jeudi 12 mars 2009

Quelques parutions récentes

Sebastian Veg, membre associé de notre équipe, chercheur au CEFC de Hong Kong vient de publier aux éditions de l’EHESS, Fictions du pouvoir chinois, littérature, modernisme et démocratie au début du XXe siècle.

J’avais eu le grand plaisir de faire partie du jury de thèse de Sebastian Veg, qu’il avait soutenue en 2004 dans notre université. Cette thèse de littérature comparée, dirigée par Fridrun Rinner était intitulée « Fictions chinoises du pouvoir et du changement politique : Kafka, Brecht, Segalen, Lu Xun, Lao She ». Elle analysait et comparait magistralement les œuvres de cinq auteurs essentiels du XXe siècle dans leur prise en compte des changements politiques et de la recherche de la démocratie.

Cet ouvrage deviendra à coup sûr un « incontournable » aussi bien pour les historiens de la Chine moderne que pour les spécialistes de littérature chinoise moderne et les comparatistes qui s’intéressent à la littérature du XXe siècle. On y trouve traitées en profondeur toutes les questions importantes qui se sont posées aux écrivains de cette époque dans le monde entier : les rapports entre fiction et pouvoir, fiction et morale, démocratie et fiction, la naissance d’une littérature dite « nationale », les relations entre récit de voyage, exotisme et colonialisme, littérature réaliste et réalisme socialiste, le théâtre face à l’histoire et bien d’autres encore.

En outre, l’ouvrage est truffé de notes toutes plus stimulantes les unes que les autres, remplies d’informations passionnantes. Les repères chronologiques, un glossaire des caractères chinois, une imposante bibliographie, des index et même des illustrations très judicieusement choisies complètent cet ouvrage indispensable.

Seul un polyglotte comme Sebastian Veg pouvait se permettre d’aller aussi loin dans l’étude des œuvres de deux écrivains allemands, un écrivain français et deux écrivains chinois ! Il s’agit de La véridique histoire d’A-Q de Lu Xun, La Maison de thé de Lao She, René Leys de Victor Segalen, La Muraille de Chine de Franz Kafka et La Bonne Ame du Setchouan de Bertold Brecht. Sebastian Veg justifie son choix par ces mots : « La restriction à des œuvres situées dans le contexte chinois se justifie aussi par la rareté des textes européens traitant des changements politiques en Europe à cette époque, la Chine apparaissant sans doute alors comme le lieu par excellence où se jouait le chamboulement politique de la modernité. »

Une autre publication récente a attiré mon attention, l’ouvrage de Izabella Łabędzka, Gao Xingjian’s Idea of Theatre, from the Word to the Image, publié chez Brill en 2008.

Après les travaux de Gilbert Fong et de Sy Ren Quah, ce livre tout récent deviendra aussi un « incontournable » dans l’étude de notre Prix Nobel. Notre équipe de recherche a eu deux rendez-vous manqués avec Izabella Łabędzka : elle avait annoncé sa venue au colloque sur l’œuvre théâtrale et romanesque de Gao Xingjian que nous avions organisé en 2005, puis à la table ronde sur la traduction de l’œuvre de Gao Xingjian à l’occasion de l’ouverture de l’Espace de recherche et documentation de notre université en 2008, mais les deux fois elle a été empêchée de venir par des événements indépendants de sa volonté. En lisant son livre, on ne peut que regretter son absence tant il paraît capital pour travailler sur l’œuvre théâtrale de Gao. Elle passe du théâtre d’avant-garde du début des années 1980 à la recherche du théâtre total, en passant par l’absurde, le tragique, le rôle de « l’acteur neutre » etc., concepts fondamentaux dans la recherche esthétique de Gao Xingjian. Là aussi, un jeu de notes foisonnantes apporte une foule de références et de renseignements, ainsi qu’une bibliographie très complète.

La quatrième de couverture indique bien la démarche suivie par l’auteur :
« This book argues that Gao Xingjian's Idea of Theatre can only be explained by his broad knowledge and use of various Chinese and Western theatrical, literary, artistic and philosophical traditions. The author aims to show how Gao's theories of the theatre of anti-illusion, theatre of conscious convention, of the "poor theatre" and total theatre, of the neutral actor and the actor - jester - storyteller are derived from the Far Eastern tradition, and to what extent they have been inspired by 20th century Euro-American reformers of theatre such as Antonin Artaud, Bertolt Brecht, Vsevolod Meyerhold, Jerzy Grotowski and Tadeusz Kantor. Although Gao' s plays and theatre form the major subject, this volume also pays ample attention to his painting and passion for music as sources of his dramaturgical strategies. »
Espérons que dans un avenir proche Izabella Łabędzka pourra venir en personne nous parler de cet ouvrage et visiter notre Espace de recherche et de documentation Gao Xingjian.


A propos de Gao Xingjian, on peut suivre ses déplacements à travers les échos que l’on trouve sur Internet, en Espagne par exemple. En décembre, le musée Würth de La Rioja a organisé une grande exposition de ses œuvres récentes sous le titre Después del diluvio, « Après le déluge ». Un bel album, disponible à l’ERD Gao Xingjian contient un texte de Gao Xingjian « De l’esthétique de l’artiste ».

Enfin, à l’occasion de la mise en scène de la pièce Au bord de la vie au Pérou par Marcos Malavia qui avait fait avec Muriel Roland une lecture de cette pièce l’année dernière dans notre université, une interview de Gao Xingjian est disponible sur le site du réseau Asie. Voilà ce qu’il répond à la question « Pensez-vous que votre œuvre puisse avoir la même signification pour le public latino-américain que pour le public européen ? »
« Oui, ça me fascine. Il y a une vive réaction de la part des lecteurs latino-américains. Moi, j’ai une passion pour les auteurs latino-américains, et je connaît assez bien leur travail. Il y a beaucoup de traductions en chinois. Ce n’est pas tellement loin, surtout le réalisme magique. C’est une autre manière de présenter l’absurde, mais qui me parle très bien. Marcos Malavia est bolivien. Il a très bien compris mon théâtre, et il n’y a pas de difficultés de communication avec lui. Ca veut dire qu’on n’est pas si loin les uns des autres.»
Signalons enfin que Télé Campus Provence vient de sortir cinq DVD contenant l’ensemble des manifestations de l’ouverture de l’ERD Gao Xingjian, les 26 mars, 2 et 3 avril 2008. Ils seront bientôt consultables en ligne.

J’aimerais aussi signaler deux livres récents : un très beau texte court de Yan Lianke, Les jours, les mois, les années, traduit par Brigitte Guilbaud, aux éditions Philippe Picquier et Chinatown (Seuil, « Cadre vert ») de Thuân, une écrivaine vietnamienne qui vit à Paris. Sa traductrice en français, Doan Cam Thi participe au colloque des 13 et 14 mars de notre équipe sur Littératures d’Asie : traduction et réception.

Et pour les amateurs de littérature comparée, je suggère une comparaison entre Quarante et un coups de canon de Mo Yan et le dernier roman de Yann Queffélec, La Puissance des corps. On s’aperçoit que les affaires de viande trafiquée peuvent survenir aussi bien en Chine qu’en France… Noël Dutrait

Point d'orgue

La section d'Etudes coréennes du Département d'Etudes Asiatiques de l'université de Provence et l'Institut de l'Image d'Aix-en-Provence ont invité le réalisateur coréen IM Sang Soo (임상수) dans le cadre d'un Festival du cinéma coréen qui, depuis le 11 mars jusqu'au 24 mars, propose un riche panorama du cinéma coréen.

Une rencontre avec le réalisateur et Antoine Thirion (Les Cahiers du Cinéma) est prévue le samedi 14 mars à 17 h (Cité de l'Image, La Méjanes, Aix-en-Provence). Elle sera suivie de la projection d'Une femme coréenne (2003) et à 20 h 30 de The President's Last Bang (2005). Le troisième film de Im Sang-soo retenu dans cette programmation est Girl’s Night Out (1998).

Il s'agit donc d'une excellente occasion pour ce familiariser avec l'œuvre de ce réalisateur né en 1962, fils d'un critique de cinéma, qui a étudié « la sociologie avant de s'orienter à son tour vers le 7e art en intégrant la Korean Film Academy en 1989 ». La micro-biographie qui accompagne le programme du festival sur le site de l'Institut de l'image indique qu'il est « passé de la théorie à la pratique par la voie de l'assistanat, notamment auprès d'Im Kwon-taek au début des années 90 ».

De ce dernier [Im Kwon Taek (임권택)], on pourra également voir Le chant de la fidèle Chun-hyang (춘향뎐, 2000), le même jour à 14 h 30, soit juste en sortant de notre colloque, « Littératures d’Asie : traduction et réception », qui se tient, je vous le rappelle, vendredi 13 et samedi 14 (voir le programme). Quel meilleur point d'orgue imaginer ? (P.K.)

Intraduisible légèreté du blogueur distrait

Dans un billet mis en ligne le 30 novembre 2007, j'annonçais la tenue le 17 décembre de la même année à l'Université de Provence d'une Journée doctorale sur le thème « Traduire l’intraduisible », journée pendant laquelle devaient intervenir neuf orateurs, jeunes doctorants, professeurs de notre université ou chercheurs extérieurs à elle. Parmi eux , trois nous sont plus chers : Noël Dutrait, He Hongmei et Solange Cruveillé.

Depuis, comme nous l'apprend Sophie Rabau sur Fabula.org, la revue e-LLA, Revue électronique des doctorants en Langues, Lettres et Arts, hébergée par le site de l'Université de Provence, a mis en ligne – c'était le 2 juin 2008 ! -, son premier numéro qui propose justement les actes de cette journée d'étude.

Il est donc grand temps de se rendre sur les pages donnant accès à ces communications en format pdf :
  • He Hongmei (doctorante en littérature française, CIELAM), « Les traductions de Proust en Chine » : La comparaison de deux traductions de Proust en chinois nous permet de mieux comprendre comment les traducteurs ont transféré dans cette langue hétérogène le style proustien et particulièrement ses deux aspects les plus importants : la phrase et la métaphore. Au lieu de se borner à signaler les défauts ou les qualités de chaque traduction, notre comparaison a pour but de trouver leurs différences, d’illustrer les problèmes auxquels se heurtent les traducteurs et la manière dont ils les résolvent.
  • Solange Cruveillé, « La traduction des images érotiques dans un conte de Zhou Qingyuan » : La littérature érotique chinoise classique a pour particularité de décrire beautés et scènes amoureuses en des termes élégants et poétiques, en usant d’un vocabulaire floral ou guerrier qui peut paraître totalement abstrait à un lecteur non averti. Quels choix le traducteur devra-t-il faire pour rendre fidèlement ces images, en veillant à garder à la fois beauté de la langue et contenu implicite ?
Notons qu'on retrouvera aussi bien Noël Dutrait que He Hongmei et Solange Cruveillé au colloque sur les « Littératures d'Asie : traduction et réception » qui va se tenir demain vendredi 13 mars 2009 et le jour suivant (voir le programme). Voilà un oubli réparé. (P.K.)

mercredi 11 mars 2009

Leçon inaugurale

A deux jours de l'ouverture de notre colloque sur les
Littératures d’Asie : traduction et réception
qui se tiendra les 13 & 14 mars 2009
(Salle des professeurs, Université de Provence, Aix-en-Provence)
et auquel vous êtes tous conviés
[voir le programme],
je suis heureux de vous annoncer
(avec un peu de retard, je le reconnais)
la mise en ligne sur le site du Collège de France
de la leçon inaugurale de la
Chaire d'histoire intellectuelle de la Chine,
donnée par Anne Cheng,
le 11 décembre dernier.

Cette leçon, annoncée quant à elle en temps voulu sur ce blog « Tous au Collège », 9/12/08), sera disponible prochainement aux Editions Fayard ainsi qu'en DVD (Collège de France/CNDE/Doriane). On peut donc la visionner (50 mn) directement (cliquer sur l'illustration ci-dessous), ou en suivant les liens à partir d'ici.

En voici un court extrait (d'après le document mis en ligne Lettre n° 24, p. 6) :
« L’évolution historique de la Chine au cours du siècle dernier nous force à être des observateurs de plus en plus participatifs, pour emprunter un terme à l’anthropologie. Notre regard sur la Chine ne peut plus se permettre de rester distant et de construire à sa guise un objet appréhensible comme un tout quintessentiel. A bien des égards, nous vivons encore pour une large par sur des conceptions formées il y a trois siècles à l’époque des Lumières qui ne sont cependant plus ni très éclairées ni très éclairantes. On ne peut manquer d’être frappé par les représentations contradictoires et pourtant concomitantes qui prévalent encore à l’heure actuelle : comment concilier, d’un côté, l’image d’une « Chine philosophique » chère à Voltaire, rationaliste et esthétique et, de l’autre, celle d’une Chine issue d’un « despotisme oriental » à la Montesquieu, autocratique et machiavélique ? Il nous faut accepter d’observer et d’écouter de plus près et, de ce fait même, renoncer aux généralisations à l’emporte-pièce, si brillamment séduisantes et si commodément monnayables soient-elles. »

lundi 9 mars 2009

Littératures d’Asie : traduction et réception

Voici le programme des journées sur le thème
Littératures d’Asie : traduction et réception
que la Jeune équipe
« Littératures d’Extrême-Orient, textes et traduction »
organise les 13 & 14 mars 2009
(Salle des professeurs, Université de Provence, Aix-en-Provence)


Vendredi 13 mars 2009

9 h – 9 h 30 : Ouverture du colloque

9 h 30 – 9 h 55, Paolo Magagnin, doctorant, université Ca’Foscari de Venise/université de Provence, « La traduction et la lettre, ou le ryokan du lointain : vers une pratique de la différence dans la traduction des langues orientales ? »

9 h 55 – 10 h 20, Marie Laureillard, université Lyon II, « La traduction de l'œuvre du poète taïwanais, Chen Li ».

10 h 20 – 10 h 45 : Le Min Sook, doctorante université Paris VII, « La traduction des titres de romans coréens : le cas de Kim Dong-ri (1913-1995) ».

10 h 45 – 11 h : pause

11 h – 11 h 25 : Julie Kim-De Crescenzo, université de Provence, « Traduire la nuance dans le texte littéraire coréen ».

11 h 25 - 11 h 50 : Patrick Doan, université de Montpellier, « Les difficultés de la traduction des séries télévisées chinoises ».

11 h 50 – 12 h 15 : Pierre Kaser, université de Provence, « D'un projet d'inventaire des traductions françaises de littérature chinoise ».

12 h 15 – 14 h : pause repas

14 h – 14 h 25 : Elizabeth Naudou, université de Provence, « L'ordre des mots dans la langue dialoguée hindi : ordre logique et ordre psychologique - Extrait de Cimte Vale Baba de Lalit Mohan Thapalyal ».

14 h 25 – 14 h 45 : Doan Cam Thi, université Paris VII, « La réception de la jeune littérature vietnamienne en France ».

14 h 45 – 15 h 10 : Nguyen P. Ngoc, université de Provence, « Dragon et phénix, ou comment traduire les expressions exotiques du vietnamien ».

15 h 10 – 15 h 30 : Huang Yingxue, Institut d'Études Transtextuelles et Transculturelles, université Jean Moulin Lyon III, « Le rêve dans le pavillon rouge, un vrai casse tête chinois pour les chercheurs et traducteurs ».

15 h 30 - 15 h 50 : Solange Cruveillé, doctorante, université de Provence, « La traduction et les études sur le Taiping guangji (Vaste recueil de l'ère de la Grande Paix, Xe siècle) en Occident ».

15 h 50 – 16 h 15 : He Hongmei, doctorante université de Provence, « Yu Hua : à la recherche du moi sous l'influence proustienne ».

16 h 15 – 16 h 40 : Chou Tan-Ying 周丹穎, université Paris XII, « L'éventail aux fleurs de pêcher comme métaphore de la vie : réflexions sur la traduction des références intertextuelles dans Rose rouge et rose blanche d'Eileen Chang ».

16 h 40 – 17 h : pause

17 h – 17 h 25 : Nicoletta Pesaro, université Ca’Foscari de Venise, « Feishiyi de ci 非诗意的词, la parole « peu poétique » : réflexions sur la traduction de Mu Dan, 1918-1977 ».

17 h 25 – 17 h 45 : Françoise Robin, INALCO, « Ceci n'est pas un paquebot. Interprétations et lectures du poème de Jangbu, « Ce paquebot peut-il nous mener sur l'autre rive ? » (Gru gzings chen po 'dis nga tsho pha rol tu sgrol thub bam, 2000) ».


Samedi 14 mars 2009

9h – 9 h 20 : Stéphane Feuillas, université Paris VII, « Traduire un rythme. A partir d'une rhapsodie de Su Shi, « Bouillon de légumes » (1098) ».

9 h 20 – 9 h 40 : Philippe Postel, université de Nantes, « A propos des traductions de Haoqiu zhuan ».

9 h 40 - 10 h 05 : Jiang Dandan, université normale de Pékin, « Le chant du loriot, l’écho de la poésie chinoise classique dans la poésie française ».

10 h 05 - 10 h 25 : pause

10 h 25 – 11 h : Noël Dutrait, université de Provence, « Traductions et auto traductions du théâtre de Gao Xingjian ».

11 h – 11 h 25 : Han Yumi & Hervé Pejaudier, « L’ « autre » texte : ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre ».

11 h 30 – 12 h : discussion générale

En illustration : détails d'un cliché pris à Suzhou en 2002 (cliché P.K.).