mercredi 26 septembre 2007

A Marseille aussi

Photo : Katsu Miyauchi (source : Festival d'Avignon)

J'avais, jusqu'à présent, signalé dans ce blog des activités culturelles qui se déroulaient en dehors et parfois fort loin de la cité phocéenne : tout récemment, c’était la Fureur de lire - dont Noël Dutrait va bientôt nous rendre compte ici - qui se déroulait à Genève ; ce week-end, c'est à la Librairie le Phénix, donc à Paris, que l'on va se presser, et dès demain et vendredi encore, c'est à Aix-en-Provence qu'il faudra se trouver ; on y reviendra le 26 octobre pour assister à notre journée sur la traduction dont le programme va être tout prochainement finalisé et diffusé ici-même et sur notre site lequel va faire peau neuve dans les semaines qui viennent.

Je suis donc ravi de pouvoir, enfin, écrire que Marseille ne boude pas totalement l'Asie, ses langues et ses littératures. Pour preuve, ces deux événements marquant de la vie culturelle locale : l'un, « La Faites des Mots », est déjà passé - certes depuis, mais bel et bien passé -, l'autre, Gens de Séoul 1919 à La Criée est à venir.


1. « La Faites des Mots »

Pour son 10ème anniversaire, l’association « C’est la faute à Voltaire » [27 cours Franklin Roosevelt, 13 001 Marseille] avait, les 21 et 22 septembre 2007, investi le square Stalingrad pour y fêter les mots. Aux côtés de stands aux noms accrocheurs tels que « La tirelire à mots », « Le recyclo-mots », et d’activités aussi attirantes et surprenantes les unes que les autres, telles que la « Vente aux enchères de mots », ou encore le « Tissu de mensonges », plusieurs débats ont réuni des acrobates des langues : poètes, écrivains, éditeurs, champions de lexicologie, de linguistique et maître ès traduction. C'est dans cette dernière catégorie et avec cette casquette que Philippe Che est intervenu en compagnie de la poétesse brésilienne d'expression française Ana Helena Rossi et l'immense lexicographe, sympathique puits de science, véritable trésor vivant, Henriette Walter, professeur honoraire de linguistique à l'université de Haute-Bretagne, membre du conseil supérieur de la langue française, auteur notamment du Français dans tous les sens (Grand prix de l'Académie Française, 1988) et de L'aventure des langues en Occident (Laffont, 1993).

Après avoir rappelé que bien des mots d'origine japonaise dont on use et abuse ici ont, comme zen, une origine chinoise - chan 禪 -, et fait un détour par la Réunion et ses emprunts goûteux au chinois, le traducteur de Ge Hong 葛洪 (284-364) (La voie des divins immortels. Gallimard, « Connaissance de l'Orient », 1999), a constaté la rareté des emprunts chinois aux langues étrangères : parmi ceux qu'il a cités, je retiens l'ice cream chinois : bingqilin 冰淇淋, composé du caractère bing glace/glacé et d'une prononciation autochtone de cream. Il fut ensuite question de traduction littéraire et des choix que le traducteur de textes anciens était amené à faire, notamment face à des termes comme zhubo 竹帛 (bambou+soie) qui signifient « livre ». Philippe Che a également signalé la curiosité que présente sa dernière publication puisqu'il s'agit de la traduction en français d'un texte composé en chinois (Jiaoyou lun 交友論) par le missionnaire jésuite italien Matteo Ricci (1552-1610) : Traité de l'amitié (Editions Noé, 2006) (Voir ici).

La curiosité des auditeurs pour la traduction et ses difficultés s'est manifestée par un flot de questions comme celles-ci : « Pourquoi traduire à nouveau une œuvre déjà traduite ?», « Quelles œuvres traduire ? », questions qui montrent que nos sujets quotidiens de réflexion ne sont pas si éloignés que cela des préoccupations des lecteurs potentiels de nos productions, ce qui est source de satisfaction et invite à s'exclamer de concert avec Jin Shengtan 金聖歎 (1610-1661) : « 不亦快哉!», cri du cœur que Simon Leys [ « Les trente-trois délices de Jin Shengtan » (1993), L'ange et le cachalot, Le Seuil, (1998) 2002, p. 184-190] a traduit par : « Ah, quel délice ! » Qui dit mieux ?


2. Gens de Séoul 1919 au Théâtre de la Criée

Gens de Séoul 1919 est une pièce de l'écrivain japonais Hirata Oriza 平田オリザ qui est connu, non seulement pour avoir boucler un tour du monde en bicyclette à l’âge de 16 ans, mais aussi pour avoir composé et défendu une œuvre dramatique déjà bien fournie. Il est aussi le patron de la compagnie de théâtre Seinendan 青年団 qu'il a créée en 1983 et le directeur artistique du théâtre Komaba Agora de Tokyo, la ville où il est né en 1962.

Gens de Séoul 1919 (2000) est « le second épisode de « la saga » des Shinozaki, riches papetiers japonais venus s’établir à Séoul, en Corée, au début du siècle dernier. La pièce fait écho à Gens de Séoul ソウル市民 (1989) qui relatait une journée dans la demeure des Shinozaki, un mois avant l’annexion de la Corée par les troupes japonaises. » La pièce, traduite comme celle de 1989 (Besançon, Les Solitaires Intepestifs, 1991) par Rose-Marie Makino-Fayolle est mise en scène et en décors par Franck Dimech. Ce spectacle d'une durée de 2 heures sera donné au Petit Théâtre entre le 28 septembre au 13 octobre 2007.

Nous comptons sur ceux qui s'y rendront pour avoir un compte-rendu et savoir si cette réalisation répond aux exigences de l'auteur qui, dixit Franck Dimech (av., 2007), « prône (...) une nouvelle idée de la représentation, loin de toute aspiration sentimentale et loin des modèles d’un théâtre métaphorique. Il y a, dans ce théâtre qui glorifie le dialogue de sourds, une langue millimétrée (...) de sorte qu’on doit l’appréhender comme une partition chirurgicale - des incises, des groupes de paroles superposés, des univers déjantés que l’on pourrait comparer à certains films de Jean-Luc Godard. » Les autres pourront se rattraper en lisant la traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle qui sort aux Solitaires Intempestifs. (P.K.)

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