mercredi 10 décembre 2008

Le Clézio au Viêtnam

Après un aperçu sur les réactions coréennes, puis chinoises,
à l'obtention par Jean-Marie Gustave Le Clézio
du Prix Nobel de littérature 2008,
Nguyen P. Ngoc
nous fournit ci-dessous des échos en provenance du Viêtnam.


Pour les lecteurs viêtnamiens, Le Clézio est un auteur assez connu grâce aux traductions de quelques nouvelles et de son roman Désert traduit par Huỳnh Phan Anh et édité en 1997 aux éditions de l'Association des Ecrivains du Viêtnam. Dans le milieu universitaire, l'œuvre de l'écrivain français est également l'objet d'articles, de mémoires de master, et même d'une thèse de doctorat soutenue par Nguyễn Thị Bình en 2006 à l'Institut de Littérature (Académie des Sciences Sociales).

A l'ère de l'internet, l'annonce du prix Nobel de littérature 2008 a été relayée immédiatement par la plupart des journaux et revues viêtnamiens. La vie et l'œuvre de l'écrivain français ont été racontées avec une grande profusion de détails. Il n'en reste pas moins que les lecteurs devront encore attendre un peu pour lire ses œuvres en viêtnamien, car au Viêtnam les éditions restent très peu de temps sur les rayons des librairies et les éditeurs ne les suivent pas. La seule possibilité pour obtenir des exemplaires des traductions déjà parues reste d'explorer les bibliothèques privées.

En attendant, le lecteur curieux peut quand même lire une traduction en viêtnamien de la nouvelle « Trois aventurières » (du recueil Cœur brûle et autres romances, Gallimard, 2000) par Hoàng Ngọc Biên sous le titre « Ba cô gái phiêu lưu » --> ici.



Ce qui est intéressant de noter, c'est que l'annonce du prix Nobel de littérature 2008 n'a pas provoqué au Viêtnam de vague d'enthousiasme comparable à celle qui avait salué l'attribution du même prix à Gao Xingjian, huit ans plus tôt. Si dans la presse destinée au grand public, Le Clézio est encore nommé « le dernier géant de la littérature française » (« Le Clézio: Người khổng lồ cuối cùng của văn chương Pháp », sur vietnamnet.vn, 10 octobre 2008), le site du Studio du Film de l'Association des Ecrivains du Viêtnam apporte un autre son de cloche en affirmant que Le Clézio est « un écrivain qui ne souffre pas de l'absence de la reconnaissance, mais n'est pas non plus un candidat bien solide ».

On rappelle aussi qu'après Claude Simon (1985), la France dut attendre 23 ans pour avoir un autre prix Nobel de littérature, car Cao Hành Kiện, Gao Xingjian, est en fait un écrivain chinois vivant en France. Sur evan.com (un site consacré à la littérature au Viêtnam), Thanh Huyền explique, dans un article datant du 24 novembre, que « même les Français trouvent que Le Clézio n'est pas digne de recevoir le prix de Nobel ».

Vu du Viêtnam, la littérature française semble ne plus être cette grande littérature appréciée de nos parents et nos grands-parents -- qui s'ils n'acceptaient pas l'idée d'avoir des« ancêtres Gaulois », n'en aimaient pas moins profondément la France des Lumières. Face aux best-sellers de langue anglaise qui occupent la plus grande la place dans les librairies et sur les pages internet, et face au besoin nécessaire du renouvellement de la littérature viêtnamienne contemporaine, je tiens à saluer le travail patient de quelques éditeurs, dont la jeune maison Nhã Nam qui édite des œuvres d'écrivains contemporains dont Hạt cơ bản (Les particules élémentaires) de Michel Houellebecq, et qui va publier dans quelques jours Những kẻ thiện tâm (Les Bienveillantes) de Jonathan Littell, tous deux traduits remarquablement par Cao Việt Dũng, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure à Paris. (Nguyen P. Ngoc)

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