours le recueil de trois zaju réalisé par Li Tche-houa [Li Zhihua 李治華] en 1963 pour la collection « Connaissance de l’Orient » : Le signe de patience, et autres pièces du théâtre des Yuan (Paris : Gallimard). Il présente deux zaju de Zheng Tingyu 鄭廷玉 (Le Signe de Patience : Renziji 忍字記 et L'Avare : Kanqian nu 看錢奴) et un de Qin Jianfu 秦簡夫 (Le Fils Prodigue : Pojia zidi 破家子弟). On attend toujours une bonne traduction française du Xixiangji 西廂記 le chef-d'œuvre de Wang Shifu 王實甫 (début du XIV° s.) qui viendrait remplacer celle de Stanislas Julien (1797-1873) (L'Histoire du pavillon d'Occident, 1880), un recueil consacré à Ma Zhiyuan 馬致遠 (ca 1250-1321), et qu'un éditeur rendre enfin hjustice à l'Orphelin de Zhao, ce Zhao shi gu'er 趙氏孤兒 de Ji Junxiang 紀君祥, traduit en 1731 par le Père de Prémare (1667-1735) qui inspira à Voltaire son fameux Orphelin de la Chine (1755) ; la pièce a également été traduite par S. Julien (Moutardier, 1834) et plus récemment par Christine Corniot qui l’a elle-même éditée (L’orphelin de Zhao. Drame chinois de Ji Junxiang. 1994, 57 p.). Jacques Pimpaneau a pour sa part choisi de reproduire l’antique traduction incomplète du Père de Prémare dans son Anthologie de la littérature chinoise (Arles : Picquier, 2004, pp. 567-600). Il livrait également trois autres zaju : deux des trois subsistants des seize écrits par Bai Pu 白樸 (1226-1306 ?) : Pluie sur le sterculier (pp. 601-638) traduction du Wutong yu 梧桐雨 et Elle en haut du mur et lui sur son cheval (pp. 639-669) traduction de Qiangtou mashang 牆頭馬上. Suivent des extraits de pièces de Ma Zhiyuan (Han qiu gong 漢宮秋, Chagrin au Palais des Han, acte III, pp. 680-687 ; Huangliang meng 黃粱夢, Le Rêve de Millet, acte IV, pp. 680-694), et l'acte IV du Cercle de craie, Huilan ji 灰闌記 de Li Qianfu 李潛夫 dans la traduction de S. Julien, 1832 (pp. 696-706).

Au bout du compte, on ne connaît assez bien qu'à peine plus d'une demi-douzaine des 162 zaju subsistants des quelque 600 recensés pour la période ! Imaginez donc mon impatience à me procurer le double numéro de Théâtre/Public (n° 186/187, fin 2007) qui propose dans un cahier coordonné et présenté par Michèle Raoul-Davis (pp. 5-83), Cinq pièces de Guan Hanqing !

Cette annonce a, en effet, de quoi surprendre pour plusieurs raisons. Le support pour commencer : une revue, fondée en 1974 par le metteur en scène Bernard Sobel [voir l'article de René Solis, Libération du 08/01/08 et p. 4 de la revue). Le nombre ensuite : cinq pièces d'un coup ! C’est beaucoup quand on connaît les pièges et les difficultés que réserve l'écriture du plus fameux dramaturge de la période, celui que les Chinois n'hésitent pas à comparer à Shakespeare, héros national et dramaturge d’exception, Guan Hanqing 關漢卿.

On sait peu sur lui sinon qu'il serait né vers 1230 et qu’il serait originaire de la capitale, le Pékin des Mongols, le Cambalut de Marco Polo (voir La Description du monde, chap. LXXXV). Il serait « l'auteur de 67 pièces dont 18 ont été conservées dans leur intégralité ou sous forme fragmentaire » et comme le rappelle encore Roger Darrobers (Le théâtre chinois, pp. 14-15), il aurait été selon ses propres dires « dure à cuire et irréductible » et « les airs chantés, chez Guan Hanqing, manient à la fois les allusions littéraires et les mots crus de la langue parlée. On prête à son écriture une « couleur originelle » contrastant avec le style affecté et maniéré attribué aux autres auteurs. »

Mais venons-en à ces traductions qui, hélas, mille fois hélas -- la déception est à la hauteur de la surprise ! --, n'apportent rien de neuf à la connaissance de l'œuvre de ce grand génie. En effet, elles ont été réalisées à partir de traductions déjà existantes. Leur seul avantage est donc limité à fournir une version française aux traductions que donnèrent voici un demi-siècle Yang Xianyi 楊憲益 (1915-) et son épouse Gladys Yang (1919-1999), alias Gladys Taylor, Dai Naidie 戴乃迭 de son nom chinois. Sans chercher à minimiser le rôle qu'ils ont pu jouer dans la diffusion de la littérature chinoise ancienne et moderne en dehors de Chine pendant plus d'un demi-siècle, on doit néanmoins reconnaître que leur traduction des pièces de Guan Hanqing s'est faite au prix de nombreuses trahisons et simplifications. Elles eurent néanmoins le mérite de faire connaître à l’Occident anglophone huit pièces du dramaturge. Selected Plays of Kuan Han-ching (Shanghai : New Art and Literature Publishing House, 1958) sera repris la même année aux Foreign Languages Press de Pékin et à nouveau publié en 1979 sous un titre mis au goût du jour, Selected Plays of Guan Hanqing, avec toujours la préface de onze pages de Wang Jisi 王季思 (1906-1996), grand spécialiste du zaju et professeur de l'Université Sun Yat-sen (Guangzhou) qui semble avoir fait les frais de la réédition chez le même éditeur en 2001.

Or donc, ce sont cinq des huit zaju traduits en anglais que nous invite à lire dans notre langue ce volume de T/P. Ces versions ont été réalisées à différentes époques et par différentes personnes entre 1961 et 2006 ; certaines ont été publiées de longue date, d'autres le sont pour la première fois.

Qu'en dire sinon que le passage en français reste fidèle à la lettre anglaise, et donc reproduit ses erreurs, ses coupes et les libertés prises avec le texte de Guan Hanqing qui, ne l'oublions pas, avait déjà subi une mise en forme sous les Ming, sauf, nous informe-t-on pour les trois dernières qui « ont été ensuite « relues » avec l'original chinois » par Rebecca Peyrelon-Wang, Chunyan Ning et Ariane Christen. Bref, c'est une terrible déception pour qui sait combien il serait heureux de rendre ces œuvres dans leur efficacité initiale et de les débarrasser des ombres qui nous le cachent encore. Malgré ces réticences et avec les précautions qui s'imposent, le curieux pourra néanmoins toujours consulter avec profit ce volume dont voici le détail dans l'ordre de présentation :
  • La neige au milieu de l'été (pp. 11-21) : texte français de Bernard Sobel (déjà publié sous le nom de Bernard Tisseau in Théâtre populaire, n° 43, 1961) d'après Yang (trad.), « Snow in Midsummer » (pp. 13-37), traduction de Dou E yuan 竇娥冤, L'injuste accusation de Dou E. De loin la pièce la plus célèbre de Guan Hanqing et la plus traduite et adaptée. Outre Le ressentiment de Dou E que Jacques Pimpaneau propose dans son Anthologie (pp. 538-564), B. Sobel aurait pu facilement améliorer son texte en consultant deux traductions anglaises plus anciennes et plus précises : Liu Jung-en, « The Injustice done to Tou Ngo » (in Six Yüan Plays. Penguin Books, 1972, pp. 115-158) et surtout Shih Chungwen, Injustice to Tou O (Tou O Yuan): A Study and Translation. Cambridge : Cambridge University Press, 1972, qui propose le texte chinois en regard de la traduction --- un excellent moyen de prendre contact avec Guan Hanqing et le zaju des Yuan ! En voici un rapide résumé d'après Darrobers (1995, p. 15) : Vendue par un père criblée de dettes, Dou E doit épouser contre son gré un homme qui va décéder peu après. La jeune veuve et sa belle-mère deviennent les otages de deux filous, un père et son fils. Accusée à tort d'avoir empoisonné le plus vieux, Dou E est condamnée à mort et, « lors de son procès profère trois vœux destinés à prouver son innocence. De la neige, tombant en plein été sur son corps décapité, confirme miraculeusement ses dires. Son père, devenu magistrat, lui rend justice à titre posthume. »
  • Le pavillon au bord de la rivière (pp. 22-32) : texte français de Michèle Raoul-Davis (déjà publié dans le n° 7 de Théâtre/Public, oct. 1975), d'après Yang (trad.), « The Riverside Pavilion » (pp. 114-135) traduction de Wangjiang ting 望江亭. Le kiosque sur le fleuve « a pour héroïne une jeune veuve, remariée à un magistrat débutant. Elle est menacée par un personnage influent, qui veut la contraindre de céder à ses avances, quand la promotion de son mari permet un retournement providentiel qui entraîne la disgrâce du scélérat. » (Darrobers, op.cit., p. 16)
  • Le seigneur Guan va au banquet (pp. 33-43) : texte français de Bernard Pautrat, d'après Yang (trad.), « Lord Guan goes to the Feast » (pp. 160-185), traduction de Guan Dawang du pu dandao hui 關大王獨赴單刀會, pièce plus connue sous le titre Dandao hui, La rencontre muni d'une simple hallebarde et qui met en scène l'illustre général Guan Yu 關羽 (?-219) et chante son courage et son sang-froid.
  • Sauvée par une coquette (pp. 44-53) : texte français d'Evelyne Pieiller, d'après Yang (trad.), « Rescued by a Coquette » (pp. 92-113), traduction de Jiu fengchen 救風塵. « Sauvée de la déchéance dépeint les vicissitudes encourues par une femme, réduite par son amant à la prostitution. Le ton de la pièce reste à la comédie : une consœur complaisante accepte de séduire l'amant, afin de l'inciter à rédiger la lettre de répudiation qui permettra à la jeune fille de convoler avec le lettré de son cœur. » (Darrobers, p. 16)
  • Le rêve du papillon (pp. 54-65) : texte français d'Evelyne Pieiller, d'après Yang (trad.), « The Butterfly Dream » (pp. 67-91), traduction de Huidie meng 蝴蝶夢. Dans Le rêve aux papillons, « le juge Bao fait exécuter un voleur de chevaux à la place d'un homme condamné pour avoir vengé son père avec l'aide de ses deux frères. » (Darrobers, p. 17). A vous, maintenant, de lire la pièce - en français ou en anglais, ou en chinois - pour comprendre pourquoi le titre fait allusion à des papillons !
Mais, à quoi bon se lamenter puisque, comme l'indique Michèle Raoul-Davis répond (p. 9) , « les traductions éditées ici ont toutes été faites, hormis celle de La neige au milieu de l'été, en vue de représentations ». Les pages 66 à 81 reviennent, du reste, sur cette aventure artistique surprenante qui commença en 1967 au théâtre de Sartrouville, avec Patrice Chéreau et se poursuivit jusqu'en 2007 au théâtre de Gennevilliers.

Je n'ai, pour ma part, jamais eu l'occasion d'assister à ces représentations. Je conserve donc pour moi les interrogations que l'on peut nourrir sur la manière dont on a trouvé un substitut au chant qui est, ne l'oublions pas, un élément fondamental du théâtre/opéra chinois, au jeu des acteurs qui, si l'on en juge d'après les photos, s'éloigne sans vergogne de la stylisation propre à l'expression dramatique chinoise, etc. Pour l'heure, je vais sagement tenter de me convaincre que Ferdinand Brunetière (1849-1906), qui se basait sur ce qu'en avait révélé un peu plus tôt un disciple de Stanislas Julien, Antoine Bazin (1799-1863) (Théâtre chinois, 1838 et Le siècle des Yuann, 1854, entre autres), n’avait pas complètement tort : « Le théâtre chinois est très voisin du nôtre, plus voisin même que celui des anciens Grecs » (cité par Camille Poupeye, Le théâtre chinois. Bruxelles : Editions Labor, (1933) 1984, p. 208). Il sera utile de revenir un jour sur un sujet sur lequel vous avez sans doute votre avis. (P.K.)

Complément du 22/05/08 : A lire sur BibliObs.com, l'article d'Odile Quirot, «Visite en Chine avec Théâtre/Public » (21/01/08).