jeudi 9 avril 2009

In memoriam Henri Meschonnic

Je viens d'apprendre, grâce au billet que lui a consacré aujourd'hui 9 avril 2009, Pierre Assouline dans sa République des livres, la triste nouvelle de la disparition d'Henri Meschonnic qui vient de mourir à l'âge de 77 ans. Pour saluer le « théoricien du langage et de la littérature, traducteur, poète » (Fabula.org), cet « esprit rare » (P. Assouline) dont l'œuvre va continuer de rayonner encore longtemps, je reproduis ci-dessous un court passage de son « Introduction », à Poétique du traduire (Paris : Verdier, 1999, p. 85).



Henri MESCHONNIC

(18 septembre 1932 – 8 avril 2009)

« S’il n’y a pas, selon chaque œuvre, une modification corrélative dans le traduire, il y a ce qu’on peut définir comme la mauvaise traduction. La bonne est celle qui fait ce que fait le texte, non seulement dans sa fonction sociale de représentation (la littérature), mais dans son fonctionnement sémiotique et sémantique. Ainsi les critères de bon ou du mauvais ne sont plus des critères simplement philologiques définis par la bonne connaissance de la langue : [Jacques] Amyot [(1514-1593)] et Beaudelaire ont fait des fautes, mais leur traduction est bonne. Une traduction sans faute peut être mauvaise. Les critères ne sont plus des critères subjectifs, esthétiques, l’accomplissement d’un programme idéologique, des goûts d’un individu, d’un groupe, d’un moment. Ce sont les critères pragmatiques de la réussite historique, c’est-à-dire la durée, qui n’est rien d’autre qu’un fonctionnement textuel, une activité discursive de relais. Les exemples ne sont pas si rares. Les traductions mauvaises sont certainement plus nombreuses, comme les mauvais livres plus nombreux que les bons. Mais les bonnes sont exemplaires en ceci que, contrairement au caractère périssable donné pour inhérent à la traduction - comme si la traduction était dans son essence identifiée à la mauvaise traduction - elles montrent que la traduction réussie ne se refait pas. Elle a l’historicité des œuvres originales. Elle reste un texte malgré et avec son vieillissement. Les traductions sont alors des œuvres - une écriture - et font parties des œuvres. Qu’on puisse parler du Poe de Beaudelaire et de celui de Mallarmé montre que la traduction réussie est une écriture, non une transparence anonyme, l’effacement et la modestie du traducteur que préconise l’enseignement des professionnels. »

1 commentaire:

philippe a dit…

"Traduire ce que les mots ne disent pas, mais ce qu'ils font." H.M.
Cela remet en question tout ce que l'on sait de traduire, mais même du langage, de ce que c'est qu'être un homme.