En attendant de lire ici-même un compte-rendu détaillé sur le « Gao Xingjian Arts Festival » qui vient de se dérouler à Hong Kong et une synthèse sur le colloque international « Gao Xingjian : A Writer For His Culture, A Writer Against His Culture » qui en fut un des moments forts, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil aux deux pages que la Newsletter de l’International Institute for Asian Studies (IIAS) consacre au prix Nobel de littérature 2000.
On doit ces deux pages (téléchargeables à partir d’ici) à Bob van der Linden qui a intitulé ce court portait « Individuality, literature and censorship: Gao xingjiang and China », composé de trois parties, « A meditation on the human spirit », « The fate of the writer in exile », et « Lost in translation? » qui a lui seul appelle sans doute des commentaires :
« Towards the end of Soul Mountain, Gao Xingjian writes:
« This is not a novel! »
« A novel must have a complete story. »
He says he has told many stories, some with endings and others without.
« They’re all fragments without any consequence, the author doesn’t know how to organize connected episodes. »
[...]
« No matter how you tell a story, there must be a protagonist. In a long work of fiction there must be several important characters, but this work of yours...? »
« But surely the I, you, she and he in the book are characters? » he asks.
« These are just different pronouns to change the point of view of the narrative. This can’t replace the portrayal of characters. These pronouns of yours, even if they are characters, don’t have clear images they’re hardly described at all. »
He says he isn’t painting portraits.»(London: Harper Perennial, 2001, p. 452-3).
Because of his use of pronouns as characters, numerous details from Chinese history and culture, philosophical ‘excursions’ etc., Gao’s novels (and especially Soul Mountain) are not easy to read. One also wonders how much got lost in the no doubt excellent translations by Mabel Lee and to what extent these novels should be read in Chinese to be fully appreciated. Be that as it may, in English one can already sense the uniqueness of Gao’s autobiographical fiction. Hopefully his novels will soon be available in China, for any world civilisation should at least allow a niche for a creative individual in search of new developments in language.»
Le dernier numéro - 47 - de cette Newsletter indispensable à qui veut rester au courant des activités de la recherche sur l’Asie a pour thème « New Religious Movements ».
Le précédent - n° 46 - avait pour titre « The Politics of Dress » et portait en couverture une très amusante photo représentant les chefs d’Etats de l’APEC lors de leur réunion annuelle en novembre 2005 en Corée [Voir illustration ci-dessus], mais aussi un intéressant article de Louise Edwards : « Dressing for power Scholars’ robes, school uniforms and military attire in China » qui s’achève par un paragraphe baptisé « Militarised politicians » :
« The importance of education to political dress was balanced by rising sartorial militarism. Early in the Republican period China’s male political leaders often appeared in full European military regalia. The population was presented with images of alien remoteness in their leaders and these excessively decorated military clothes soon became associated with corrupt, selfaggrandisement. By the mid-1930s this ceased featuring in political leaders’ clothing despite the merging of political and military roles. Instead, leaders such as Sun Yat-sen, Chiang Kai-shek and Mao Zedong emerged in simpler forms of military attire invoking their increasing proximity to the ‘people’. The Sun Yat-sen suit (aka Mao suit) eventually became the communist uniform for both men and women. But, at the leadership level, the premier legitimacy of the scholar as leader remained even through to the Cultural Revolution. A widely circulated image of Mao from 1968, ‘Chairman Mao goes to Anyuan’, depicts a youthful Mao in a scholar’s robe. At crucial junctures the balance between the Mao-suited ‘soldier’ and the virtuous ‘scholar’ reappears to reassure people of the leadership’s wisdom, strength and constancy. The famous posters of Mao handing power to Hua Guofeng that carry the caption “With you in charge, I am at ease” depict the two men in Mao suits, surrounded by books, pens and sheafs of paper. The scholar performed political work well past the demise of the Imperial examination system. » (p. 7).
Le président Mao allant à Anyuan 毛主席去安源 (1968)
de Liu Chunhua 刘春华 (1944-)
Il se trouve qu’au moment de la sortie de ce numéro très richement illustré m’était tombé dans les mains le « Que sais-je ? », le n° 1675, dans lequel Michel Jan décrivait La vie chinoise (PUF). J’avais donc consulté le passage où il est question de l’habillement (p. 61-62). Je ne résiste pas au plaisir de vous le livrer tel quel :
« Les Chinois ont toujours eu une conception pratique du vêtement. Pour l'immense majorité ce ne fut jamais un moyen particulier de distinction. Les fantaisies et le luxe étaient réservés à une minorité de riches propriétaires et à la cour impériale. L'uniformité vestimentaire est encore actuellement une règle générale. Le vêtement pouvant différencier, dans une même société, des classes sociales, la fantaisie et la mode sont des phénomènes inhabituels, désapprouvés par le plus grand nombre. S'affubler de vêtements originaux ou étrangers est la preuve d'un manque de maturité. La rigueur ou la liberté relative des coupes ou des couleurs dépendent de l'humeur politique générale. La correction de la tenue est courante même chez les plus défavorisés, par contre l'élégance est rare. Elle émane alors d'une silhouette ou s'exprime dans une attitude, elle n'est pas le résultat d'une recherche ou d'une composition vestimentaire. Le vêtement est taillé ample et n'épouse pas les formes du corps. Dans la rue, la foule apparaît uniforme. Hommes et femmes portent invariablement une veste et un pantalon, d'une coupe unique et fonctionnelle, de couleur bleue ou grise. La casquette légère en coton (jiefang mao) coiffe la majorité de la population masculine. A l'intérieur des habitations les jeunes revêtent des chandails tandis que les femmes se permettent de porter des vestes traditionnelles aux couleurs vives. L'été, les citadins échangent volontiers le pantalon et la veste stricte pour une robe de couleur. C'est à Shanghai qu'on note les plus grandes audaces : robes à fleurs, voyantes, chemisiers multicolores. Ces originalités se remarquent d'autant plus qu'elles sont des exceptions dans certaines villes et à plus forte raison dans les campagnes. »Il est sans doute heureux que cette contribution soit définitivement sortie des rayonnages des librairies. Mais il en reste suffisamment dans les bibliothèques et chez les bouquinistes pour induire les naïfs en erreur. Gare à ceux qui, comme certains étudiants pressés, n’ayant pas pris la peine de consulter sa date de rédaction - 1976 et 1980, date d’une ultime (?) révision -, se baseraient sur ce tableau complaisant pour envisager la Chine de ce début du XXIe s. Les autres pourraient s'amuser au jeu des différences et des permanences, et se poser la question : que reste-t-il de la Chine d'il y a trente ans ?
Mais sur un sujet aussi important, il convient de clore en se tournant vers les écrits d’un spécialiste, savoir Li Yu 李漁 (1611-1680) dont on peut lire grâce à Jacques Dars quelques unes des plaisantes considérations qui figurent dans l’essai « Zhi fu » 治服, « Se vêtir » (Xianqing ouji 閒情偶寄, juan 3) :
« Art difficile, qui demande un long apprentissage ! Comme dit l'antique adage : « Trois générations pour que les aînés sachent s'habiller, cinq pour qu'ils sachent manger » [三世長者知被服, 五世長者知飲食], ce qui rejoint un dicton moins ancien affirmant qu'il faut trois générations de fonctionnaires pour se vêtir et manger [décemment] [三代為宦, 著衣喫飯]. Les pauvres et indigents, honteux de leurs guenilles, répètent qu'ils n'ont pas d'argent pour s'habiller et déclarent que s'ils faisaient fortune, les hommes caracoleraient vêtus de pelisse, et les femmes arboreraient de magnifiques atours ... C'est ignorer que le vêtement adhère au corps, qu'un singe habillé fait pouffer tout le monde de rire, et que l'habit manifeste, chez les riches, la richesse, chez les pauvres, la pauvreté : le riche le met pour montrer sa richesse, le pauvre met le sien pour montrer sa pauvreté ... » (Les carnets secrets de Li Yu. Arles : Picquier, 2003, p. 46 ; pour visualiser le texte chinois, cliquer ici ou sur l'illustration ci-contre).Ces remarques n’épuisent naturellement pas le sujet. Du reste, J. Dars n’a pas entièrement traduit cet essai qui réserve quelques surprises comme une piquante discussion d’un passage de La Grande Etude (Daxue 大學), commentaire très personnel que Li Yu avait déjà utilisé dans l’introduction du onzième de ses Shi’er lou 十二樓 (Douze pavillons, 1658) vers lesquels je vais à nouveau me pencher dans les mois qui viennent. (P.K.)
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