J'avais en préparation depuis quelques semaines un billet sur les adaptations en bande dessinée de quelques-uns des ouvrages majeurs de la littérature romanesque et dramatique de la Chine impériale, et nourri le projet de me procurer ces différents albums pour les évaluer. L’actualité théâtrale parisienne me conduit à changer mon plan en m’en tenant à l’un des grands romans chinois, le Xiyouji 西游記. En effet, il y a urgence.
Un Singe à Paris
Si j'en crois la presse, traditionnelle ou en ligne, et la radio (France Musique en l'occurrence) - et pourquoi la remettre en doute ?-, « Monkey : Journey to the West. Les aventures fantastiques du Roi Singe » qui est actuellement donné au Théâtre du Chatelet et ce jusqu'au 13 octobre (!), est l'événement marquant de la rentrée parisienne. Ce spectacle qui « marie l'opéra chinois et la ‘Brit Pop’ » mérite donc le détour.
Pour vous en convaincre, je vous renvoie du reste à l'article que lui a consacré Pierre Haski sur Rue89.com, article dans lequel il nous dit tout ce qu'il convient de savoir sur le parcours de Chen Shizheng 陈士爭 (1963-), ce metteur en scène chinois qui a quitté la Chine voici 20 ans pour les USA et qu'on connaît en France pour avoir monté en 1999 un très long (19 heures en trois jours) et très esthétique Pavillon aux pivoines [Mudanting 牧丹亭], pièce de Tang Xianzu 湯顯祖 (1550-1617) qu'André Lévy avait traduite pour l'occasion, le tout dans le cadre du Festival d'automne.
Les chanceux qui pourront se rendre à Paris d'ici le 13 et obtenir les billets ad hoc, seraient bien inspirés de nous donner leur sentiment sur cette nouvelle adaptation scénique du roman fabuleux et fabuleux roman qu'André Lévy (encore lui) a traduit pour la « Bibliothèque de la Pléiade » sous le titre de La Pérégrination vers l'Ouest (Gallimard, 1991, 2 vols.). Il semblerait néanmoins que malgré toute l'attention portée à la réalisation de cet opéra d'un genre rare sinon véritablement nouveau, le spectateur éprouve de grandes difficultés à suivre Sun Wukong 孫悟空, alias Singet et ses compagnons de voyage. C'est notamment l'avis de Gilles Renault dans son compte-rendu publié dans le journal Libération du 4 octobre 2007 intitulé « Le Singe d'une nuit d'automne » :
« Très vite, on comprend qu’on ne comprendra pas grand-chose à ce récit philosophico-humoristico-initiatique, centré sur Sun Wukong, le Singe Conscient-de-la-Vacuité, qui, du Palais de cristal au Paradis, croisera le plus improbable des bestiaires, entre porcelet, poisson-volant, princesse-dragon et femme-araignée. Une fois qu’on a fait son deuil de l’intrigue, ... »
En effet, on reproche en général au metteur en scène d'avoir plus servi l'action scénique [voir ici] que l'histoire. Qu'importe diront ceux qui se presseront aux portes du Chatelet, moins pour percer la signification philosophique des facéties du Roi Singe que pour l'emballage visuel et musical qui est signé Gorillaz, groupe à la mode. Certains, du reste, n’hésitent pas à présenter le spectacle comme une manifestation du groupe anglais bénéficiant d'une mise en scène à son service. Les Inrocks.com titre ainsi « Gorillaz au Théâtre du Châtelet » :
« Les deux créateurs du groupe virtuel Gorillaz, Damon Albarn et Jamie Hewlett, présentent « Monkey : Journey To The West » au Théâtre du Châtelet à Paris. D'après une oeuvre classique de la littérature chinoise, Monkey : Journey To The West mis, en scène par Chen Shi-Zheng, réunira acrobates, chanteurs lyriques et moines Shaolin afin de former un « cirque-opéra ». Damon Albarn a composé la musique du spectacle tandis que Jamie Hewlett s'est attelé à la conception visuelle et aux costumes. »
Dans la foulée, ont été mis en ligne, d'une part, un site marchant commercialisant des produits dérivés !, d'autre part, un espace d'échange sur MySpace où l'on peut voir une vidéo de présentation, entendre des extraits musicaux, lire des critiques et même poster la sienne ... On y trouve aussi des liens vers des articles de la presse mondiale ... On y apprend également une nouvelle qui réjouira les retardataires : le spectacle sera donné au Staatoper de Berlin entre le 8 et le 15 juillet 2008.
Souhaitons seulement que chacun y trouve son compte, et que, surtout, tous se jettent sur le roman-fleuve à la première occasion. Un passage de la traduction française dans le format économique de la collection « Folio » , comme a pu en bénéficier, en 1997, Shuihuzhuan 水滸傳 [Au bord de l'eau (J. Dars, trad., 1978), n° 2954 et 2955], puis, en 2004, Fleur en Fiole d'Or - Jin Ping Mei 金瓶梅 [A. Lévy, trad. (1985), n° 3997 et 3998], serait le bienvenu pour assurer la popularité de cette œuvre majeure de la littérature mondiale.
Super Monkey
Après cela, que dire de l'adaptation en BD du fameux roman qui inspire le spectacle précédent, sinon que, d'après ce dont j’ai pu en juger à travers une quinzaine de planches, seuls les plus jeunes ou les inconditionnels devraient apprécier. Ce doit être suffisant, puisque l'éditeur Xiao Pan, le spécialiste de la BD chinoise dont nous avons déjà parlé ici, en est à sa cinquième livraison sur un ensemble de vingt prévues, sous le titre générique Le Voyage en Occident [Voir le volume 1, 2, 3, 4 et 5]
Si l’on m’oppose que j'ai passé l'âge de goûter aux dessins nerveux que Peng Chao (1975-) plaque sur le scénario de Chen Weidong (1969-) [la traduction étant assurée par Gilbert Mijoule], ou que la fréquentation des éditions Ming et Qing a définitivement émoussé ma sensibilité, j'en conviendrais bien volontiers. Pour ceux qui comme moi, ont passé l’âge des premiers émerveillements, d'autres chocs sont à prévoir avec, dans l'ordre, une adaptation du Pavillon de l'ouest (Xixiangji 西廂記) et plusieurs de contes tirés des collections de Feng Menglong 馮夢龍 (1574-1646) (Youfeng) ; ce sera dans un billet moins simiesque intitulé Avatars (002). (P.K.)
Si l’on m’oppose que j'ai passé l'âge de goûter aux dessins nerveux que Peng Chao (1975-) plaque sur le scénario de Chen Weidong (1969-) [la traduction étant assurée par Gilbert Mijoule], ou que la fréquentation des éditions Ming et Qing a définitivement émoussé ma sensibilité, j'en conviendrais bien volontiers. Pour ceux qui comme moi, ont passé l’âge des premiers émerveillements, d'autres chocs sont à prévoir avec, dans l'ordre, une adaptation du Pavillon de l'ouest (Xixiangji 西廂記) et plusieurs de contes tirés des collections de Feng Menglong 馮夢龍 (1574-1646) (Youfeng) ; ce sera dans un billet moins simiesque intitulé Avatars (002). (P.K.)
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