dimanche 6 novembre 2011

Le poète coréen Ko Un à l’Université de Provence

A l’initiative des Etudes Coréennes du Département d’Études Asiatiques, cent cinquante personnes étaient rassemblées le lundi 24 octobre, dans la Salle des Professeurs de l’Université de Provence, devant la table où siège Ko Un, vêtu d’une veste bleu azur. Il avait l’air paisible de l’habitué de ce genre de manifestations, ce qui n’est pas le cas de nombre de spectateurs, qui ne savent pas trop à quoi s’attendre.
« Je suis arrivé à Aix-en-Provence il y a deux jours, et j’ai tout de suite pu sentir cette odeur caractéristique qu’est l’odeur de la mer. Je suis sûr que dans quelques 120 ans, je serai né dans cette ville. La Provence est le pays natal de l’homme. C’est pour ça que c’est une bénédiction d’être ici. Il ne faut pas oublier que la Provence est le berceau de la poésie. Pour cela, il faut remonter au début du Moyen Age, à l’époque où les poèmes étaient encore chantés. La poésie se tenait alors loin de la capitale. Paul Valery est un bon exemple pour illustrer ce propos. Il a sans doute choisi de retrouver les origines de ses ancêtres. C’est en Provence que l’on retrouve des traces des poètes errants du Moyen Age. Plus tard, leur travail s’est prolongé avec les troubadours.

Et j’ai enfin pu mettre les pieds en Provence ! Je suis donc devenu un troubadour d’aujourd’hui. Je me suis rendu hier sur la tombe de Paul Valery à Sète, et j’ai ôté mon chapeau devant lui. A Sète, j’ai vu et entendu les vagues. Les vagues insufflent la vie et se brisent des millions de fois par jour, d’après ce qu’on dit. Ici, au bord de la mer, les oiseaux chantent. Mais, en Corée, les oiseaux pleurent, comme les grillons, comme les cochons. Et moi aussi je pleure. Les poèmes suivent ces pleurs. »
La lecture des poèmes commence. Deux voix, deux langues se répondent, pour présenter et faire aimer de mêmes poèmes. Des images se forment dans l’esprit de celui qui écoute, des impressions se bousculent dans sa tête. Il suffit d’un texte, d’un mot, d’un son. Parfois c’est un murmure, un souffle, qui demande à chaque oreille de se tendre. Parfois c’est un cri. Rage ? Douleur ? Désespoir ? Le sens reste muet mais l’émotion s’exprime. Elle parcourt notre corps au rythme saccadé que prend la voix, pour finir par ralentir et se fondre au plus profond de nous-même quand la voix se tait. Le poète vit son texte, il le déclame ; il est son texte quand le texte se fond en lui. Les gestes accompagnent la voix et le spectateur est subjugué.
« C’est l’époque d’aujourd’hui qui a construit ce moi individuel et solitaire. Cela voudrait dire que moi, je suis moi, et seulement moi ? Non, je ne crois pas. »
Une voix grave et posée envahit la salle muette d’attention. Les premières notes sont faibles, mais très vite le ton monte. La voix gagne en puissance et les paroles se déversent. En face, l’assemblée reste bouche bée. Ici, personne ne s’attendait à un concert. L’émotion transcende la pièce en écho à cette voix impressionnante qui ne s’arrête pas. Cette chanson est bien plus qu’un hymne national, c’est le cri du cœur d’un poète qui aime son pays et qui a payé cher pour le défendre. Nul besoin de préciser le tonnerre d’applaudissements qui a suivi cette prestation… La soirée touche à sa fin, mais une petite surprise attend encore Ko Un. Assis à sa gauche, M. De Crescenzo se tourne vers lui, un livre à la main. Le temps d’un poème, les rôles s’inversent. L’émotion de Ko Un se lit sur son visage, mais aussi dans ses gestes qui accompagnent un de ses textes une fois de plus, bien que cette fois il lui soit lu dans sa propre langue. La rencontre se termine par une cession de dédicaces. Immédiatement, une ligne d’étudiants et de passionnés se forme devant la table où Ko Un s’est assis, le stylo à la main. Remerciements, signatures, photos : c’était une belle soirée qui restera dans les mémoires.   Lucie Angheben

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