L'éditeur, c'est Philippe Picquier qui, à l'occasion du dernier Salon du livre de Paris, répondait aux questions d'Aujourd'hui la Chine (interview mise en ligne le 16/03/2009 ). Voici, sans commentaire – je compte sur vous pour en faire -, un aperçu succinct de cet entretien publié sous le titre « Philippe Picquier, un éditeur qui fait découvrir l'Asie au public français » :
- Du pourquoi de son engagement et de ses choix dans l'édition ? : J'ai commencé à travailler dans l'édition et dans les années 80, le marché était favorable car enfin, il y avait une réelle ouverture à la littérature étrangère, donc j'ai pu concilier ma passion, mes amitiés et le marché! Mais c'est un véritable travail de l'ombre, car je ne parle pas toutes ces langues et je travaille avec des interprètes et des traducteurs, ce qui n'empêche pas les bonnes questions. Une maison d'édition se construit avec des rencontres, il faut trouver ce qui est riche en eux et ce qui peut intéresser les autres. Il faut donc savoir comment découvrir et comment mettre en valeur les auteurs, voici d'ailleurs un des intérêts du salon du livre.
- De l'avenir ? : Nous avons eu une bonne année 2008 et comme tout le monde, nous nous demandons ce qui va se passer en 2009.../... On va évidemment numériser notre catalogue petit à petit, comme nous avons vu le cadavre du disque dans le domaine de la musique, nous savons qu'il faut être vigilant, que nous devons nous préparer. Mais le livre physique n'est pas mort ! L'éditeur va voir son boulot changer mais celui-ci ne sera pas de moins bonne qualité.
- Quid de la littérature en Chine ? : Pour la Chine, je suis moins optimiste que pour le Japon, la Corée et évidemment l'Inde, je pense que nous sommes dans un brouhaha inaudible d'où surnagent à peine 5-6 écrivains.
Le traducteur, c'est Claro. Il était interrogé par Gilles Heuré pour Télérama. Publié dans le n° 3090, l'entretien a également été mis en ligne (2/04/2009) : « Traduire, c’est parfois refaire un texte avec le sentiment de ne plus savoir écrire ». Egalement romancier et éditeur, Claro passe pour être « l'homme des auteurs difficiles » : c'est notamment à lui que l'on doit la traduction du Golden Gate de l'auteur indien Vikram Seth né à Calcutta en 1952. Paru en 1986, Golden Gate fut un premier roman remarqué d'abord pour sa forme : il est composé en vers, en hommage à l'Eugène Onéguine de Pouchkine. (1799-1837). On peut se faire un idée de la version française grâce à l'éditeur Grasset (2009, 337 p.) qui en offre les premiers sonnets.
Les propos du traducteur sur son art retiendront, je n'en doute pas, également votre attention. Je me contente ici de reproduire quelques bribes de l'entretien qui mérite d'être lu dans son ensemble et sa continuité :
- « Passeur » ou « faussaire » ? : Un bon traducteur n'est pas forcément un écrivain, mais sûrement quelqu'un qui se sent obligé, presque moralement, de le devenir le temps d'une traduction. C'est donc un écrivain assez étrange : il est un double de l'auteur qu'il traduit et dont il doit intégrer le style, la vitesse ou la rythmique. Et en même temps, un écrivain dans sa propre langue. Le poète et traducteur Emmanuel Hocquard le dit très justement : « Je ne traduis pas, j'écris des traductions. »
- De la fidélité du traducteur ? : La fidélité ne signifie pas qu'il faut rester collé au texte. Elle consiste à retrouver l'impulsion, c'est-à-dire ce qui a poussé l'auteur à écrire le livre, et à l'assumer dans une posture d'écriture, pas simplement de transposition ou d'équivalence.
- Quid de « l'expérience » ? : Un traducteur ne devient pas meilleur avec le temps et la somme de ses traductions. Nous ne sommes pas des plombiers. Chaque texte présente ses difficultés propres et vous remet en cause. On peut ainsi aimer des textes et ne pas arriver à les traduire.
- Quid de « la mise en déséquilibre » ? : C'est un moment très intéressant quand on aime les mots et l'écriture, parce qu'elle nous oblige à chercher comment un texte peut se tenir, se redresser. Les dictionnaires ne nous sont alors d'aucune aide, ils servent à tout sauf à traduire. Ce moment est vertigineux, il s'agit de refaire un texte avec le sentiment de ne plus savoir écrire. Ce qui est normal puisque traduire c'est d'abord défaire un texte, y compris dans sa propre langue.
- Quid de « l'intraduisibilité » ? : C'est une notion que je ne peux admettre. Chaque texte exige les modalités de sa traduction. Un texte extrême pour telle ou telle raison, qu'elle soit musicale ou syntaxique, nécessite, comme les autres, d'inventer sa traduction. .../... Il faut aussi insister sur l'importance de la relecture de la traduction. Un éditeur peut en effet l'améliorer largement. Nous, traducteurs, pouvons réussir certains passages très compliqués et en rater d'autres, plus simples, parce que nous avons concentré notre énergie ailleurs. Personnellement, j'aime qu'un éditeur, ou son équipe, retravaille le texte. Quand vous rendez une traduction de mille feuillets et que l'on vous dit « c'est formidable », j'ai quelques inquiétudes.
- De la durée de vie des traductions : Des traductions peuvent être périmées. Celles qui vieillissent le plus sont celles qui ont incorporé de l'argot, comme les anciennes Série noire. .../... Les retraductions sont rares, pour des questions financières. Il faut donc savoir choisir parce qu'une traduction doit durer longtemps.
- « Loi du marché » vs « nécessité littéraire » : On assimile les livres à des produits, mais c'est idiot : un livre qui se vend à cent mille exemplaires aux Etats-Unis ne rencontrera pas forcément le même succès en France, même avec une promotion d'enfer.
Je vous laisse juge de ces différentes appréciations et positions qui pour ma part sont de salutaires stimulations. (P.K.)
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