vendredi 4 avril 2008

La BDD de l'ERD


La cérémonie d'inauguration de l'Espace de recherche et de documentation Gao Xingjian de la Bibliothèque Universitaire de l'Université de Provence s'est - vous le savez déjà si vous y avez participé et serez heureux de l'apprendre si vous n'avez pas pu vous joindre à nous - admirablement bien déroulée. Tout - des discours aux petits fours - fut réalisé dans les règles de l'art et la partition composée par l'équipe aussi sympathique que dynamique de la B.U., a été jouée tout en justesse, dans un tempo idéal. Grâce en soit rendue à tous ceux qui ont contribué à l'organisation d'un événement qui a soulevé l'enthousiasme --- ce fut le leitmotiv du discours de Noël Dutrait ; celui qui l'a animé toutes ces années au service de l'œuvre de Gao a été très communicatif.

La table ronde qui a suivi fut aussi un moment rare de communion entre un public attentif et passionné et un aréopage d'esprits dévoués à la diffusion et à la réception de l'œuvre d'un homme, un créateur hors norme, qui ne peut plus dire qu'il est seul : Gao Xingjian, prix Nobel de littérature 2000.

Chacun gardera un souvenir ému de ces deux journées conçues avec passion et la volonté de donner un aperçu le plus complet possible de la création de Gao Xingjian. Pour l'inscrire dans la durée, notre équipe publiera prochainement sur son site les communications qui furent données à cette occasion ; une présentation plus détaillée de l'ERD Gao vous sera donnée ici.

En attendant, je vous invite à vous faire une idée de l'Espace de recherche et de documentation Gao Xingjian par son volet virtuel, espace miroir de celui qui existe déjà à la Chinese University de Hong Kong, savoir la base de données consultable en ligne sur le site de l'Université de Provence. Elle est encore dans sa version de test et ne sera pleinement opérationnelle que progressivement. Elle ne cessera plus d'être alimentée de matériaux en liaison avec celui qui a honoré de sa présence ces deux journées qui vont être poursuivies du 28 au 30 mai prochain à Hong Kong par un colloque organisé conjointement par The Chinese University of Hong Kong (CUHK), le Centre d’Etudes Français sur la Chine contemporaine (CEFC) et l'Université de Provence. Son thème est, je vous le rappelle, « A Writer For His Culture, A Writer Against His Culture : Gao Xingjian ». Ce blog s'en fera naturellement l'écho, mais vous connaissez maintenant l'adresse de la base de données accessible en permanence dans la colonne de gauche de notre blog et à partir du site de l'équipe. (P.K.)

mardi 1 avril 2008

Le bonheur de Simon Leys

En parcourant à nouveau Sur la Chine (Gallimard, 1979) de Claude Roy (1915-1997), numéro 149 de la collection « Idées » qui reproduit un article paru le 27 décembre 1976 dans Le Nouvel Observateur intitulé « Les Chinois sont-ils des hommes comme nous ? », je lis (p. 122) : « On regardait (...) hier encore Simon Leys, dans une partie de la gauche française, avec l'effroi et la taciturne pudeur que les iconoclastes inspirent aux idolâtres. Les Habits neufs du président Mao, Ombres chinoises indignaient les croyants. Armé d'une pratique parfaite du chinois « mandarin » et des dialectes parlés, d'une connaissance de son histoire et de la familiarité des gens du peuple aujourd'hui, fortifié par son indignation devant les calembredaines répandues à foison, intrépide et solitaire, Simon Leys a été le grand démystificateur de la fable moderne. »


Depuis, alors que les écrits sur la Chine de Claude Roy ne se trouvent guère plus que chez les bouquinistes, ceux du « démystificateur de la fable moderne », du fin observateur et du grand connaisseur de la Chine et sa culture, ont fait l'objet de maintes rééditions et ont même été réunis en 1998 dans un indispensable volume, Essais sur la Chine (Paris : Robert Laffont, « Bouquins », 825 pages). La même année sortait au Seuil, L'ange et le cachalot (réédité en 2002 dans la collection « Points/essais », n° 480) dont une partie devrait particulièrement plaire au familier de ce blog puisqu'il y est question, outre de Confucius et de calligraphie, de traduction, non seulement par la pratique avec une traduction d'un savoureux texte de Jin Shengtan 金聖歎 (1608-1661) – « Les trentre-trois délices de Jin Shengtan » (pp. 184-190) -, mais aussi un essai théorique (« L'expérience de la traduction littéraire », pp. 137-158) basé sur différentes expériences de la traduction vers le français, à partir de l'anglais (Richard Henry Dana (1815-1882), Two Years Before the Mast, 1840) et du chinois : Confucius (Gallimard, 1987) et Shen Fu 沈復 (1763-1810 ?) (Larcier, 1966, Christian Bourgois, 1982), mais aussi Guo Moruo 郭沫若 (1892-1978) [Kuo Mo-jo, Autobiographie - Mes années d'enfance, Gallimard, 1970] et Lu Xun 魯迅 (1881-1936) (La mauvaise herbe, UGE 10/18, 1975), traductions toutes signées Pierre Ryckmans. Récemment, ressortait sous son fameux nom de plume un autre ouvrage majeur du sinologue exilé à Canberra : Les propos sur la peinture du moine Citrouille amère (Plon, 2007) ; on serait ravi que son ouvrage sur La vie et l'œuvre de Su Renshan, rebelle, peintre et fou (UER Asie Orientale, université Paris VII, 1970) ne soit plus une rareté uniquement réservée au bibliophile chanceux et fortuné et revoit le jour dans une édition économique.

Je n'ai fait état jusqu'à présent que des travaux de Simon Leys/Pierre Ryckmans en rapport avec la Chine et je vais m'y tenir. Loin de moi, l'idée de minimiser l'œuvre « extra-sinologique » de Simon Leys - chacun trouvera source d'émerveillements parmi une demi-douzaine de titres tous aussi recommandables les uns que les autres -, d'autant que le livre que les circonstances - c'est aujourd'hui le premier avril ! -, m'amènent à vous présenter, mélange toutes ses passions et ses goûts : Le bonheur des petits poissons. Lettres des Antipodes (Paris . J.-C. Lattès, « Essais et documents », 2008, 214 pages).



Pour beaucoup ce livre aura un goût de déjà-vu car il reprend des chroniques parues dans des revues littéraires ; elles proviennent pour la plupart du Magazine Littéraire où elles furent publiées en 2005 et en 2006. Mais, comme l'écrit Simon Leys, « le plus grand plaisir de lire est dans la relecture » (page 119).

Pour prendre la mesure de la valeur de ce livre et de la séduction qu'il peut exercer, on se reportera aux différentes critiques qui ont salué sa parution à partir d'une page créée à cet effet par les Editions Jean-Claude Lattès. Toutes prisent une collection de notes subtiles, de jugements pertinents finement présentés sur des livres, des auteurs, des idées, des humeurs, des souvenirs, des observations sur notre monde et le cours des choses, « des textes purement littéraires et des recueils à lire comme des promenades où voisinent sans logique apparente réflexions sur l’art et chroniques de notre temps, sur ses excentricités, ses paradoxes, ses idées fausses », comme l’écrit l’éditeur. C'est aussi une mine de citations sur lesquelles Simon Leys rebondit avec l'agilité d'une singe facétieux, une sorte de complément illustré à un de ses précédents ouvrages, Les idées des autres. Idiosyncratiquement compilées par Simon Leys pour l'amusement des lecteurs oisifs (Plon, 2005). Cela commence avec Einstein : « Les bonnes idées sont rares et elles ne surviennent qu'à long intervalle » (p. 9) pour finir avec William Blake : « L'Eternité est amoureuse des œuvres du temps » (p. 211).

En quittant la joyeuse compagnie des poissons, je n'ai eu que deux regrets ; le premier concernant la forme, le second le contenu :
  • En effet, j’ai naturellement regretté l'absence d'identification des chroniques (date et revue), mais surtout d'index des noms et des œuvres cités. Cet index aurait permis de prendre la mesure de l'érudition mise en jeu dans ces quelque 200 pages « où la science et la clairvoyance se mêlent merveilleusement à l’indignation et à la satire » (Jean-François Revel). Il aurait facilité au néophyte sa découverte des génies chinois qu'il croise au hasard des traits d'esprits de l'auteur. Certes, certains sont universellement connus comme Confucius (pp. 68, 116, 142) ; Li Po [Li Bai 李白 (p. 85)], Zhuang Zi [Zhuangzi 莊子 (pp. 14, 24, 43) ] voire Lu Xun (pp. 108, 117) et d'autres, comme Lie Zi [Liezi 列子 (p. 187)], Han Yu 韓愈 (768-824) (p. 129) ou Tao Yuanming 陶淵明 (365-427) (p. 165), reçoivent les indications suffisantes pour venir à son secours. Mais il arrive que les noms pleuvent sans aucune assistance, et il n'est pas assuré que le lecteur aura la patience, ou même l'idée de se plonger, par exemple, dans le Dictionnaire de la civilisation chinoise (Albin Michel, 1998) pour retrouver, le cas échéant, les savantes notices qu’offrit le sinologue à la monumentale Encyclopaedia Universalis. C'est surtout le cas pour les peintres que Simon Leys convoque à travers ses 28 Lettres des Antipodes. Pour eux, sans doute moins connus que les auteurs - écrivains et penseurs - cités tous, plus ou moins, et plus ou moins bien, traduits dans notre langue, on pourra consulter un site spécialisé sur l'art pictural chinois, Guohua.com, et d'autres sources comme l'encyclopédie en ligne chinoise Baidu, sources qui présentent l'avantage de fournir en un clic ou deux des clichés d'œuvres représentatives [Entre parenthèses la page où le peintre est cité ; entre crochets, le renvoi vers les notices de Pierre Ryckmans dans le Dictionnaire de la civilisation chinoise, 1998] : Guo Xi 郭熙 (vers 1020 - vers 1100) (p. 98) [DCC, p. 324-326], Xu Wei 徐渭 (1521-1593) (p. 122) [DCC, p. 780-783], Gong Xian 龔賢(1618-1689) (p. 122) [DCC, p. 308-312], Huang Binhong 黃賓虹 (1865-1955) (p. 164) et Chen Hongshou 陈洪绶 (1598 - 1652) (p. 122).
Tao Yuanming par Chen Hongshou
  • Regret numéro deux : il est double. Il tient à la brièveté du recueil et qu’il y soit, en fait, peu question de la littérature chinoise, car quand Simon Leys en parle c’est toujours avec la justesse et le doigté du virtuose qui sait retenir son geste pour ne pas affadir son effet. Il le fait, qui plus est, en la traitant à égalité avec les autres littératures qui comptent, et ses auteurs sont convoqués avec la même conviction que les grands génies de nos contrées, ce qui a pour effet salutaire d'inviter le lecteur à élargir ses horizons culturels. Il lui faut aussi se mettre à l'écoute de débats intellectuels évoqués avec une stimulante assurance. C'est notamment le cas de la controverse qui oppose deux visions de la Chine et deux manières de l'aborder. Se plaçant d'emblée du côté du « grand savant Joseph Needham (1900-1995) », maître d'œuvre du monumental Science and Civilisation in China, il soutient Jean-François Billeter contre François Jullien dans une chronique intitulée « Connaître et méconnaître la Chine » (pp. 59-63 ou Le Magazine littéraire, n° 455, juillet-août 2006) qui est pour moi la meilleure d'un recueil qu'il faut lire et faire lire.


Je suis toujours sans nouvelle du numéro que la revue Textyles avait programmé pour 2007, numéro justement consacré à Simon Leys (N° 32).

Pour finir, voici deux des citations retenues par le compilateur des Idées des autres (Plon, 2005). La première est de Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), à la rubrique « Livre » (p. 65) : « Un livre est un miroir ; quand c’est un macaque qui s’y mire, il ne réfléchit pas le visage d’un apôtre. » ; l’autre de Montesquieu (1689-1755) à la rubrique « Lecture » : « J’ai pris la résolution de ne lire que de bons livres ; celui qui lit les mauvais est semblable à un homme qui passe sa vie en mauvaise compagnie. » Et vous ? (P.K.)

dimanche 30 mars 2008

ERD Gao Xingjian


L'inauguration de
l'Espace de recherche et de documentation Gao Xingjian
de la Bibliothèque Universitaire
de l'Université de Provence
approche. Je vous en rappelle les moments forts :


• le mercredi 2 avril 2008
sera projeté au
Théâtre Antoine Vitez (Université de Provence),
le film co-réalisé par
Alain Melka, Jean-Louis Darmyn et Gao Xingjian,

La silhouette sinon l’ombre
  • 17 h 30. Présentation de Gao Xingjian 高行健 par Noël Dutrait
  • 18 h 00 - 20 h 00. Projection du film suivi d’un entretien avec les réalisateurs.


M. Gao Xingjian
honorera de sa présence les manifestations du

jeudi 3 avril 2008,
à la Bibliothèque universitaire
des Lettres & Sciences Humaines :

  • 11 h 00 - 12 h 00, Bibliothèque universitaire • Cérémonie officielle d’inauguration de l'Espace de Recherche et de Documentation Gao Xingjian
  • 14 h 00 - 16 h 00, Théâtre Antoine Vitez • Table ronde sur le thème
« La traduction et la réception de l’œuvre de Gao Xingjian »,

avec la participation de N. Pesaro (Université de Venise, Italie),
T. Lodén
et Chen Maiping (Université de Stockholm, Suède),
Gilbert Fong
(Chinese University, Hong Kong, Chine),
Zhang Yinde
(Université Paris 3) et
N. Dutrait
(Université de Provence).
  • 16 h 30 - 18 h 30, Théâtre Antoine Vitez • Lectures suivies d'un échange avec l'auteur.
Sylvia Roux, Ballade nocturne
Muriel Roland et Marcos Malavia, Au bord de la vie.

Plan d’accès, Contacts, renseignements : missioncom@up.univ-mrs.fr
Université de Provence Centre Schuman, 29 av. Robert Schuman - 04 42 95 32 37