jeudi 17 janvier 2008

Miscellanées (007)

L'année 2008 sera-t-elle un bon cru pour le roman asiatique en France ? Il est un peu tôt pour l'affirmer, mais si l'on se fie aux différentes annonces de publications à venir et aux efforts déployés par certains éditeurs pour nous en convaincre, elle devrait être mémorable. Encore que la sortie du Totem du loup, dont il fut question ici, pourrait laisser de marbre le public français et s'avérer in fine un pétard mouillé. Que dire, alors, de l'offensive médiatique des Editions Robert Laffont qui se déploie ces jours-ci sur deux fronts : le chinois et l'indien ?


Amour, luxure et … trahison

Dans le premier cas, l'affaire semble entendue. Il suffit de surfer sur l'engouement probable généré par la sortie du dernier film du réalisateur Ang Lee [Li An 李安 (1954-)] en proposant le livre qui lui a servi de prétexte --- et comme le film sera diffusé - à partir du 16/01 - chez nous sans aucune coupure, cela ne devrait pas poser de trop de problème.

La page internet consacrée (voir ici) à cette publication qui offre en tout quatre courtes nouvelles de Zhang Ailing 張愛玲, alias Eileen Chang (1920-1995) est du reste assez sobre et livre une quatrième de couverture à peine enrichie d'un lien vers la bande annonce du film. On y apprend que c'est Emmanuelle Pechenart qui a traduit celle qui nous est présentée comme « issue d’une grande famille de Shanghai, (...) contrainte par les événements politiques à émigrer à Hong Kong dans les années 1940. Encensée alors par la critique de son pays, qui voit en ce très jeune écrivain un auteur majeur de la littérature chinoise contemporaine, elle s’exile à nouveau, aux États-Unis cette fois. Là, en dépit du succès grandissant qu’elle rencontre, au soir de sa vie, auprès du public chinois, elle finira ses jours dans un total et volontaire isolement. » On devrait reparler de l'auteur et de ce livre ici très bientôt car ce dernier ne fait que 180 pages imprimées en gros caractères et précédées seulement d'une courte introduction. Celle-ci s'attache un peu au titre original, Se / Jie 色,戒 , sans pourtant justifier le choix de flanquer le titre anglais Lust / Caution d'un appendice qui renforce l'approche érotico-mélodramatique donnée aux écrits de Zhang Ailing par Ang Lee : Amour. Luxure. Trahison. Mais, puisque le livre reprend l'affiche du film, il se peut que l'éditeur et sa traductrice n'aient eu voix au chapitre.


Sacred Games à tout prix.

Avec Le Seigneur de Bombay (Sacred Games), le défi est plus grand puisqu'il s'agit d'imposer au lecteur français un roman de 1040 pages d'un auteur - Vikram Chandra - connu des seuls amateurs de littérature indienne contemporaine et de le lui faire accepter comme un incontournable best-seller. Les Editions Robert Laffont ont donc augmenté la voilure, voir ici. A une quatrième de couverture au style accrocheur sont venues s'adjoindre non seulement la vidéo d'une interview réalisée en anglais et dûment sous-titrée dans laquelle l'auteur répond aux questions de - je suppose - son traducteur, Johan-Frédérik Hel Guedj, mais aussi ce qu'on pourrait appeler une bande annonce qui joue de tous les effets dont abuse la communication publicitaire. Last but not least, un ‘widget’ est offert. Il permet non seulement de feuilleter le début du livre, mais aspire à conquérir les blogs afin de faire monter le buzz ! On trouve une autre preuve de l'attention dont a été entourée cette édition dès la couverture en harmonie avec le sujet que je vous laisse découvrir en long et en large, en texte et en images : voir aussi ici ou . Pour aller encore plus loin, on actionnera le lien qui conduit au site de cet auteur né en 1961 que l'image et le son nous ont rendu naturellement très attachant : mais avons-nous besoin de cela pour apprécier une œuvre ? Qu'en pensez-vous ?



Du Genji à tous les prix.

Une meilleur façon d'attirer l'attention du lecteur est de lui proposer en plus d'un texte de qualité, une édition d'exception. C'est ce qu'a choisi de faire Diane de Selliers Editeur en livrant fin septembre 2007 une magnifique et luxueuse édition du Genji monogatari 源氏物語 (XIe s.), le chef-d'œuvre, bien connu mais si peu lu, de la littérature japonaise.

L'œuvre de Murasaki-shibibu 紫式部 avait été traduite en français pas René Sieffert (1923-2004). C'est sa traduction, publiée en 1988 aux Publications orientalistes de France sous le titre Le Dit du Genji, qui est reprise. Elle retrouve toute sa force entourée de quelque 520 peintures du XIIe au XVIIe siècle présentées par Estelle Leggeri-Bauer (INALCO). Ce beau travail est accompagné d'un texte critique signé par Madame Sano Midori (Université Gakushûin, Tôkyô). Le site de l'éditeur (voir ici) offre un moyen idéal d'en prendre la mesure et de rêver - le coffret coûte tout de même 480 € ! Pour un clic seulement, on peut disposer d'un excellent dossier présentant une description de l'ouvrage ainsi qu'une riche présentation de l'œuvre. Ce document en format pdf signale que l’année 2008 célèbre le millénaire du Genji monogatari dans le monde entier. C'est donc le moment de le lire, ou de le relire, même si c'est dans la modeste réédition de 2001 des POF (Collection « Les œuvres capitales de la littérature japonaise », 1311 pages, 58 €). (P.K.)

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