Dans un article du Monde des Livres qui signale la sortie du film de John Woo et la réédition de la traduction du roman qui a inspiré les Trois Royaumes, Nils C. Ahl rappelle fort justement à ses lecteurs que ce livre, le Sanguo yanyi 三國演義, est « un monument de la littérature chinoise » :
« Les Trois Royaumes figurent parmi les quatre oeuvres classiques du panthéon littéraire chinois aux côtés du Voyage en Occident, d'Au fil de l'eau et du Rêve dans le pavillon rouge. Sa particularité, c'est qu'il est de très loin le plus lu, le plus connu, le plus populaire. La seule façon pour le lecteur occidental d'imaginer sa notoriété est de la comparer à celle des Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas - comme le fait Jean Lévi dans son introduction. En Chine et en Asie du Sud-Est, tout le monde connaît l'intrigue générale et les personnages des Trois Royaumes. Nul besoin de l'avoir lu, nul besoin même de savoir lire. »Certes, mais n'y-a-t-il pas dans cette envolée érudite source de confusion, voire, in fine, un regrettable oubli.
En effet, il n'est pas certain que l'habitué du supplément du jeudi reconnaisse sous les titres utilisés les traductions de référence qui lui permettent de lire en français ces fleurons de la littérature romanesque chinoise. Le Rêve dans le pavillon rouge est bien le titre sous lequel Hongloumeng 紅樓夢 entra en 1981 dans la « Bibliothèque de la Pléiade », mais les deux autres y ont accédé, grâce respectivement à André Lévy et Jacques Dars, sous deux autres titres, savoir La Pérégrination vers l'Ouest (1991) pour Xiyouji 西游記 et Au bord de l'eau (1978) pour Shuihuzhuan 水滸傳.
Ce point clarifié, que dire du décompte symbolique auquel il est fait référence et de ce qu'il recouvre généralement ? L'expression consacrée « (Les) Quatre livres extraordinaires » (Sida qishu 四大奇書) correspond, il est vrai, bien souvent à l'ensemble signalé par notre chroniqueur, mais c'est au détriment d'un chef-d'œuvre non moins remarquable que les autres ; il renvoie, plus généralement, à un quatuor dont la cohérence a été finement établie de longue date :
« En son temps, Sieur Yanzhou 弇州 [Wang Shizhen 王世貞, 1526-1590] avait établi la liste des Quatre Grands Livres Extraordinaires (Sida qishu 四大奇書) comme suit : le Shiji 史記 [Mémoires historiques de Sima Qian 司馬遷], le Nanhua 南華 [ou Zhuangzi 莊子], le Shuihu[zhuan] 水滸[傳] et le Xixiangji 西廂記 [Le pavillon de l'Ouest de Wang Shifu 王實甫, milieu du XIVe siècle]. A son tour, Feng Youlong 馮猶龍 [Feng Menglong 夢龍, 1574-1646] en dressa une nouvelle liste qui retenait Sanguo yanyi, Shuihu zhuan, Xiyouji et Jin Ping Mei 金瓶梅. Chacun d'entre eux avait ses raisons. Mon point de vue est que l'on ne peut évaluer l'extraordinaire d'un ouvrage qu'en se référant au[x productions du] genre auquel il appartient. Ainsi le Shuihu[zhuan] qui est un roman [xiaoshuo 小說] n'a pas plus sa place dans la catégorie des Classiques [jing 經] et des annales historiques [shi 史] que le Xixiang[ji] lequel relève du genre de la poésie chantée [théâtre, ciqu 詞曲], dans celle du roman. Si l'on tombe d'accord pour n'évaluer la valeur d'une oeuvre qu'à l'intérieur de la catégorie d'écrits à laquelle elle appartient, on retiendra comme le plus pertinent l'avis de Feng [Menglong]. »Ce passage est tiré de la préface donnée en 1679 à l'édition commentée par Mao Zonggang 毛宗崗 du Sanguo yanyi. Son signataire, le romancier-dramaturge Li Yu 李漁 (1611-1680), entérinait en cette circonstance la liste des chefs-d'œuvre les plus marquants du roman en langue vulgaire établie un peu plus tôt par l'éditeur Feng Menglong. Cette liste ne sera chamboulée que plus d'un siècle après par l'intervention du Hongloumeng (1791) de Cao Xueqin 曹雪芹 (1715-1763), plus présentable aux yeux de beaucoup et de la censure que le bien encombrant Jin Ping Mei dont la diffusion a toujours été problématique.
Il n'empêche que cette belle construction narrative qui marque une révolution dans l'art de concevoir le roman chinois, construction si bien rendue en français par André Lévy sous le titre de Fleur en Fiole d'Or (« Bibliothèque de la Pléiade », 1985) mérite d'autant plus d'être évoquée qu'on connaît ce roman-fleuve et qu'on l'estime chez nous depuis aussi longtemps que les quatre autres. Voici, juste pour le plaisir, quelques unes des traces laissées par ceux qui, au XIXe siècle, ont étés les pionniers et les artisans de sa découverte.
« Le Kin-p’ing-meï est un roman célèbre, qu’on dit au-dessus, ou pour mieux dire au-dessous de tout ce que Rome corrompue et l’Europe moderne ont produit de plus licencieux. Je ne connais que de réputation cet ouvrage, qui, quoique flétri par les cours souveraines de Pe-king, n’a pas laissé de trouver un traducteur dans la personne d’un des frères de l’empereur Chiug-tsou [Shengzu 聖祖 alias Kangxi 康熙 (r. 1662-1722)], et dont la version que ce prince en a faite en mandchou passe pour un chef d’œuvre d’élégance et de correction. »C'est ainsi qu'en 1816, dans une note accompagnant sa traduction du Tʻai-shang kan-ying pʻien [Taishang ganying pian 太上感應篇], sous le titre de Livre des récompenses et des peines (Antoine-Augustin Renouard, 79 pages, p. 59.) qu'Abel Rémusat (1788-1832) y faisait référence.
Ce passage sur lequel il y aurait beaucoup à dire [voir à ce propos l'article de Martin Gimm dans C. Salmon (ed.), Literary Migrations. Beijing : International Culture Pub. Cop, 1987, p. 192] sera cité en 1850 par Antoine Bazin (1799-1863) dans une note [*] attachée à sa présentation de sa traduction d'extraits du Shuihuzhuan dans « Le Siècle des Youên [Yuan 元], ou Tableau historique de la littérature chinoise, depuis l'avènement des empereurs mongols jusqu'à la restauration des Ming (Deuxième partie) » (Le Journal Asiatique, 1850-1851, pp. 448-449) :
« Obligé de me renfermer dans les limites les plus étroites, j’ai cru devoir m’arrêter au XXXVe chapitre, c’est-à-dire à la moitié du roman, dans l’édition de Kin-ching-than [Jin Shengtan 金聖歎 (1608-1661)]. On jugera mieux du Chouï-hou-tchouen [Shuihuzhuan] par les extraits qui suivent et qui offrent des tableaux de mœurs. J’ai choisi les morceaux qui m’ont paru avoir quelque chose d’original et de piquant, soit par les opinions, soit par les coutumes ou les superstitions qu’ils nous font connaître. Ainsi le prologue lui-même contient, à travers une foule de puérilités, quelques détails intéressants. On y présente les mœurs et les usages des Tao-ssé [Daoshi 道士] sous un jour très-naïf et probablement très-vrai. C’est le motif qui m’a engagé à extraire de ce prologue plusieurs fragments. Quant au dernier extrait, il suffira de remarquer que ce morceau se retrouve tout entier dans le 1er chapitre du fameux Kin-p’ing-meï [*] ; j’ai voulu montrer qu’on pouvait, sans pécher contre la bienséance, faire passer dans notre langue quelques pages du Kin-p’ing-meï. »Toujours en note, c'est en 1862 que Léon d'Hervey-Saint-Denys (1822-1892) exprima sa volonté de se consacrer à la traduction du roman. Quand dans son introduction à ses Poésies de l’époque des Thang, il évoque rapidement un « roman très célèbre du siècle dernier dont quelques peintures licencieuses ne sauraient détruire le mérite comme tableau de mœurs », il explique en note qu'il s'agit du « Kin-ping-meï, ouvrage qui parut pour la première fois sous le règne de Khang-hi [Kangxi] (1665 de notre ère). Il abonde en détails précieux sur les mœurs intimes de la Chine. J’en ai traduit plusieurs chapitres, et ne renonce pas à poursuivre ce travail afin de le publier. » On n'a, me semble-t-il, pas retrouver ces premières ébauches dont l'existence même surprend quand on sait que le traducteur d'une douzaine de contes du Jingu qiguan 今古奇觀 (Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois, vers 1630), réédités chez Bleu de Chine voici dix ans (voir ici et là), se plaisait à gommer toutes les aspérités de textes jugées trop « légers » ou trop « chinois » !
Sinologue beaucoup moins connu que les précédents qui occupèrent des positions importantes dans le monde académique et jouèrent un rôle important dans le développement de la sinologie française, Maurice Jametel (1856-1889) n'en fut pas moins un lecteur convaincu de la valeur du Jin Ping Mei. Celui qui fut un des professeurs d'Edouard Chavannes (1865-1918) à l’École des Langues Orientales vivantes où il occupa une charge de cours de chinois moderne, ne manqua jamais, pendant sa courte vie, une occasion d'assurer la promotion du roman. Voici pour vous en convaincre un extrait assez long tiré de son très séduisant article intitulé « Le livre en Chine. Bouquins et bouquinistes chinois. Souvenirs de l'Empire du Milieu » (Le Livre. Revue du monde littéraire. Archives des Écrits de ce Temps. n° 57, 10 septembre 1884, pp. 273-289)
« Ce premier achat nous a bien fait voir du libraire, et voilà qu'il s'en va tirer de derrière les fagots ces raretés qu'on ne montre qu'aux bibliophiles clients de la maison. J'ouvre un de ces rarissimes volumes ; à la place d'une belle impression je ne vois qu'une gravure non peinte dont le sujet plus que leste est rendu grossier par une exécution des moins artistiques. Je tourne le feuillet. Encore une gravure plus graveleuse encore, si c'est possible, que la première. Décidément, le libraire me prend pour un viveur, ce qui n'est guère flatteur lorsqu'on s'imagine avoir si ce n'est la tête d'un savant, tout au moins celle d'un studieux, d'un book-worm, comme disent les Anglais. Ma physionomie trahit sans doute mes sentiments, car un des associés s'approche de moi et m'adresse un long discours pour s'excuser de présenter à un sage des gravures aussi peu sages ; mais s'il l'a fait, c'est parce que la science brave même la pudeur. Le livre que j'ai devant moi est, me dit-il, un roman célèbre dans toute la Chine et d'une rareté très grande, sa vente ayant été interdite par le gouvernement il y a près de deux siècles, à cause des obscénités qu'il renferme. L'édition qui m'est offerte est une des plus belles qui existent, car, en outre de sa magnifique impression, exécutée au grand siècle de Kang-chi, elle tire une grande valeur des rarissimes gravures qui l'accompagnent et dont les bois ont été détruits depuis longtemps, ce qui fait que le tout constitue pour les bibliophiles chinois ce qu'est pour les nôtres l'édition des fermiers généraux des contes de La Fontaine. La célébrité incontestable du Kin-ping-meï — c'est le nom du roman dont je viens de parler — m'avait fait supposer pendant longtemps qu'en Chine, comme en Occident, l'interdiction d'un roman par la censure, pour cause de l'abus du décolleté, était la meilleure réclame qu'on pût lui faire. Cependant l'idée m'étant venue un jour de m'en faire lire des passages par un lettré, je m'aperçus vite que j'avais condamné bien à tort nos bons Chinois, qui, parmi tous leurs défauts, n'ont point celui de la contradiction. L'interdiction qui a frappé, presque à sa naissance, le Kin-ping-meï n'a rien à voir à son succès, qui tient à ce qu'il constitue un véritable phénomène dans la littérature chinoise. Son titre par lui-même ne dit pas grand'chose ; il est formé de l'assemblage du nom des trois héroïnes du roman, mesdames Kin, Ping et Meï, titre qui nous paraît fort explicable, même à nous autres Européens, ce qui n'empêche que des sinologues ont eu l'idée bizarre de le traduire et d'en faire « le prunier au flacon d'or ». La trame même du roman indique déjà les tendances révolutionnaires de son auteur. Au lieu de rester dans les lieux communs du roman classique chinois, Des amours d'un jeune lettré et d'une jeune fille aussi remarquable par sa beauté que par ses vertus, ce dernier nous raconte, en vingt-quatre volumes, l'histoire de la jeunesse des plus orageuses d'un droguiste qui a eu le malheur — malheur qu'il partage avec nombre d'Européens — d'avoir un papa qui lui a laissé une grosse fortune. C'est là, comme on le voit, un thème fort scabreux, très connu de nos romanciers, et qui dut grandement scandaliser les instincts conservateurs du monde lettré chinois du XVII° siècle. Cependant ce qui dut le scandaliser encore davantage, ce fut la façon dont ce sujet, tout nouveau en Chine, est traité. Au lieu des énumérations sans fin des politesses que se font les personnages, l'auteur du Kin-ping-meï nous présente les siens tels qu'il les a vus et les fait agir en conséquence. Au lieu de ces jolis dialogues où le jeune lettré et l'objet de sa flamme passent les heures à s'adresser des déclarations en vers, à se faire des compliments à l'aide de citations des écrits de Confucius et autres auteurs tout aussi passionnés, il décrit fort vulgairement les prosaïques amours de rencontre d'un de ces riches débauchés chinois qui appellent cyniquement les femmes des machines et se contentent de profiter des conquêtes que font, en leur nom, leurs lingots d'argent. Aussi plus j'avançais dans la lecture du Kin-ping-meï, plus je trouvais vrai le proverbe des Latins : nihil novum sub sole. Les romans de M. Zola, qui se flatte d'avoir été le premier apôtre du naturalisme sur la terre, ne sont, en somme, que du Kin-ping-meï réchauffé. L'auteur de ce dernier a, bien avant la naissance du brillant auteur de Nana, tiré admirablement parti du document humain. On voit, en lisant son ouvrage, que ses types sont vécus, et il nous raconte leurs actions et même leurs paroles sans y rien changer ou arranger, ce qui fait que, comme son arrière-petit-neveu Zola, son œuvre est remplie d'expressions fort grasses. En Chine, tout est immuable; les renseignements qu'il nous donne sur les mœurs privées des Chinois de son temps sont donc bien sûrement encore d'une parfaite exactitude, appliquées au temps présent. Malheureusement, les nombreuses joyeusetés du Kin-ping-meï ont tellement choqué les pudibonds sinologues qu'ils n'ont osé traduire le seul ouvrage chinois qui puisse nous édifier au sujet de la vie intime des sujets du Fils du Ciel. Pour combler cette lacune j'avais réuni de nombreuses notes au courant de mes lectures de ce roman ; les circonstances ne m'ont malheureusement pas permis d'en tirer quelque chose : mais si j'ai jamais un jour assez de loisir pour cela faire, je ne croirai pouvoir mieux l'employer qu'à les compléter, bien convaincu que je suis qu'en dépit de leur apparente légèreté elles contiennent bon nombre de choses dont la philosophie aussi bien que l'histoire pourront profiter. Pendant que j'examine le Kin-ping-meï, mon ami Yang multiplie ses achats ; sur son divan se succèdent les belles éditions anciennes des cinq King [jing 經] et des quatre Chou [shu 書], ouvrages de Confucius et de ses disciples qui constituent, pour ainsi dire, la base de la littérature chinoise. »Fruit de ses lectures et de son attentif travail de décryptage, « L'Argot pékinois et le Kin-Ping-Meï » fut publié par Maurice Jametel quatre ans plus tard dans le volume VII du Bulletin de la Société des études japonaises, chinoises, tartares et indo-chinoises fondée en 1873, Le Lotus (Maisonneuve et Leclerc, 1888, pp. 65-80) :
« Durant mon séjour à Pékin, je voulus étudier avec soin la langue du Kin-ping-meï, dont j'ai déjà eu occasion de parler dans « La Chine inconnue » [1886]. Ce chef-d'œuvre de la littérature légère chinoise est composé dans un style intermédiaire qui n'a ni la brièveté admirable des écrits de Confucius et de ses disciples, ni la richesse de qualificatifs qui rendent la langue parlée si claire et si facile, en dépit de son monosyllabisme. A ce point de vue, il entrait parfaitement dans le cadre de mes études. »Ce cadre est défini plus haut sous le vocable de « sinologie vulgaire », savoir l'étude « des dialectes chinois et du style écrit courant ». « Mais, ajoute Jametel, plus je me suis avancé dans cette direction, et plus j'ai eu à déplorer le dédain dont elle a été l'objet de la part des savants du 18ème siècle et du commencement du 19ème. Aussi, dans cette partie à peine explorée de la sinologie, l'étudiant doit-il marcher à l'aventure, au risque de s'égarer vingt fois avant de trouver une voie qui le conduise sûrement au but qu'il se propose d'atteindre. »
Parmi ces nombreuses difficultés, il y avait bien entendu celle de lire et de comprendre la langue du Jin Ping Mei, épreuve pour laquelle « tous les dictionnaires publiés en Europe » plus les « dictionnaires indigènes » [dont le Kangxi zidian 康熙字典, le Peiwen yunfu 佩文韻府 (1711)] n'étaient d'aucun secours :
« Seul, le Tching-tze-toung me donna, par-ci par-là, le sens d'une de ces expressions. Ce dernier ouvrage est, en effet, pour la langue chinoise ce qu'est le Bescherelle pour la nôtre ; et comme celui-ci, il donne un grand nombre de mots fort peu orthodoxes. Malgré cela, le Tching-tze-toung ne put me fournir assez de renseignements pour me mettre à même de lire couramment Kin-ping-meï. De guerre lasse, j'eus recours à mon jeune lettré, et avec son aide je parvins à avancer un peu dans mon étude. Cependant, comprenant combien je désirais mener à bien la tâche entreprise, il m'envoya son frère, un vieux fumeur d'opium pour lequel l'argot des viveurs et celui des vagabonds chinois n'avaient point de secrets. Grâce à lui, je pus bientôt lire le Kin-ping-meï avec autant de facilité que je lisais ces petits romans populaires débités dans les rues par les colporteurs chinois pour un peu moins d'un centime. »
Illustration du chapitre XXV du Jin Ping Mei 金瓶梅 : « Regardez comme elle sait se balancer ! » s'exclama Dame-Lune en se tournant vers Tour-de-Jade et Fiole. Juste à ce moment un coup de vent lui soulève la jupe, découvrant des culottes de soie rouge vif, serrées dans des jarretelles de chevilles de gaze verte, des jambières à beau contrepoint multicolore et jusqu'à la ceinture en fil rouge argenté. Tour-de-Jade la montra du doigt à Dame-Lune qui se contenta de rire en pestant : « la maléfique coquine [zei chengjing 賊成精]! » [A. Lévy (trad.), Fleur en Fiole d'Or, T. 1, p. 499, 25.3A]Je reviendrai dans un prochain billet sur cette liste de 70 termes ou expressions retenus par ce pionnier de la « sinologie vulgaire ». Ces termes ne sont, bien entendu, pas exclusivement « pékinois », mais un habitant de la capitale du nord était bien naturellement capable de les comprendre avec une petite marge d'erreur qui explique et excuse sans doute les traductions parfois assez approximatives. Reste aussi en suspens l'identification du Tching-tze-toung : pour l'heure, je suis tenté de l'assimiler au Zheng zi tong 正字通 qui existe en pas moins de neuf exemplaires dans le fonds ancien de la Bibliothèque Nationale, comme l'indique le tome second du Catalogue des Livres chinois, coréens, japonais, etc. (1910) établi par Maurice Courant (1865-1935) [Voir pp. 9-11, Tcheng tseu thong, n° 4464-4470 à 4507-4512]. Il sera aussi question de l'ouvrage que Maurice Jametel publia deux ou trois ans avant sa mort, Souvenirs d'un collectionneur : la Chine inconnue (Paris : J. Rouam, 1886, 250 p.), lequel reprend dans le cinquième chapitre de sa troisième partie, « La Chine des bouquins », l'article publié en septembre 1884. Ce court chapitre y reçoit un titre en trois volets : « Le prunier au flacon d'or – Un Zola jaune – Romantisme et réalisme à la Chine ». Tout un programme. (P.K.)
2 commentaires:
Merci pour ce billet très intéressant (d'autant plus que je suis toujours plongé dans le Jin Ping Mei, enfin, du moins quand ma thèse m'en laisse le temps, c'est-à-dire pas souvent pour le moment) ; j'ai beaucoup aimé aussi celui que vous consacriez à Jean Lévi récemment. A ce propos, nous ferez-vous un jour un billet consacré plus spécifiquement au Zhuangzi, avec les travaux de Jean Lévi et Jean-François Billeter?
J'avais promis de dire un mot des Trois Royaumes de John Woo, mais, quand j'ai voulu aller le voir au cinéma (à peine quinze jours après sa sortie, n'ayant pas eu le temps avant), je me suis aperçu qu'on ne le jouait plus qu'à des heures indécentes pour les gens qui ont besoin d'aller dormir tôt... Le reste du temps, les salles avaient été confisquées par je ne sais quelle comédie inepte ; quant à aller dans d'autres cinémas, encore eût-il fallu pouvoir en trouver un autre dans ma région : hélas, aucun n'avait même daigné projeter le film de Woo ne serait-ce qu'une fois... Je devrai donc trouver le moyen de me procurer le dvd quand il sortira, et, tant qu'à faire, je prendrai la version longue. Ce sera ma revanche sur les cinémas.
WYS
Le saviez-vous ? Le rédacteur en chef de la revue qui publia la savoureuse chronique de Maurice Jametel, 'Le livre en Chine', savoir "Le Livre. Revue du monde littéraire. Archives des Écrits de ce Temps" n'était autre, en cette fin de 1884, qu'Octave Uzanne (1851-1931) dont on peut lire grâce aux Éditions Manucius (9, rue Molière - 78 800 Houilles, http://manucius.blog2b.net/) qui viennent de l'éditer, un petit traité intitulé : "Diversités galantes sur les femmes et l'amour". Pourquoi se priver ?
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