Le loup est l’un de ces animaux dont l’appétit pour la chair est le plus véhement ; et quoiqu’avec ce goût il ait reçû de la Nature les moyens de le satisfaire, qu’elle lui ait donné des armes, de la ruse, de l’agilité, de la force, tout ce qui est nécessaire en un mot pour trouver, attaquer, vaincre, saisir et dévorer sa proie, cependant il meurt souvent de faim, parce que l’homme lui ayant déclaré la guerre, l’ayant même proférit en mettant sa tête à prix, le force à fuir, à demeurer dans les bois, où il ne trouve que quelques animaux sauvages qui lui échappent par la vîtesse de leur course, et qu’il ne peut surprendre que par hasard ou par patience, en les attendant long-temps, et souvent en vain, dans les endroits où ils doivent passer. Il est naturellement grossier et poltron, mais il devient ingénieux par besoin, et hardi par nécessité ; pressé par la famine, il brave le danger, vient attaquer les animaux qui sont sous la garde de l’homme, ceux sur-tout qu’il peut emporter aisément, comme les agneaux, les petits chiens, les chevreaux ; et lorsque cette maraude lui réussit, il revient souvent à la charge, jusqu’à ce qu’ayant été blessé ou chassé et maltraité par les hommes et les chiens, il se recèle pendant le jour dans son fort, n’en sort que la nuit, parcourt la campagne, rode autour des habitations, ravit les animaux abandonnés, vient attaquer les bergeries, gratte et creuse la terre sous les portes, entre furieux, met tout à mort avant de choisir et d’emporter sa proie. Lorsque ces courses ne lui produisent rien, il retourne au fond des bois, se met en quête, cherche, suit à la piste, chasse, poursuit les animaux sauvages, dans l’espérance qu’un autre loup pourra les arrêter, les saisir dans leur fuite, et qu’ils en partageront la dépouille. Enfin, lorsque le besoin est extrême, il s’expose à tout, attaque les femmes et les enfans, se jette même quelquefois sur les hommes, devient furieux par ces excès, qui finissent ordinairement par la rage et la mort. Le loup, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, ressemble si fort au chien, qu’il paroit être modelé sur la même forme ; cependant il n’offre tout au plus que le revers de l’empreinte, et ne présente les mêmes caractères que sous une face entièrement opposée : si la forme est semblable, ce qui en résulte est bien contraire ; le naturel est si différent, que non seulement ils sont incompatibles, mais antipathiques par nature, ennemis par instinct.
On pourra lire la suite de cette magistrale leçon sur le loup dans l'Histoire naturelle, générale et particulière sur un site remarquablement établi dédié à son auteur et accessible à partir d'ici ou dans une édition de 1758 sur Gallica [le début se trouve page 44 qui correspond à la page 39 de l'édition numérique précédente] et sans doute aussi - mais je n'ai pas encore pu vérifier - dans le beau volume de la « Bibliothèque de La Pléiade » sorti l'année dernière pour fêter comme il se doit le tricentenaire de la naissance de Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon (1707-1788), l'architecte de cette monumentale œuvre publiée en 36 volumes entre 1749 et 1788 [voir Œuvres. Textes choisis, présentés et annotés par Stéphane Schmitt, Gallimard, 2007]. Je ne sais si Buffon a raison en tout concernant cet animal, mais il écrit si plaisamment qu'on ne s'étonnera pas de lire que Balzac le plaçait à la hauteur de Newton, Descartes, Spinoza, Raphaël, Titien, Shakespeare (voir à ce propos la Préface de Michel Delon).
Mais venons-en à nos moutons, c'est-à-dire à la sortie imminente, chez Bourin Editeur, de la traduction française de l'ouvrage de Jiang Rong 姜戎 dont il a été question a plusieurs reprises sur ce blog, Lang tuteng 狼圖騰 (voir ici). Celle-ci est annoncée avec un ressort médiatique dont jamais traduction du chinois n'a, me semble-t-il, bénéficié jusqu'à présent, savoir rien de moins qu'un site internet entièrement dédié à sa promotion : http://www.letotemduloup.fr/ et un slogan qui fera, selon l'humeur, s'esclaffer ou bien grincer les dents : « Premier best-seller chinois depuis la mort de Mao » !
Le totem du loup, c'est donc le titre retenu, ne devrait être dans les librairies qu'à la fin du mois de janvier - le 31 pour être précis. Ses 561 pages ont été traduites du chinois par Yan Hansheng et Lisa Carducci, et l'édition française a été « établie » (sic !) par Boris Martin. Outre des informations relatives à sa diffusion, le site propose en plus d'un portrait de Jiang Rong, une interview exclusive de l'auteur réalisée par J.-J. A. qui doit être Jean-Jacques Augier dont Alain Beuve-Méry nous apprend dans Le Monde des Livres (10/10/08, en ligne ici) qu'il est l'« ancien PDG des éditions Balland devenu investisseur en Chine ». Cet article bien documenté et judicieusement intitulé « L'offensive mondiale du Totem du loup » signale dans la foulée que « c'est François Bourin qui a acheté les droits du Totem du loup, pour 50 000 euros ». Mais revenons au site qui propose un extrait du livre, qui - c'est mon humble avis - pourrait bien ne pas produire l'effet d'attraction désiré ; une autre page rappelle le récent succès au Man Asian Literary Prize 2007 ; l’espace pour présenter les renvois aux articles de presse que cette publication devrait susciter est également prêt ; on peut même écouter le hurlement du loup !
Que demander de plus, sinon de disposer rapidement du livre dont on - avis aux amateurs - proposera le moment venu un compte-rendu détaillé sur ce blog. Ceci nous laisse le temps de déguster un délicieux roman dont la sortie - vers le 20 janvier - est signalée dans le même numéro du Monde des livres, savoir Le mystérieux Docteur Fu Manchu de Sax Rohmer (1883-1959), dans la nouvelle traduction de l'anglais d'Anne-Sylvie Homassel (Zulma, 320 p.). Car comme l’écrit Gérard Meudal, « les aventures de Fu Manchu sont bien datées [The Mystery of Dr. Fu Manchu, premier volet d'une longue série, vit le jour en 1913] ; c’est ce qui en fait le charme ». (P.K.)
Que demander de plus, sinon de disposer rapidement du livre dont on - avis aux amateurs - proposera le moment venu un compte-rendu détaillé sur ce blog. Ceci nous laisse le temps de déguster un délicieux roman dont la sortie - vers le 20 janvier - est signalée dans le même numéro du Monde des livres, savoir Le mystérieux Docteur Fu Manchu de Sax Rohmer (1883-1959), dans la nouvelle traduction de l'anglais d'Anne-Sylvie Homassel (Zulma, 320 p.). Car comme l’écrit Gérard Meudal, « les aventures de Fu Manchu sont bien datées [The Mystery of Dr. Fu Manchu, premier volet d'une longue série, vit le jour en 1913] ; c’est ce qui en fait le charme ». (P.K.)
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