A qui une œuvre littéraire appartient-elle ? A son auteur ?
A la maison d'édition qui la publie? Aux lecteurs ?
Au patrimoine culturel d'un pays ?
L'exemple de
A la maison d'édition qui la publie? Aux lecteurs ?
Au patrimoine culturel d'un pays ?
L'exemple de
Jin Yong 金庸 (6 février 1924 -),
écrivain chinois populaire et respecté,
pose la question de la boulimie littéraire actuelle et des lois de l'édition.
écrivain chinois populaire et respecté,
pose la question de la boulimie littéraire actuelle et des lois de l'édition.
Jin Yong 金庸 est un des écrivains chinois dont les oeuvres sont le plus adaptées à la télévision. Mais si Jin Yong a déjà écrit un grand nombre de romans de chevalerie, wuxia xiaoshuo 武侠小说, il n'a jamais composé de scénarios pour séries télévisées. D'après nos informations, l'assemblée en charge des programmes d'arts martiaux de la Télévision centrale de Chine a pourtant invité Jin Yong à participer à leurs projets et à rédiger des scénarios pour séries télévisées, à hauteur de 100 000 yuan par épisode. Proposition à laquelle l'intéressé n'a pas encore répondu. Et ce silence est légitime : si Jin Yong avait dû donner une réponse, elle aurait de toutes façons été négative. Il ne faut pas oublier que l'écrivain est déjà âgé (84 ans), et qu'écrire des scénarios demande comme chacun le sait beaucoup d'énergie. Apporter quelques arrangements à ses œuvres passe encore, mais porter sur ses épaules un tournage complet, voilà qui serait au-dessus de ses forces. Jin Yong se pose en grand maître du monde de la chevalerie : pour ce qui est des décors et des personnages, il peut être de bon conseil, mais il ne peut s'occuper en personne de tout et de rien. Quant aux royalties, ce n'est de surcroît pas un argument attractif pour cet auteur qui a déjà négocié les droits d'adaptation de ses œuvres à la télé comme au cinéma avec Zhang Jizhong, pour la somme d'un yuan symbolique.
Ainsi, il y a vraiment peu de chance de voir un jour Jin Yong en scénariste. Mais ce que montre ce projet, c'est que la « consommation » des œuvres de Jin Yong devient un véritable phénomène dans le monde du divertissement culturel. Notons par exemple qu'à l'occasion de la grande fête internationale de Confucius organisée dernièrement dans la province du Shandong, Jin Yong a été sollicité pour écrire l'oraison funèbre au grand Maître, avec des phrases en quatre caractères, dans un chinois à moitié classique, mais faisant néanmoins référence aux secours apportés aux sinistrés du séisme, aux Jeux Olympiques, à la bienveillance, à la protection de l'environnement, au rayonnement de la culture chinoise dans le monde... Un débat s'est engagé sur la toile concernant le bien-fondé d'une rédaction d'un tel discours par Jin Yong, choix qui s'avère à présent plutôt bon (et ce parmi toutes les personnalités importantes sur le plan culturel).
Tout le monde aime accommoder Jin Yong à toutes les sauces, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Ces dernières années, dans les fréquentes interviews qu'il a accordées, il a débattu avec des spécialistes de jeux vidéos de kungfu, participé à des colloques universitaires, encadré des doctorants etc. Auteur respecté par son lectorat, Jin Yong a toujours arboré un air franc et souriant, fait preuve dans sa façon de parler de modestie et de discrétion. Il a notamment déclaré à l'occasion du séminaire international sur ses romans : « Je viens ici pour solliciter modestement des avis. J'ai déjà révisé quelque peu mes romans, et j'espère que chacun m'aiguillera sur leurs points faibles et leurs lacunes. [...] On trouve en effet dans mes ouvrages beaucoup de passages inaboutis, je vous invite à m'en faire part : j'en prendrai note et ainsi je pourrai apporter les corrections nécessaires. » Un bel exemple pour tous les spécialistes en arts et en lettres pressés de devenir des Maîtres reconnus.
En tant qu'objet d'étude, les œuvres de Jin Yong sont déjà devenues des classiques dans le coeur de tous, avec leurs erreurs et leurs omissions. D'ailleurs, s'il les corrigeait, cela pourrait en mécontenter plus d'un : ses romans ne lui appartiennent déjà plus. Pourtant, Jin Yong a consacré beaucoup d'énergie à repriser une quinzaine de ses romans, alléguant l'idée de Lu Xun 魯迅 (1881-1936) « [qu'] un bon roman doit être révisé cinquante fois ». Il lui faudrait ainsi dix années de travail ininterrompu pour reprendre la totalité de ses œuvres. Mais pour les lecteurs conservateurs et résolus, cette nouvelle fait froid dans le dos. Si Jin Yong décidait de publier de nouveau ses romans révisés, son lectorat pourrait même ne pas s'y intéresser, et d'après les enquêtes, les ventes seraient mauvaises.
En tant qu'objet d'étude, les œuvres de Jin Yong sont déjà devenues des classiques dans le coeur de tous, avec leurs erreurs et leurs omissions. D'ailleurs, s'il les corrigeait, cela pourrait en mécontenter plus d'un : ses romans ne lui appartiennent déjà plus. Pourtant, Jin Yong a consacré beaucoup d'énergie à repriser une quinzaine de ses romans, alléguant l'idée de Lu Xun 魯迅 (1881-1936) « [qu'] un bon roman doit être révisé cinquante fois ». Il lui faudrait ainsi dix années de travail ininterrompu pour reprendre la totalité de ses œuvres. Mais pour les lecteurs conservateurs et résolus, cette nouvelle fait froid dans le dos. Si Jin Yong décidait de publier de nouveau ses romans révisés, son lectorat pourrait même ne pas s'y intéresser, et d'après les enquêtes, les ventes seraient mauvaises.
D'aucuns ont avancé comme critique que si Jin Yong corrigeait ses propres romans, c'était pour répondre à la demande des maisons d'édition désireuses de vendre plus. Peut-on le leur reprocher ?
Si les ventes ne suivent pas, cela ne veut pas dire que le blason de Jin Yong a perdu en éclat, mais simplement que le jeune public se lasse des romans de chevalerie. Si on considère la première parution du roman de Jin Yong, Shujian enchou lu书剑恩仇录, dans le Nouveau journal du soir, Xin wanbao 新晚报 en 1955, on se rend compte que les romans de l'écrivain ont été populaires pendant plus d'un demi-siècle. Mais ce qui marche en ce moment sur internet, ce sont des chevaliers d'un genre nouveau, avec des auteurs post années 80 et 90 : de l'intrigue au style d'écriture, les romans de gongfu sont déjà entrés dans une ère nouvelle, et même si les œuvres de Jin Yong restent un classique du genre, à cette époque de lecture de masse sur internet, même un écrivain respectacle comme lui ne peut rien contre la perte de son lectorat.
Le succès d'un roman dépend donc peut-être simplement de courants, de modes, de l'offre et de la demande du moment... Alors, le roman simple produit de consommation ? Le débat est ouvert. (Solange Cruveillé)
1 commentaire:
Merci pour cet article interessant. Quelques remarques:
1/ cela fait deja des annees que Jin Yong reprend ses textes.
Comme chef d entreprise ayant fort bien reussi, on peut penser qu il ne recherche pas de droits d auteur et il a montre son independance par rapprt a ses editeurs.
2/ c est vrai qu il a peut etre moins de lecteurs que par le passe, mais il reste une institution.
3/ les romans wuxia sont moins lu sur internet que les ecrits derives de textes du genre Harry Potter ou Le seigneur des anneaux. Des chiffres ont ete publies mais etant loin de chez moi, je n y ai pas acces.
4/ ce que l on peut regretter c est qu il soit si peu traduit en Francais alors que plusieurs romans ont ete publies aux Etats Unis par des traducteurs reconnus.
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