samedi 29 novembre 2008

Réponse à la devinette (017)

Certains l'avaient trouvé :
la source de la devinette n° 17 était ce monument laissé par le
Père Henri Doré S. J. (14 août 1859 - 4 décembre 1931),
Recherches sur les superstitions en Chine
[Zhongguo minjian xin yang] 中國民間信仰.

C'est comme il l'écrit lui-même dans un avant-propos daté du 24 mai 1910 - « En la fête de N.-D. Auxiliatrice, patronne du Kiang-nan » [Jiangnan 江南] -, le fruit « [d']une longue expérience et plus de vingt années de relations quasi-quotidiennes avec les païens », situation extraordinaire qui l'a mis « dans des conditions très favorables pour connaître leur mentalité et toutes leurs croyances ».

Le résultat est en ensemble très copieusement illustré que les Editions You-Feng (Paris) ont eu l'excellente idée de publier en fac-similé en 1995. On peut donc se procurer les 18 volumes auxquels ont été ajoutés une Table analytique et un Index de 440 pages établis par Gilles Faivre qui explique l'utilité de son travail et sa difficulté dans une introduction en forme d'avertissement (pp. 7-10). On ne peut, en effet, faire l'économie de ce volume pour s'orienter dans la masse impressionnante de notations et d'appréciations ainsi réunies -- ce sont, finalement, les premières qui primeront sur les secondes très teintées de l'esprit missionnaire du Père Doré qui découvrit la Chine en 1886, soit un quart de siècle avant l'écroulement du régime impérial.

Le passage retenu apparaissait dans le Tome XIV (p. 605), en conclusion du dernier chapitre de sa présentation de la « Doctrine du Confucéisme ». Pour être équitable, je devrais citer bien des passages concernant les autres « sectes » de la Chine ; je n'aurais en fait que l'embarras du choix. Je vais me contenter de celui dans lequel, à la toute fin de l'« Historique du Bouddhisme. Chine. Depuis les T'ang jusqu'à nos jours » (Partie III, Tome XVII pp. 307-309), Doré évoque (au prix de quelques imperfections pardonnables) un roman pour lequel certains s'enthousiasment encore en ce début de XXIe s. : le Xiyouji 西遊記 [traduit en français par André Lévy sous le titre de La Pérégrination vers l'Ouest (Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991 (2 tomes)] :
« Entre tous les romans bouddhico-taoïstes, le plus célèbre est sûrement le roman intitulé : Si-yeou-ki Annales du voyage au paradis de l'Ouest. L'auteur de ce roman est, dit-on, l'écrivain K'ieou Tchang-tch'oen [Qiu Changchun] 邱長春, qui vivait sous la dynastie des Yuen [Yuan] 元 .
Imagination féconde, style imagé et toujours alerte , étude approfondie des croyances et pratiques bouddhiques, le romancier a mis toutes les ressources d'un merveilleux talent au service d'une cause qui ne méritait que l'oubli. Son ouvrage est d'une lecture si séduisante, qu'on peut dire sans exagération que presque tous ceux qui connaissent les caractères chinois l'ont lu, sinon en entier, du moins en partie. Le Si-yeou-ki a été, il est encore de nos jours un des grands organes de popularisation du Bouddhisme. Ce roman est un tour de force imaginative, et un petit chef d'œuvre de littérature populaire. Seul le point de départ est un événement historique. Sous le règne de T'ang T'ai-tsong [Tang Taizong] 唐太宗, le bonze Hiuen-tsang [Xuanzang] 玄奘 partit pour son célèbre voyage dans l'Inde, et en rapporta quelques livres bouddhiques. C'est cette base historique que le romancier a élevé la structure de son récit. »
[Suit un micro-résumé de 28 lignes que je ne reproduis pas ;
une note renvoie à la partie II, Tome VIII, « Le panthéon chinois (suite) »
où l'on trouve (pp. 342-359) une notice sur les personnages principaux du roman]

« Le romancier a su y consigner sous, une forme piquante et inoubliable, toutes les cérémonies et pratiques des bonzes dans les diverses péripéties de la vie humaine. (...) Ce roman pourrait s'intituler : le Bouddhisme en légendes. C'est un des premiers que se procure le lettré débutant, pour se distraire par une lecture intéressante, et c'est en même temps un modèle de style romanesque, que les meilleurs écrivains du genre essaient d'imiter. Il ne serait peut être pas exagéré de dire que le nombre des exemplaires du Si yeou ki doit avoir atteint le million, si même il ne l'a point dépassé. »
Voilà qui servira aussi de mise en bouche pour de prochains billets qui parleront de moines bouddhistes peu recommandables, ceux de différents romans coquins, bien différents de ceux qui mettent en scène l'admirable Bodhidharma acteur d'une « pérégrination didactique », ressuscitée par Vincent Durand-Dastés.

Ah ! J'allais oublier de vous donner la traduction (« II : Lecture du talisman ») apportée par Doré au talisman reproduit Tome II (p. 178, figure n° 110) et traduit Tome V (p. 68). Voici tout d'abord, recopiée le plus scrupuleusement possible la « Disjonction des constituants du talisman » (je mets un tiret au lieu d'aller à la ligne ; mes interventions sont entre crochets) :
« 刺令 Tch'e ling De par ordre d'En haut, que - Je le soleil - Yué la lune - 星辰 Sing tch'eng les étoiles (Sur le talisman le dernier caractère de cette expression est seul écrit.) Donc que tous ces astres lumineux éclairent les idées de ce pauvres délirant. - 七星 Ts'i sing que les esprits des sept étoiles de la Grande Ourse - 罡 Kang et les bon esprits T'ien kang [Tiangang] 天罡 viennent à son secours. -Yeou qu'il en soit ainsi ! »
[Ci ling ri yue xing chen qi xing gang you 刺令日月星辰七星罡由]

« II. Ordre suprême est donné au soleil, à la lune et aux étoiles d'éclairer les idées de cet homme en délire. Que les esprits de la Grande Ourse et ceux des bonnes étoiles T'ien kang 天罡 viennent à son secours. Qu'il en soit ainsi ! »
Qui dit mieux ? (P.K.)

vendredi 28 novembre 2008

Dans la limite des places disponibles

« Entrée libre dans la limite des places disponibles » :
c'est ce qu'indique la page du site de de
l'Institut national d'histoire de l'art (INHA)
qui avertit que
Mardi 2 décembre
, à 18 heures,
à l'Auditorium de la Galerie Colbert
[2 rue Vivienne, Paris, II., accès 6 rue des Petits Champs, voir le plan],
se tiendra un Dialogue entre

Gao Xingjian,
peintre, cinéaste, prix Nobel de littérature en 2000
et
Thierry Dufrêne,
professeur à l’université Paris X - Nanterre,
Directeur du Centre de Recherche en Histoire de l'Art et Histoire des Représentations
(CHAHR), spécialiste reconnu de l'œuvre d'Alberto Giacometti.

Le Dialogue sera précédé de la projection en avant-première du film
Après le déluge
réalisé par Gao Xingjian en 2008,
'film-peinture' dont on peut se faire une petite idée à travers quelques clichés
de la danseuse
Francesca Domenichini
qui a participé au tournage,
déposés sur son portail MySpace.
Je lui ai emprunté celui qui illustre ce billet-annonce
d'un rendez-vous à ne pas manquer,
dans la limite des places disponibles.

jeudi 27 novembre 2008

Cuisine et politesse

Zaojun baojuan [Livre précieux du Dieu de l'âtre, 1884].
Source
: Institut of History and Philology (Academica Sinica, Taipei)

Nous vous invitions il y a quelques mois à lire l'ouvrage d'Henri Lecourt, La cuisine chinoise 中華食譜裝法入門 (Pékin : Albert Nachbaur, 1925 ; Paris : R. Laffont, 1968), bénévolement mis en ligne par Pierre Palpant. Ces recettes de cuisine chinoise dont la publication était alors inédite ont été transmises par « les meilleurs des célestes maîtres queux ». Devant la multitude de parutions actuelles, on peut hésiter à ouvrir ce livre : ce serait une erreur, car il y a là des trésors culinaires datant de la fin des Qing (1644-1911).

Après une introduction sur le Dieu de l'âtre [Zaojun 竈君], Henri Lecourt nous présente les différents ustensiles de la cuisine chinoise ainsi que les principes fondamentaux à garder à l'esprit, notamment un code de civilité « puérile et honnête », dont la place attribuée aux convives (places occupées selon l'âge ou le rang). Suit la présentation des produits, et enfin les « formules et secrets ». Toutes les sortes de viandes y passent, tous les modes de cuisson également, avec des mets des plus rustiques aux plus raffinés. On apprendra notamment que les boissons se composaient de liquides tirés du riz, du sorgho, et qu'on buvait aussi de « l'eau acidulée au vinaigre, ou avec le jus des prunes sûres ».

Pour les plus courageux, nous invitons à compléter cette lecture par celle du Liji 禮記 (Le Livre des rites -- pour cela on se rendra encore à la page consacrée par Pierre Palpant aux Classiques chinois, et on lira les traductions de Séraphin Couvreur (1835-1919), parues sous le titre : Li Ki, Mémoires sur les bienséances et les cérémonies), qui nous livre également quelques secrets de cuisine.

Et pour rester dans le monde des rites, Simon Kiong nous propose un ouvrage sur Quelques mots sur la politesse chinoise (Shanghai : Mission catholique, « Variétés sinologiques » n° 25, 1906), qui nous en apprend plus sur les saluts à la chinoise, l'art de recevoir, mais aussi de rendre visite, le code vestimentaire, les maisons traditionnelles, les rites maritaux et funéraires. Destiné à l'origine aux seuls missionnaires, le père Kiong a décidé de rendre la publication de ce livre publique quelques années avant la chute de la dernière dynastie impériale, en nous annonçant dans son introduction que ces quelques pages « constitueront bientôt un véritable document historique, si fort semble le courant qui emporte la Chine, loin de son passé et de ses traditions, vers les études, les sciences et même la politesse des peuples d'Occident ». En vous souhaitant bon voyage dans l'univers de la politesse et de l'art de la table chinois du début du XXe siècle.... (Solange Cruveillé)