samedi 4 octobre 2008

Un nouveau départ

Depuis septembre 2008, la jeune Equipe « Littérature chinoise et traduction » s’est élargie vers d’autres littératures d’Asie et a pris un nouveau nom :

« Littératures d’Extrême-Orient,
textes et traduction
»

ce blog l’indique déjà fièrement sur son bandeau,
le site de l’équipe sera bientôt revu en conséquence.

Les principaux axes de recherche de notre équipe dont l’acronyme est dorénavant LEO2T, restent essentiellement les mêmes, mais envisagés sur un espace culturel qui dépasse le monde chinois :
  • les problèmes liés à la traduction des littératures d’Asie, à savoir de Chine, du Japon, d’Inde, de Thaïlande, du Vietnam et de Corée.
  • l’œuvre de Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature 2000, Docteur Honoris Causa de l'université de Provence en liaison avec le Service commun de la documentation de l’Université de Provence dans lequel se trouve l’Espace de recherche et de documentation Gao Xingjian.
L’équipe dirigée par Noël Dutrait réunit maintenant plus d’une douzaine de spécialistes sur six aires culturelles asiatiques [présentation réactualisée bientôt sur notre site]. L’équipe va continuer à développer des activités de recherches qui déboucheront sur des publications, mais aussi des manifestations publiques de plusieurs ordres.

La dernière réunion de l’équipe (30/09/08) a permis de définir le calendrier des activités des mois à venir. En voici, dans l’attente d’informations plus détaillées, les grandes lignes :

  • le 13 février 2009, l’équipe organisera une journée sur la traduction des littératures d’Asie baptisée « Littératures d’Asie : traduction et réception ». Les membres de l’équipe sont d’ores et déjà invités à proposer un titre de communication et à suggérer le nom de spécialistes qui pourraient être invités. Des propositions de communication peuvent nous être envoyées avant le 15 janvier 2009.
  • les 11 et 12 décembre 2009, l’équipe envisage de tenir un colloque international sur le thème suivant : « Le roman en Asie et ses traductions ». Toute proposition de communication est la bienvenue.
Notre collaboration avec la bibliothèque universitaire, déjà importante avec l’ERD Gao Xingjian, sera renforcée, notamment autour du projet d’établissement d’un inventaire des traductions françaises des littératures asiatiques. Le fonds d’ouvrages de notre modeste bibliothèque sera accueilli dans les locaux de la BU très prochainement et le catalogage du fonds chinois diligenté par Jean-Luc Bidaux, sera assuré pour partie par Solange Cruveillé. Nous lui souhaitons bon courage.

L’hiver qui vient devrait voir la concrétisation de notre désir de publier le premier numéro de notre revue en ligne, Impressions d’Asie, qui a pris pour diverses raisons dont certaines indépendantes de notre volonté, un considérable retard.

Bien avant, soit l’après-midi du 21 octobre 2008 à partir de 15 h. jusqu'à 17 h. (salle C232), les étudiants de Master de notre formation auront la possibilité – pour ne pas dire l’obligation – de rencontrer les membres de notre équipe. Ce sera l’occasion pour nous de présenter nos domaines de recherches et les travaux menés dans le cadre de l’équipe.

D’autre part, ce blog s’efforcera de vous tenir au courant des activités de notre équipe, comme de rester en alerte sur l’actualité des littératures asiatiques et d’en rendre compte avec le plus de célérité possible. Ce billet est le 200ème paru depuis sa création le 18 novembre 2006 --- c’est ce qui m’a amené à l’illustrer d’un montage proposant deux cents poisson, qui augurent d’un bonheur doublé pour un avenir radieux, ce qui n’est pas rien en ces temps de crise.

samedi 27 septembre 2008

Devinette (016)

Illustration empruntée au site de Jacques Poitou,
Professeur de linguistique à l'université Lumière Lyon-2

En divulguant la réponse à la devinette estivale, le 27 août dernier, j’écrivais que « la prochaine devinette qui portera le numéro 16 et les suivantes devraient être plus directement orientées vers la littérature chinoise ancienne et ceux qui ont contribué à mieux la faire connaître chez nous. »

Un mois s'est écoulé sans signe dans ce sens : il est grand temps de rattraper ce retard et de tenir parole. Voici donc un texte dont on cherchera fébrilement l'auteur et qu'on tentera d'identifier :
La littérature chinoise a été jusqu'ici et de nos jours reste encore absolument en dehors des horizons littéraires du lecteur européen. Aucun homme instruit ne peut se permettre d'ignorer ne fût-ce que le nom des grands classiques des autres pays d'Europe tels que Goethe, Shakespeare, Camoens, Calderon, Molière, Dante, Dostoïévsky, nombreux sont ceux qui connaissent des auteurs persans et hindous, Saadi ou Omar Khayam, Kalidasa ou Tagore, mais l'Extrême-Orient reste le domaine étroit de quelques spécialistes et bien des gens sont encore à se demander si la Chine possède une littérature quelconque. Sans aller jusqu'à ce point extrême de l'ignorance, il est certain que la littérature chinoise et son histoire sont à peu près totalement ignorées en Europe.
La plupart des sinologues n'ont traité qu'insidemment la question littéraire et le texte artistique qu'ils étudiaient les intéressait d'habitude surtout par ses données historiques ou philosophiques, les légendes ou les traits de mœurs qu'il exposait. Cependant aux yeux de l'auteur, et aussi du lecteur chinois, des détails avaient pour la plupart du temps un caractère secondaire et accidentel d'ornement remplaçable. Par contre, l'élément émotionnel et esthétique qui forme la raison d'être des productions artistiques n'intéressait pas le sujet des recherches savantes ; ces savants le laissaient de côté.
Vous connaissez la procédure, alors, à vous de jouer. (P.K.)

mercredi 17 septembre 2008

A Cassis aussi !

Version chinoise du blason de Cassis.

Une partie des membres de notre équipe
Littérature d’Extrême-Orient, textes et traduction (LEO2T)
sera présente à la conférence internationale organisée par
la Maison Asie Pacifique
qui se tiendra à Cassis (13) du 2 au 4 octobre 2008.
Cette conférence réunira dans la salle Calendal
une quarantaine de chercheurs français,
de Hong Kong, de Grande Bretagne, des USA, de Thaïlande,
mais aussi de Taiwan.
On peut compter sur l’équipe organisatrice pour que ces journées se déroulent dans la meilleure ambiance qui soit et que les différents ateliers apportent des lumières sur le thème central de cette réunion qui est
L’Asie et le Pacifique entre mondialisation et globalisation.
Résistances, métissages et stratégies d’adaptation.


L’atelier auquel prendront part cinq d’entre a pour intitulé
Métissages culturels : arts et littératures

Voici le programme des communications qui se tiendront le 2 octobre :
Président de séance : Philippe Che
10h00 : Elizabeth Naudou (UP, LEO2T) : « At the End of India-Europe Dialogue – Nirmal Verma’s monologues »
10h30 : Louise Pichard Bertaux (MAP/CNRS/LEO2T) : « City and contemporary literature in Thailand : a similar evolution »
11h00 : Questions, pause
11h30 : Alain Guillemin (LAMES/CNRS/IRSEA) : « The Translation into French of Kim Van Kieu, Masterpiece and Mirror of Vietnamese Literature »
12h00 : Gilbert Fong (Dpt of Translation, University of Hongkong): « Suspended Identities : Behind the Looking Glass of Translated Theatre in HongKong. »
12h30 : Questions, pause déjeuner

Président de séance : Gilbert Fong
14h30 : Noël Dutrait (UP, LEO2T) : « Influences and Resistances in Chinese Literature (End of XXth - Beginning of XXIst c.) »
15h00 : Pierre Kaser (UP, LEO2T) : « Confucius à Broadway : The Wisdom of Confucius de Lin Yutang »
15h30 : Questions
16h00 : Philippe Che (UP, LEO2T) : « Ge Hong (285-345) and Roger Bacon (1214-1294): A Comparative Study »
16h30 : Questions
17h00 : Clôture de l’atelier
La langue du colloque est l’anglais, mais je me suis laissé dire que certains feront de la résistance. Notons que Jade Nguyen P. Ngoc (LEO2T) traitera d’un sujet non-littéraire avec une communication intitulée « Vietnam Between China and South East Asia as seen by Orientalist: Redefinition and reconstruction of the Vietnamese identity during the French colonial period (first part of the 20th century) » comme du reste Michel Dolinski (UP/IRSEA-LEO2T, France) intervenant sur l’« Integration of the Vietnamese-Chinese in the diasporic networks of South-East Asia ». Gageons que chacun, intervenant ou simple spectateur, repartira chez lui en se disant que « Qui a vu Paris, et non Cassis, n'a rien vu ! ».

lundi 15 septembre 2008

Concours de littérature coréenne (2008)

L'équipe de Recherche
« Littérature d’Extrême-Orient, textes et traduction »
est heureuse de s'associer
à l’Institut pour la
Traduction de la Littérature Coréenne
(Séoul)
et au Département d’Etudes Asiatiques
de l'Université de Provence

pour l'édition 2008 de son concours
« A la découverte des grandes œuvres de la littérature coréenne »

L'œuvre retenue pour
cette deuxième édition du concours de compte-rendu de lecture
qui se déroulera du 16 septembre 2008 au 28 novembre 2008
est


Nokcheon

suivi de Un éclat dans le ciel
《녹천에는 똥이 많다》
Traduit par KIM Kyunghee, LEE In-Sook, Stéphane COULON
(Paris : Le Seuil, collection « Nouvelles », 2005, 223 pages)
de
LEE Chang-Dong
이창동 [ 李滄東 ]

Né en 1954 à Daegu, LEE Chang Dong mène une double carrière de cinéaste et d’écrivain. Il obtient son diplôme de Langue et Littérature coréennes en 1980. Son œuvre littéraire et cinématographique est couronnée par plusieurs prix internationaux.

Œuvre littéraire :
1983, The Booty ; 1987, Burning Papers
1992, Nokcheon suivi de Un éclat dans le ciel

Oeuvre cinématographique :
En 1993, il débute dans le cinéma avec Park Kwan-Su (un des fondateurs de la nouvelle vague coréenne) qui lui propose d’écrire le scénario de To the story island. Puis, il réalise en
1996, Green Fish ; 2000, Pepermint Candy ; 2002, Oasis ;
2008, Secret Sunshine (Milyang)

En février 2003, il est nommé Ministre de la Culture en Corée du Sud et démissionnera 1 an plus tard, en désaccord sur la question des quotas de production cinématographique, en Corée du sud.



Les candidats devront rédiger un texte personnel :
compte-rendu, note de lecture, commentaire, critique.

Pour pouvoir participer, il faut :
• s'inscrire avant le 18 octobre avec vos coordonnées par e-mail à jcdc@up.univ-mrs.fr
(Le livre Nokcheon sera offert aux 60 premiers candidats inscrits).
• rédiger un texte de 4 pages maximum (1500 signes par page).
• adresser ce texte par e-mail à jcdc@up.univ-mrs.fr
avant le 29 novembre 2008

Les textes seront examinés par les membres du Jury de l’Equipe de Recherche « Littérature d’Extrême-Orient, textes et traduction » de l’Université de Provence.
Résultats du concours par e-mail le 13/12/2008.
Remise des prix le mercredi 17/XII/2008 (18 h.)
à l’Université de Provence (Salle du Conseil, 2e étage) :

6 candidats seront sélectionnés et gagneront :
1er prix : Un ordinateur portable Samsung (ou valeur)-
2e prix : (Deux gagnants) Un iPod Apple (ou valeur) -
3e prix : (trois gagnants)
Un appareil photo numérique Samsung (ou valeur).

Le 1er prix participera à une sélection mondiale. En cas de victoire à cette sélection, un voyage en Corée lui sera offert à cette occasion.

Responsable du concours :
Hye-Gyeong KIM, enseignante de coréen à l’Université de Provence.
UFR ERLAOS, Université de Provence
29 av. R. Schuman – 13621 Aix-en-Provence cedex 1
Informations en rapport au concours sur le site et
le blog de l’Equipe de Recherche : http://jelct.blogspot.com

Finir une traduction…

Nombre d’entre vous ont dû m’entendre parler du roman de Mo Yan 莫言, Sishiyi pao 四十一炮, Quarante et un coups de canon, depuis avril 2004, date à laquelle, Liliane Dutrait et moi avons signé un contrat de traduction avec les éditions de Seuil. À l’époque, on s’en souvient peut-être, Mo Yan avait participé au Salon du livre de Paris où son roman Beaux seins belles fesses 丰乳肥臀 (traduit aussi par nous-mêmes) avait remporté un franc succès. Le Seuil avait alors confié à Chantal Chen-Andro la traduction du terrible Supplice du santal 檀香刑 qui est paru en 2006 et nous avait demandé de traduire ces Quarante et un coups de canon. Le temps a passé, Chantal Chen-Andro a même avancé la traduction du dernier roman de Mo Yan, Shengsi pilao 生死疲劳 (à paraître en 2009), tandis que nous plongions dans le très foisonnant Quarante et un coups de canon avec délices. Malheureusement, cette traduction a avancé moins vite que prévu… Quelques responsabilités qui m’ont été confiées à l’université de Provence ont retardé cette traduction, ainsi que des événements d’ordre plus personnel, et ce roman a dû attendre jusqu’à maintenant pour pouvoir enfin paraître en français (en octobre prochain). Il faut souligner la patience des éditions du Seuil et saluer la belle persévérance de cette maison qui « suit » Mo Yan en publiant quasi systématiquement ses « gros romans ». C’est un fait assez rare dans le domaine de la littérature chinoise contemporaine, où l’on voit souvent des écrivains éparpillés chez plusieurs éditeurs, et leur œuvre traduite de façon fragmentaire, voir incohérente… Il ne me semble pas que d’autres auteurs chinois contemporains aient déjà une quinzaine de titres publiés en traduction française…

Réglons d’abord la question du titre. Après une longue période de réflexion, après Les Quarante et Un Canons – titre que nous avons utilisé tout au long des discussions sur ce travail –, nous avons définitivement opté pour Quarante et un coups de canon. C’est que dans ce roman, on verra qu’il y a à la fois un « enfant-canon », 炮孩子 – un enfant qui aime raconter des histoires, le plus souvent totalement imaginaires –, quarante et un chapitres – qui sont autant de coups de canon pao 炮 –, et… quarante et un véritables (?) coups de canon, sishiyi pao 四十一炮… Deux récits s’entremêlent : le monologue intarissable sur des faits réels ou imaginés que débite le narrateur à un vieux moine impassible, narrateur qui désire devenir moine lui-même, et le récit de faits de sa jeunesse, racontés dix ans après à travers ses yeux d’enfant. Tout cela se déroule pendant les dix dernières années du XXe siècle, dans le grand tourbillon que connaît la société chinoise depuis cette époque. Au centre du roman, la viande de boucherie, objet de convoitise, objet de passion et objet hautement lucratif ! Une fois de plus, Mo Yan fait raconter par un enfant, comme dans Le Clan du Sorgho et dans de nombreuses nouvelles que l’on peut lire en français dans une traduction de Chantal Chen-Andro, réunies sous le titre Enfant de fer (éditions du Seuil).

On sort de la lecture de ces Quarante et un coups de canon sonné, abasourdi, émerveillé, dégoûté, voire révulsé, mais on a le net sentiment d’avoir parcouru un incroyable voyage dans un monde de plus en plus déréglé. Quand on le traduit, c’est encore plus fort puisque nous avons passé des mois en compagnie de ce Liu Xiaotong, de son père et de sa mère, de sa sœur, la gentille Jiaojiao, de la tante Mule Sauvage, du grand moine et de Lao Lan, le chef du village, de Lan l’Ancien et de bien d’autres encore... En 442 pages en chinois (780 feuillets en traduction française), Mo Yan déverse son torrent de langage et prouve bien, comme il le dit dans sa postface que pour lui « 诉说就是一切 », « la narration, c’est tout » !

Pour ce qui est de notre méthode de travail « à quatre mains », comme toujours, j’ai fait le passage du chinois au français en restant très près du texte (j’ai d’ailleurs expérimenté cette fois le logiciel Wenlin qui est très utile pour élaborer un premier jet), puis Liliane a fait des corrections et des propositions sur cette version brute, nous avons ensuite travaillé ensemble pour établir une version plus achevée, revérifié tout ce qui posait problème en envoyant à Mo Yan beaucoup plus que quarante et un e-mail sur des mots ou expressions qui demeuraient obscurs… Mo Yan a répondu avec la plus grande gentillesse (et rapidité) à toutes nos questions, nous expliquant aussi bien l’expression 炒鱿鱼, « se faire mettre à la porte » , que 梦梦梦, 反反正 (il arrive souvent le contraire de ce qu’on voit en rêve), et bien d’autres… A ce stade, la traduction a mûri, nous sommes devenus au fil des pages familiers des personnages et des lieux, et il arrive souvent que l’on revienne sur des choix qui avaient été faits au début. Enfin, comme toujours lorsque nous traduisons un roman, nous avons relu (chacun) à haute voix la version finale pour tenter d’aplanir les dernières aspérités. Et à présent que nous relisons les épreuves, nous avons encore envie de retoucher çà et là…

Dans un portrait de Brice Matthieussent, célèbre traducteur de John Fante ou Jim Harrison, paru dans La Provence du 8 septembre 2008 juste au moment où nous finissions notre traduction, il déclare : « Je n’ai pas vraiment de théorie sur la traduction, c’est au cas par cas, mais j’estime que 80 % du roman disparaît. » Bigre ! Cela nous a fait froid dans le dos…. Si 80 % d’un roman traduit de l’américain disparaît à la traduction, on peut supposer que 99,99 % d’un roman traduit du chinois risque de disparaître ! Est-ce le cas ? Nous n’en avons pas l’impression, mais ce sera aux lecteurs sinisants de le dire. Quant à la théorie sur la traduction, nous n’avons pas vraiment non plus de principes stricts, les questions ou problèmes sont envisagés au fur et à mesure qu’ils se posent, sans parti pris, en ayant toujours le souci de respecter le texte chinois, mais de rester compréhensible, accessible, et d’éviter de tomber dans le contresens de l’exotisme ou du mystérieux que les particularités de la langue et de la culture chinoises pourraient involontairement faire naître chez le lecteur.

Certains d’entre vous se souviennent des journées sur la traduction que nous avions organisées en février 2006, au cours desquelles nous avions étudié dans notre atelier le début du chapitre deux (Deuxième coup de canon) de ce roman. D’autres se souviennent aussi de la phrase interminable que j’avais proposée comme exemple de difficulté de traduction sur ce blog… Maintenant, nous avons tranché, nous avons fait des choix, pour affiner la traduction, au plus près du texte original, en espérant avoir restitué l’esprit et le style de ce roman, tout au moins « presque la même chose » comme dirait Umberto Ecco.

Noël et Liliane Dutrait

dimanche 14 septembre 2008

Billet de rentrée

Une bonne nouvelle pour commencer : votre blog a survécu aux vacances, aux J.O. et même aux deux premières semaines de ce mois de rentrée particulièrement chargé : ce billet même s'il n'a pas de véritable contenu devrait suffire à en confirmer la survie. Le voilà donc - après quelques problèmes d'ordre technique - de nouveau actif avec une foule de billets en attente - le temps de les rédiger et la patience pour les mettre en ligne me font pour l’heure cruellement défaut, mais les choses devraient s'arranger dans les semaines qui viennent -, et, presque hélas !, un nouveau moteur de surveillance.

En effet, Sitemeter a fait peau neuve ; s’il fournit encore plus généreusement que par le passé ses indiscrétions, il le fait dorénavant sous forme de graphiques tordus, de listes à peine lisibles, et de figures colorées comme celle ci-dessus qui indique que sur les 100 visites prises en compte, vous étiez 80 % d'Européens à nous visiter ; le reste se divisait comme suit : 8 % étaient localisés en Asie, 5 en Amérique du Nord, 2 en Amérique latine et en Afrique et 1 en Australie. La belle affaire ! Je regretterai longtemps l'ancienne présentation qui me permettait de mieux apprécier votre fidélité et la circulation qui s'était établie entre différents points de la toile, notamment avec les sites et blogs qui nous ont fait l'amitié d'inscrire notre adresse dans la liste de leurs liens privilégiés. Je pense notamment au blog du Visage Vert qui signalait tout récemment que nous partagions quelques curieux surfeurs et, sans aucun doute, la même curiosité et fringale pour la bonne littérature.

Avant de disparaître - momentanément ? - de la colonne de gauche de cette page, le compteur venait, sachez-le, de dépasser les 27000 visites. Ce n'est pas si mal, même si leur rythme quotidien s’était sérieusement détérioré au fil de cet été et que vous êtes nombreux à nous rencontrer au hasard de recherches souvent peu avouables ! Quoi qu'il en soit n'hésitez pas à faire grimper ce chiffre en revenant lire comment va s'organiser l'année qui débute pour notre équipe, en découvrant prochainement ses projets pour 2009, le changement de son identité institutionnelle, la concrétisation de ses projets en suspens, son implication dans différents colloques, voire, sait-on jamais, de nouvelles signatures, etc.

Pour ma part, je m'en tiendrai à la ligne de conduite arrêtée le 30 juin dernier et poursuivrai à une cadence que je souhaite plus soutenue mon survol des traductions françaises de littérature chinois ancienne, avec d'abord la suite de ma série sur les traductions de romans érotiques, mais aussi de bien d’autres choses encore (Tang Xianzu, notamment, ressuscité par André Lévy, et de quelques ouvrages qui sont déjà sortis ou vont prochainement paraître comme celui de Liu Dalin). A bientôt donc. (P.K.)

jeudi 28 août 2008

Lu, entendu, vu cet été

Détail de la couverture de David Pearson pour Récit de Lune de Guo Songfen (Zulma)

Cet été, de nouvelles traductions de littérature taiwanaise contemporaine sont apparues chez les libraires. Un très joli livre de Guo Songfen 郭松芬 (1938-2005), Récit de lune 月吟 traduit par Marie Laureillard, chez Zulma. C’est l’histoire triste de Tiemin, atteint de tuberculose, soigné par sa jeune épouse Wenhui qui n’obtiendra guère de reconnaissance de la part de son mari pour son dévouement. Pris par l’action politique dans laquelle il se lance à corps perdu malgré sa maladie, Tiemin la délaisse peu à peu. L’histoire se passe juste au moment de la rétrocession de Taiwan à la Chine, après la défaite japonaise de 1945. Le texte, très bien traduit, est rempli de mélancolie et de force poétique. La discrète sensualité qui se dégage de l’évocation des pensées de la jeune épouse frustrée est remarquable. Un court roman qui apporte aussi une description de l’atmosphère qui régnait dans l’île au cours de ces années d’après-guerre. Une présentation agréable, une traduction et des notes soignées, la découverte d’un auteur inconnu, que demander de plus ?

Un autre roman taiwanais, de Ping Lu 平路, est sorti au Mercure de France, Le Dernier Amour de Sun Yat-sen, en chinois 行道天涯, traduit par Emmanuelle Péchenart. Là aussi, un livre très bien présenté, bien traduit, qui met en parallèle les derniers mois de la vie de Sun Yat-sen avec les dernières années de la vie de sa jeune épouse, Song Qingling. Ce roman montre deux êtres, célébrissimes dans le monde chinois, dans toute la vérité de leur déchéance progressive, en raison de la maladie pour lui, de la vieillesse pour elle. Ils deviennent des êtres humains ordinaires sous la plume de l’auteur. Un roman historique qui met en scène des personnages que l’on découvre sous un jour nouveau. J’ai pensé en lisant ce livre à l’excellent roman de Jean Echenoz, Ravel, qui évoque les dernières années de la vie du grand compositeur français dans leur quotidienneté.


Dans les choses « entendues » cet été, j’ai été étonné par le commentaire d’un certain M. Wang, ancien diplomate chinois en poste à Paris, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin retransmise à la télévision [France 2], expliquant la signification du drapeau rouge à cinq étoiles de la république populaire de Chine. Il a affirmé que la grande étoile jaune représentait l’ethnie han, tandis que les quatre autres représentaient les principales ethnies minoritaires de Chine. Hum, hum, est-ce donc que les Han seraient plus grands que les autres ? Et y aurait-il des ethnies plus importantes que d’autres… Je me souvenais très bien que mon collègue et ami Roland Breton, géographe distingué et également « vexicologue » (spécialiste des drapeaux), m’avait appris que la grand étoile représentait le Parti communiste chinois entouré des quatre classes sociales ayant soutenu le programme commun du Parti communiste chinois en 1949 : les paysans, les ouvriers, les classes moyennes et les capitalistes nationaux (et non les capitalistes « compradores » qui ont vendu leur pays aux étrangers). Naturellement, pendant la Révolution culturelle, cette explication n’a plus été de mise et l’on ne parle plus que de la grande étoile symbolisant le parti communiste et des quatre autres étoiles symbolisant « l’union du peuple tout entier ». Un peu plus tard, le même M. Wang affirmait que les enfants habillés en costumes des différentes minorités ethniques (la presse occidentale a ensuite affirmé que ces enfants étaient des Han portant les costumes des ethnies minoritaires) étaient en train de chanter l’hymne national… que je n’arrivais pas à reconnaître, et pour cause, car ce n’était pas du tout celui-ci. En fait, il a bien été chanté lors de cette cérémonie, mais un peu plus tard, et par une autre chorale.

Parmi les choses « vues », j’ai été surpris et heureux de trouver sur le lieu de mes vacances une place dédiée à Marcel Granet, sinologue, qui est né dans cette charmante petite ville… Si quelqu’un veut savoir où j’ai passé mes vacances, il lui suffit de se référer à une biographie du grand sinologue français !

Cliché ND.

Pour revenir à des choses « lues », j’ai beaucoup apprécié cet été les suppléments du Monde au sujet des Jeux olympiques avec des papiers de différents journalistes, souvent très intéressants et savoureux. On a même pu lire des interviews d’écrivains non officiels comme Liu Xiaobo 刘晓波 ou Ma Jian 马建 dont vient de paraître en France un roman qu’il a mis dix ans à écrire, Beijing coma, traduit de l’anglais par Constance de Saint-Mont aux éditions Flammarion.

Évidemment, je n’ai pas pu être d’accord avec un éditeur pékinois anonyme qui affirme, cité par Sylvie Kauffmann, que « la littérature chinoise contemporaine n’est pas au mieux de sa forme, dans un régime où la création est strictement encadrée, et où on lit de moins en moins de livres ». Je continue à penser que la littérature contemporaine en langue chinoise dans son ensemble, et en Chine continentale en particulier, est l’une des plus riches du monde. Le fait qu’on lise de moins en moins de livres n’empêche pas de très nombreux lecteurs chinois de dévorer des romans sur Internet et d’acheter des livres qui deviennent des best-sellers comme Brothers, 兄弟 de Yu Hua 余华, Le Totem du loup 狼图腾 de Jiang Rong 姜戎 et bien d’autres.

Dans Le Monde encore cet été, est paru en feuilleton Cité de la Poussière rouge de Qiu Xiaolong traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle. Ce sont de courts textes, véritables tranches de vie quotidienne dans la Chine contemporaine depuis la Révolution culturelle jusqu’à 2005. Qiu Xiaolong nous avait habitués à ses romans policiers toujours bien ficelés, là, il évoque la réalité quotidienne avec le même talent. L’ensemble des textes sortira prochainement aux éditions Liana Levi.

Le Figaro, quant à lui, avait choisi de publier tout au long du mois d’août des textes écrits par de grands écrivains étrangers commençant tous par la même phrase de l’Odyssée d’Homère : « Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait vers l’endroit qu’avait dit Athéna… » Et c’est Mo Yan 莫言 qui a clos la série le 18 août avec un texte plein d’humour intitulé Le Vieil Homme et le Château bleu 蓝色城堡 traduit par votre serviteur et Liliane Dutrait, accessible sur Internet.

Voilà, si vous avez trouvé où j’ai passé mes vacances, vous aurez compris que je ne suis pas allé en Chine… en tous cas pas physiquement ! J’y ai pourtant passé de nombreuses heures, grâce à ces lectures, et aussi parce que, avec Liliane Dutrait, nous avons enfin achevé la traduction des Quarante et un coups de canon 四十一炮, de Mo Yan, ce qui nous a permis encore de passer de fabuleux moments avec le grand écrivain, en le traduisant, en relisant la traduction, et en découvrant ses réponses toujours rapides et complètes à nos courriers électroniques lorsque nous avions besoin d’en savoir plus sur telle ou telle expression ou particularité locale. (À paraître aux éditions du Seuil à l’automne.)

Profitons-en pour signaler que Mo Yan vient de remporter le prix du roman Le Rêve du pavillon rouge de la Hong Kong Baptist University 香港浸会大学 pour son roman Shengsi pilao 生死疲劳, dont la traduction en français doit sortir l’année prochaine aux éditions du Seuil, dans une traduction de Chantal Chen-Andro. Ce prix, le plus richement doté de tous les prix littéraires de littérature contemporaine en chinois, récompense le meilleur long roman (长篇小说) écrit en langue chinoise. On peut lire à ce sujet l’intéressant reportage du Yazhou zhoukan 亚洲周刊 du 17 août 2008.

Et vous, dans quelle littérature d’Asie vous êtes-vous plongés ? Quels livres nous recommandez-vous ? Les traductions ne manquent pas actuellement dans le domaine des littératures coréenne, japonaise, indienne, chinoise ou vietnamienne… Des conseils de lecture pour l’automne et l’hiver seront les bienvenus. Noël Dutrait, 28 août 2008.

mercredi 27 août 2008

Réponse à la devinette estivale

Il s'agissait, rappelez-vous, de trouver duquel des livres signalés dans un choix de lectures estivales provenait une intéressante citation concernant la lecture. L'illustration retenue pour le billet qui proposait cette innocente devinette estivale aurait pu vous mettre sur la piste car le célèbre tableau intitulé « La lectrice » peint par Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) en 1770-1772 avait plus de vingt ans quand ces lignes furent écrites par Ann Radcliffe (1764-1823) dans Les Mystères d'Udolphe, soit à peine plus que l'âge d'Emilie, l'héroïne de ce chef-d'œuvre du roman gothique : The Mysteries of Udolpho (1794).

Pour ceux qui n'auraient pas été séduits par la traduction de Victorine de Chastenay (1797) proposée dans le volume n° 3493 de la collection « Folio classique » (Gallimard, 2001. Edition de Maurice Lévy, 904 pages, p. 515) voici la version originale :
« Emily sought to lose the sense of her own cares, in the visionary scenes of the poet; but she had again to lament the irresistible force of circumstances over the taste and powers of the mind; and that it requires a spirit at ease to be sensible even to the abstract pleasures of pure intellect. The enthusiasm of genius, with all its pictured scenes, now appeared cold, and dim. As she mused upon the book before her, she involuntarily exclaimed, 'Are these, indeed, the passages, that have so often given me exquisite delight? Where did the charm exist?-- Was it in my mind, or in the imagination of the poet? It lived in each,' said she, pausing. 'But the fire of the poet is vain, if the mind of his reader is not tempered like his own, however it may be inferior to his in power.' »
Le roman d'Ann Radcliffe qui plut aussi bien à Jane Austen (1775-1817) qu'à une pléiade d'écrivains dont Balzac, Hugo et Nodier (voir l'érudite préface de Maurice Lévy, pp. 7-44, notamment page 8), inspira sitôt publié au C. Alexandre D[uval] (1767-1842), un « Drame en cinq actes et en prose » intitulé Montoni ou Le château d'Udolphe publié en l'An VI (1795-1796). Les plus curieux peuvent aller le lire sur Gallica.

On peut aussi faire l'économie de cette lecture très datée pour se consacrer entièrement à l'œuvre initiale. En effet, il n'y a plus de temps à perdre à quelque cinq jours de la rentrée. La prochaine devinette qui portera le numéro 16 et les suivantes devraient être plus directement orientées vers la littérature chinoise ancienne et ceux qui ont contribué à mieux la faire connaître chez nous. (P.K.)

mercredi 20 août 2008

Si peu de Ci


Le hasard m'a mis en main l'ouvrage suivant :

Gonthier WEIL, Jean CHASSARD,
Les grandes dates des littératures étrangères.
Paris : PUF, 1969, coll. « Que sais-je ? », n° 1350.

qui en 128 pages parcourt « l'énorme production littéraire accumulée, « depuis sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent » » (p. 7), et recense les ouvrages apparus entre le XXXe s. av. J.-C. (!) et 1968, soit du « Chou king » jusqu'à Kawabata Yasunari 川端康成 (11 juin 1899-16 avril 1972) pour la date d'obtention du Prix Nobel de littérature par l'auteur des Belles Endormies (Nemureru bijo 眠れる美女, 1961). L'ouvrage est offert comme un complément à Arsène CHASSANG, Charles SENNINGER, Les grandes dates de la littérature française. Paris : PUF, 1969, coll. « Que sais-je ? », n° 1346.

Ses auteurs ont retenu « toute œuvre de renommée internationale qui a subi victorieusement l'épreuve du temps », plus « des productions de valeur peut-être moins universelle, mais particulièrement représentatives d'un pays et d'une époque » et enfin des « ouvrages qui, à un moment donné, ont connu une exceptionnelle faveur, même lorsque la postérité n'a pas toujours ratifié le jugement des contemporains » (p. 5). L'origine des œuvres des 74 pays pris en compte est facilement repérable grâce à un code : Ja pour Japon (quelque 62 œuvres), In pour Indes (deux douzaines d'œuvres), pour Corée (quatre œuvres), Vn pour Viêt-nam (quatre œuvres), Ci pour la Chine -- ceci explique pourquoi ce billet rédigé le 20-08-2008 (!) a pris pour titre « Si peu de Ci », car la Chine n'apporte avec un total de 70 titres que 2,33 % des grandes dates de la littérature mondiale. Celles-ci se répartissent de la manière suivante : une cinquantaine pour la période d'avant 1911 et pas moins de 21 pour la période allant de 1918 à 1958.

A chacun d'évaluer maintenant le résultat obtenu pour la littérature chinoise en fonction de ses compétences et de ses goûts. Notons que ce survol trahit l'époque à laquelle il a été constitué et souffre de l'absence d'une véritable histoire de la littérature chinoise. Sachez, enfin, que « les œuvres dont la date de parution ne peut être précisée sont signalées à la date du décès de l'auteur dont le nom est précédé du signe + » (p. 7) :
Période avant Jésus-Christ

XXXe s. - Le Chou king : livre des documents (jusqu'au VIIe s).
XIIe s. - Les Rites des Tcheou (relatifs aux rites chinois anciens).
Xe s. - Le Che-king (livre des vers ; le plus ancien recueil littéraire).
VIIe s. - Le Tch'ouen-ts'ieou (les Annales).
VIe s. - Le Livre du Tao et de sa vertu (Lao Tseu). Discours des Royaumes (Tso K'ieou-ming). Livre de la Piété filiale (Tseng Tseu).
Ve s. - Dialogues ou Entretiens (Confucius). Les Printemps et Automnes (chronique attribuée à Confucius). La Grande Etude. L'Invariable Milieu (K'ong Ki alias Tseu Sseu).
420 - Le Mô King : le Livre canonique de Mô (Mô-Tseu).
IVe s. - Le Livre du maître Tchouang (Tchouang Tcheou).
IIIe s. - Le Livre du maître Han Fei (Han Fei).
289 - Le Livre de maître Mong (Mong Tseû ou Mencius).
285 - Douleur de l'éloignement ou Tomber dans l'infortune (K'iu Yuan). Le Tch'ou ts'eu : Elégies du pays de Tch'ou. Le Li-Sao (Song-Yu).
IIe s. - Le "Fou" du palais Chang-men (Sseû-ma Siang-jou). Le Che ki : Mémoires historiques (Sseû-ma Ts'ien). Le Hibou (Kia Yi).
122 - Le Livre du maître de Houai-nan (Lieou Ngan).

Période après Jésus-Christ

IIe s. - Les Dix-Neuf Poèmes antiques. Le poème : Vers le Sud-Est un paon s'envole.
330 - Le Pao-p'ou tseu : le Livre du maître Pao P'ou (Ko Hong). Biographies des immortels (Ko Hong).
427 - Retour à la vie champêtre (+ T'ao Yuang-Ming).
530 - Florilèges de la littérature (Siao T'ong).
762 - Recueil de poésies (Li T'ai-po).
770 - Œuvres (Tou-Fou).
824 - Œuvres (Han Yû).
846 - Recueil de poésies (Po Kiu-Yi).
XIe s. - Œuvres (Sou Che).
1077 - Livres des principes de divination appliqués à l'évolution historique (Chao Yong).
XIIe s. - Recueil complet du maître Tchou (Tchou-Hi).
XIIIe s. - Le Pavillon de l'Ouest (Wang Che-Fou). L'Orphelin de la Famille Tchao (Chi Chun-hsiang). Le Rivage (Che Nai-ngan).
1368 - La Guitare (Kao-Ming).
XIVe s. - Récits de l'histoire des trois royaumes (Lo Kouan-tchong).
1550 - Kin P'ing Mei (roman de mœurs, auteur inconnu). Mémoires d'un voyage en Occident (Wou Tch'eng-ên).
1617 - Le pavillon des pivoines (+ T'ang Hien-tsou).
1699 - L'Eventail aux fleurs de pêcher (K'ong Changjen).
1715 - Contes fantastiques du studio Leao (P'ou Song-ling).
1754 - Histoire privée des lettrés (Wou King-Tseu).
1764 - Le Songe du pavillon rouge (Ts'ao Siue-kin, jus. 1792).
1905 - Ce que l'on peut voir dans le monde des mandarins (Li Po-yuan).

[Epoque moderne]

1918 - Journal d'un fou (Lou Siun).
1919 - Histoire de la littérature en langue parlée. Histoire de la philosophie chinoise (Hou Che).
1921 - La Véritable Histoire de Ah Q (Lou Siun).
1924 - Che-mo Che-ki (Hiu-Che-mo).
1927 - L'Eclipse (Mao Touen). Nuit à Florence (Siu Tche-Mo).
1928 - Le Journal de Mlle Cha-fei (Ting-Ling). Feuilles tombées (Kouo Mo-jo).
1929 - Eau morte (Wen Yi-Touo).
1930 - Chat noir (Kouo Mo-jo).
1931 - La Famille (Pa Kin).
1936 - Le Lever du soleil (Ts'ao Yu).
1937 - Le Chameau (Lao Tche). La Terre sauvage (Ts'ao Yu). Le Pont de Mario Paulo (T'ien Han).
1942 - K'iu Yuan (Kouo Mo-jo).
1946 - Quatre Générations sous un même toit (Lao Che).
1947 - Voyage dans les nuages (Siu Tche-Mo, posth.).
1951 - La Nouvelle Démocratie (Mao Tsé-toung).
1958 - Dix-Huit Poèmes (Mao Tsé-toung).
N'hésitez pas à communiquer en commentaire vos réactions et à proposer les nombreuses corrections (transcriptions, titres originaux, datation, attribution) et ajouts qui s'imposent, voire à suggérer des éliminations.

Témoin d'une époque, donc, se livre peut-il encore rendre service ? Sans doute oui, en guise de mémo pour une expérience personnelle de la découverte des littératures étrangères. Acheté d'occasion, mon exemplaire porte en effet beaucoup d'annotations au crayon de papier : dates ajoutées, passages des micro-biographies et titres d'œuvres soulignés, pour certains gratifiés d'une ou deux, voire de trois croix dans la marge -- assurément une évaluation du plaisir procuré par la lecture : si son ancien propriétaire a effectivement lu tous ces ouvrages, c'était un lecteur athlétique et un fin connaisseur de la littérature mondiale sans grande prédilection pour la littérature asiatique, mis à part japonaise.

Une autre vertu de ce livre, qui malgré ses lacunes donne le vertige, est de faire des rapprochement inattendus, comme pour l'année 1931, avec le Jia 家 de Bajin 巴金(Famille de Pa Kin (1904-2005) et le Tropique of Cancer d'Henry Miller, lui aussi un athlétique lecteur ------ que ceux qui comme Pierre Assouline n'ont pas été séduit par Les livres de ma vie (1952) regarde son Bathroom monologue sur YouTube. Il y est question, entre autres, de Tanizaki Jun'ichirô 谷崎潤一郎 (1886-1965). Mais dépêchez-vous d'en profiter, la rentrée approche à grands pas. (P.K.)

P.S. : En fait, Jia date de 1933 et le Tropique of Cancer de 1934 !

jeudi 31 juillet 2008

Enfer chinois (03-b)

« A l'heure de la toilette... »
IX° des dix gravures de Wang Chao Ki 王紹吉,
pour La Folle d'amour (Editions du Siao, 1949 - You-Feng, 2005, p. 84).

On doit aux Editions You-Feng (Paris, 2005) d'avoir rendu largement accessible un livre que seuls quelques rares collectionneurs pouvaient encore consulter -- sachez qu'il vous en coûterait 350 euros pour vous rendre acquéreur de l'un des 204 exemplaires tirés sur « pages volantes sous couverture rempliée, chemise et étui cartonnés », dans un format 30 x 22 par les Editions du Siao en 1949. Pour beaucoup moins, soit 13,5 €, mais dans un format réduit (22,5 x 20 cm), l'éditeur-libraire du 45, rue Monsieur-le-Prince (Paris VI) a donc fait revivre dans ce qui semble être sa mise en page d'origine avec les dix illustrations de Wang Chao Ki [alias Ouang Shao Ki, soit Wang Shaoji 王紹吉, peintre originaire du Sichuan] l'ouvrage de 119 pages suivant :
Lo Mengli. La Folle d'amour.
Confession d'une chinoise du XVIIIe siècle.
Adapté et préfacé par Lucie Paul-Margueritte.

Ce qui m'invite à vous le signaler trois ans après sa parution, c'est qu'il n'est pas sans rapport avec deux des sujets de prédilection de ce blog, savoir la littérature chinoise des temps anciens et les traductions françaises de cette même littérature, mais aussi que c’est un avatar intéressant et surprenant du Chipozi zhuan 癡婆子傳, roman qui a fait l'objet d'un billet de la série « Enfer chinois » (n° 03-a).

Sans un examen plus approfondi, il est risqué de dire d'où proviennent les plus criantes distorsions avec l'œuvre originale :
  • d’une version différente du texte source ? Lucie Paul-Margueritte (née en 1886) explique à son lecteur que l'œuvre qu'elle lui propose est « interdite en Chine. Par un de nos représentants, nous avons pu nous procurer ce texte que les Chinois érudits font parfois imprimer clandestinement, et dans un très petit format, afin de pouvoir le dissimuler aisément. l'exemplaire qui me parvint n'était guère plus grand qu'un carnet de papier à cigarettes. Un agent des mœurs l'avait cueilli, me dit-on, dans le revers de manche d'un mandarin lettré. Cette œuvre était signée d'un pseudonyme [...], et le style, très classique, était d'un bon auteur. » (p. 5)
  • le mode opératoire utilisé ? Lucie Paul-Margueritte indique avoir réalisé la traduction de La Folle d'amour avec « un grand érudit », le même avec lequel elle avait déjà travaillé vingt ans plus tôt, et avoue que « l'entreprise était délicate : la narratrice, complaisement, s'attarde sur ses brûlants souvenirs, et elle ne nous épargne l'aveu d'aucune de ses faiblesses, mais ses confidences scabreuses sont émaillées de poèmes de la bonne époque, et leur citation opportune vient agréablement poétiser l'instant d'aberration minutieusement décrit. Et, pour que la morale soit honorée, malgré tout, l'immorale héroïne se repent finalement et se fait ermite, ainsi le diable, en vieillissant. Quoiqu'il en soit, cette œuvre est des moins édifiantes ; j'ai hésité à la publier, et j'estime que si elle mérite d'être imprimée pour quelques-uns, elle doit être gardée dans l'Enfer des Bibliothèques. » (p. 6)
Le résultat pourrait rebuter, sinon faire sourire, celui qui vient de lire Vie d'une amoureuse, mais il est, justement grâce à tous ses défauts et ses zones d'ombre, digne d'intérêt pour l'historien de la traduction. Ce livre constituera donc un objet d'étude de choix pour le petit groupe de travail sur les traductions françaises de littérature chinoise ancienne qui se mettra en place à la rentrée. Celui-ci s'attachera aussi aux autres titres signés par Lucie Paul-Marguerite. En effet, Lucie Paul-Marguerite ne s'est pas contentée de cette Folle d'amour ; elle a adapté plusieurs autres écrits chinois : en plus du Ji Yun, déjà signalé, on peut lire, toujours grâce aux Editions You-Feng (2005), Ts'ing Ngai ou les Plaisirs contrariés. Conte chinois ancien Adapté des Kin-kou-ki-kouan (1927) et une version assez personnelle du Ershisi xiao 二十四孝 avec Amour filial. Légendes chinoises. Les vingt-quatre exemples de Pitié filiale (Editions du Siao, 1929).

Le passage suivant tiré de La Folle d’amour fournit, me semble-t-il, une piste pour envisager la manière somme toute assez « confuse » dont usait Lucie Paul-Margueritte pour toucher son lecteur sans le choquer :
« Elle soupira et se lança, l'infortunée, dans des explications d'autant plus confuses qu'elle essayait de les rendre décentes sur un terrain qui l'est fort peu. Pour me faire, en quelque sorte, toucher du doigt le « t'ou », sexe de l'homme, et m'en suggérer l'aspect, elle évoqua tour à tour, un reptile, la queue d'un scorpion, le pilon qui sert à décortiquer le riz, le poinçon dont on perfore les feuillets d'un livre. Enfin elle dressa, devant mes yeux agrandis d'effroi, une lame de poignard et le sabre avec sa coquille. Elle évoqua aussi le « wo », sexe féminin, conque marine, rose coquillage, pastèque ouverte, fleur vivante, creux humide et tiède qui recèle, en ses profondeurs, un pistil que vient féconder la semence, par l'office du pilon, du poignard, du poinçon, et du sabre enfoncé jusqu'à la garde. » (p. 23-24)
Pour élucider le « t'ou » [tu 凸] et le « wo » [ao 凹], on se reportera au billet « Enfer chinois » (n° 03-a) et aux pages 25 et 26 de Vie d'une amoureuse ou, pourquoi pas, au texte original [ici]. (P.K.)

mercredi 30 juillet 2008

Ombres électriques chinoises sur Télé Campus

Le 12 juin dernier s'est tenue à l'Université de Provence (Aix-en-Provence, Centre des lettres et sciences humaines, salle des professeurs) une Journée doctorale en Langues, Lettres et Arts sur le thème : « Autour du cinéma, réflexions et études de cas ». (Voir le programme complet)

On peut désormais accéder aux vidéos qui ont été réalisées à cette occasion. Elles ont été mises en ligne sur Télé Campus Provence par Lignes de fuite qui est l’association organisatrice créée en juillet 2004 à l’initiative de doctorants et docteurs en études cinématographiques et audiovisuelles de l’Université de Provence.

Parmi les huit doctorants ayant répondu à l'appel, deux méritent particulièrement toute notre attention puisqu'ils participent aux travaux de notre équipe (voir notamment le compte-rendu de notre journée sur la traduction des langues et des littératures asiatiques qui s'est tenue le 26 octobre 2007) et ont consacré leur intervention au cinéma chinois :
  • Solange Cruveillé. Doctorante en sinologie et membre associé de l’équipe « Littérature d’Extrême-Orient : Textes et Traduction » de l’Université de Provence, Solange Cruveillé a récemment traduit les deux premiers tomes de l’épopée chevaleresque chinoise Tigre et Dragon de Wang Dulu 王度盧. (voir nos C.R. sur ce blog). Sa communication, intitulée « La traduction au cinéma : fidélité, libertés et transcription (Tigre et Dragon, Ang Lee, 2000) », propose « de réfléchir autour de l’adaptation cinématographique d’un roman de kungfu chinois (wuxia xiaoshuo 武俠言情小說) écrit dans les années 50 par Wang Dulu un auteur prolifique du genre : le film Tigre et Dragon de Ang Lee 李安 sorti en 2000. Il sera d’abord intéressant de situer ce roman dans la pentalogie littéraire à laquelle il est rattaché. Puis nous pourrons discuter de l’adaptation et de ce que cela implique quand il est question de respecter un genre littéraire, le style d’un auteur, l’intrigue et les différentes facettes des personnages. Enfin, nous nous intéresserons à une autre étape capitale dans le succès et l’accueil d’un film : sa traduction dans la langue maternelle des spectateurs visés, dans notre cas la traduction française. » Pour la voir sur Télé Campus Provence, cliquez ici.
  • Paolo Magagnin est doctorant en littérature chinoise moderne et traduction (Université Ca’ Foscari, Venise et Université de Provence, Aix-en-Provence). Sa communication avait pour titre « Lecture, relecture, réécriture : la littérarité des films de Wong Kar-wai » : « Le style du réalisateur chinois/hongkongais Wong Kar-wai 王家衛 se nourrit constamment de la lecture de modèles littéraires orientaux et occidentaux. Au-delà des thématiques reprises dans ses films, la littérarité du cinéma de Wong Kar-Wai émerge sur d’autres plans, ceux de la structure filmique et de la technique narrative. A travers l’analyse comparée des modèles et des techniques littéraires ainsi que de leurs réalisations cinématographiques, il sera mis en lumière la nature intermédiatique et puissamment créatrice de ses films ». Pour la voir sur Télé Campus Provence, cliquez ici.
Qui osera dire, maintenant, que je n'aime pas le cinéma ? (P.K.)

mardi 29 juillet 2008

Devinette estivale


La citation à identifier provient d'un des ouvrages signalés dans le billet « Lectures estivales (été 2008) » que Jacqueline Nivard a eu la gentillesse de signaler (ici) dans son indispensable Electrodoc.

La voici :
E[lle] chercha à oublier ses inquiétudes en se livrant aux scènes imaginaires que les poètes ont aimé à peindre. Elle put encore s'apercevoir de l'irrésistible empire du moment sur le goût et les facultés. Il faut que l'esprit soit libre, pour goûter même les plaisirs les plus abstraits. L'enthousiasme du génie, les peintures les plus vives, lui paraissaient froides et sombres. Pendant qu'elle tenait son livre, elle s'écria involontairement : « Sont-ce donc là ces passages que je lisais avec délices ! Où donc en existait le charme ? Etait-ce dans mon esprit, ou dans celui du poète ? C'était dans tous les deux, dit-elle, après un instant de silence. Mais le feu du poète est inutile, si l'esprit de son lecteur n'est pas monté au ton du sien, quelque inférieur que d'ailleurs il lui soit. »
La solution dans un mois. (P.K.)

lundi 30 juin 2008

Trêve estivale (été 2008)

En utilisant les mêmes outils qu'en 2007 à la même période, je suis en mesure de vous donner des informations chiffrées sur votre blog préféré : en 12 mois, savoir depuis le 30 juin 2007, celui-ci est passé du 1 221 083ème rang des blogs recensés par Technorati au 797,172ème rang (le 26/06/08), soit un bond de 423 911 places dans le palmarès mondial.

Un coup d'œil sur le nuage de mots ci-dessus (26/06/08) - les « Top Tags » pour parler la « blogolangue » - donnera une vague idée de ce dont il a traité récemment. Le même outil de surveillance a également repéré les blogs qui ont inscrit d'une manière plus ou moins visible notre adresse dans leurs colonnes : c'est le cas notamment du blog du Visage vert – dont l’excellent n° 15 vient de paraître - à qui, vous l’avez sans doute noté, j'ai rendu la politesse (voir notre colonne de gauche).

A la fin de ce mois, notre compteur Sitemeter a dépassé les 23600 visites, dont l'essentiel, soit quelque 20000, ont été réalisées pendant l'année écoulée, et ceci toujours en provenance essentiellement de France mais aussi de tous les continents avec des visites à nouveau possibles, depuis la Chine --- difficile à dire si c’est la proximité des J.O. de Pékin ou l'impact de la dramatique catastrophe du Sichuan qui ont émoussé le contrôle des autorités ou bien une nouvelle stratégie comme le suggère Danwei.org ? Le livre que Pierre Haski vient de publier sur le sujet (Internet et la Chine. Seuil) devrait donner des indications sur le pourquoi et le comment les autorités surveillent et contrôle la toile. Mais ceci est un autre sujet.

Relevé Sitemeter, du 29/07/08 à 22h00.

Revenons à nos moutons, et à notre rythme mensuel de croisière qui est de 2000 visites uniques et de quelque 3000 pages visionnées - nos pages portent chacune 10 billets ; en tout, j'en ai, sans compter celui-ci, posté 187 depuis l'ouverture du blog le 18/11/2006. Depuis juin 2007, ce sont 114 billets qui ont été ainsi publiés - soit en moyenne, dix par mois : il vous suffit pour savoir à qui vous les devez et à qui vous plaindre de leur contenu, de décoder les initiales figurant entre parenthèses à la fin du billet ; la liste des collaborateurs effectifs et potentiels se trouve en haut de la colonne de gauche. A l’avenir, certains billets pourraient, comme on nous la conseillé, porter un résumé en anglais afin d’en faciliter l’accès à nos amis anglophones, voire même migrer vers le site de notre équipe dont le grand toilettage interviendra en septembre 2008.

Pour ce qui est du nombre des commentaires, il est extraordinairement et dramatiquement faible !, et personnellement je ne sais quelle conclusion tirer de cette désaffection. Seuls les trois ou quatre fidèles des devinettes actionnent une procédure pourtant fort simple pour en délivrer un -- c'est, du reste, ce qui m'invite à poursuivre la rubrique « Devinette » dont l'intérêt est loin d'être avéré.

Sachez, tout de même, qu'à n'importe quel moment vous pouvez intervenir pour réagir à des présentations qui sont parfois volontairement provocatrices --- peut-être, pas suffisamment : je vais, sans doute être contraint de radicaliser mon discours et d'appliquer la « méthode Kubin » qui a montré son efficacité. Ne vous en étonnez pas et réagissez.

Avant de vous laisser briser le silence, je voulais vous avertir d'une décision qui conduira ma pratique personnelle de ce blog pour l'année universitaire prochaine : si je compte bien continuer d'assurer la publicité des activités de l'équipe, je m'en tiendrai dorénavant à mon domaine de prédilection - la littérature chinoise ancienne, mon projet d’inventaire des traductions françaises de littérature chinoise, l'actualité de la traduction en général, et qui sait, de temps en temps, une devinette - si vous en voulez encore - ; ceci implique que j'abandonne à plus motivé et surtout plus compétent le suivi de l'actualité éditoriale dans le domaine contemporain et naturellement tout ce qui ne touche pas directement à la Chine ; je fais le pari que le rythme de publication n'en sera pas sérieusement affecté ! Je ne prends pas trop de risque dans la mesure où notre équipe, qui ne va plus tarder à enfiler ses nouveaux atours, s'est agrandie et comptera bientôt pas moins d'une douzaine de membres désireux de vous tenir au courant de l'activité littéraire dans son domaine propre : vous avez de la chance !

Lire à l'ombre de la Cité Interdite, Pékin (14/09/06, P.K.)

Je voudrais conclure ce rapide bilan par un appel solennel en direction des éditeurs, des directeurs de collection, voire des fortunés mécènes qui nous lisent. Cet appel vise à obtenir un soutien logistique qui pourrait se concrétiser par l'envoi des livres qu’ils publient en service de presse ou, la cession gracieuse de leurs archives, lesquels nous rendraient, individuellement et collectivement, la vie plus douce.

En effet, malgré la grande diligence de notre avant poste à la Bibliothèque universitaire, Jean-Luc Bidaux, lequel ne manque aucunes des nombreuses nouveautés dont nous pourrions faire état dans nos modestes colonnes, nous souffrons d'un retard très conséquent dans l'accès direct aux livres récemment publiés. Il faut compter plusieurs longues semaines, voire plusieurs mois, pour en disposer ! Nos propres capacités financières - je ne parle pas de nos capacités individuelles lesquelles vont en s'amenuisant, mais de celles de l'équipe ! - ne suffisent pas pour nous procurer tous les nombreux livres qui paraissent et dont nous aimerions rendre compte dans de bonnes conditions et des délais acceptables.

Cette demande va dans le même sens que celle que j'ai formulée dans un précédent billet – celui qui présentait le projet de création d'un fonds bibliographique des traductions françaises de littérature asiatique - et renvoie à la question : comment parler d'un livre qu'on ne possède pas définitivement ou suffisamment longtemps ? Certes Pierre Bayard a bien décrit dans un plaisant ouvrage intitulé Comment parler des livres que l'on a pas lus ? (Paris : Les Editions de Minuit, 2007) la possibilité de s'exprimer sur un ouvrage dont on a une connaissance très imparfaite, voire nulle, mais il ne serait pas sérieux pour nous de nous livrer à cette gymnastique -- voilà ce qui explique pourquoi je dois souvent me contenter de signaler la sortie d'un livre sans dépasser de beaucoup son paratexte, limitant mes prétentions à une simple incitation à la lecture et à la sollicitation de commentaires, invitation rarement suivie d'effet.

Ceci dit, il me faut mettre en garde nos éventuels bienfaiteurs que l'envoi d’ouvrage en service de presse ne sera pas forcément suivi des éloges escomptés : nous tenons farouchement à notre impartialité collective et individuelle ; de plus, l'impact commercial d'une telle largesse est, il faut bien le reconnaître, plus qu'incertain, de toute façon modeste -- voire les données chiffrées rapportées ci-dessus. Il n'empêche que l'expertise que les membres de l'équipe sont en mesure de fournir pourrait, me semble-t-il, largement contribuer à affiner la perception de l'amateur de littérature asiatique en traduction ; elle peut combler son attente d'être guidé, d'être épaulé dans sa découverte -- la disparition de la Revue Bibliographique de Sinologie et la confidentialité du Bulletin critique du Livre Français, l’absence de revue grand public ou spécialisée dans ce secteur rendent indispensable l’émergence d’un lieu qui puisse assurer le suivi critique des traductions d’œuvres des littératures asiatiques.

Une lecture attentive des critiques sur les publications récentes qu’offre la presse en kiosque ou en ligne montre que mis à part quelques rares signatures parmi lesquelles il faut naturellement compter celle de Bertrand Mialaret (Rue89.com) et celles que je signale à l’occasion, les comptes-rendus que l'ont peu lire ici où là, sont souvent dénués d’intérêt et manquent dramatiquement de points de comparaison ; s’appuyant, parfois fort lourdement, sur les dossiers de presse et se satisfaisant presque toujours d’une lecture rapide, ils ne se départissent pas d'un enthousiasme béat rarement motivé ; du reste, ils sont toujours muets sur les qualités réelles de la traduction, se contentant, parfois mais sans insister, d’évaluer le rendu français, ce qui n'est pas la même chose. Même si on peut ne pas s’en contenter, l’avis du spécialiste n’est pas, dès lors que celui-ci est formuler sans jargon et avec la volonté d’être lu de tous, à négliger.

On ne peut du reste s’en passer sur des points importants comme la pertinence du choix des traductions, la qualité de la traduction évaluée par rapport au texte original, la valeur de l'œuvre au regard du contexte culturel qui l'a nourrie, etc., jugements et appréciations qui ne peuvent qu’enrichir la perception du lecteur.

Les éditeurs et ses intermédiaires ont, eux aussi, me semble-t-il, beaucoup à gagner à prendre connaissance de ce type d’expertise, qui, en plus, peut ouvrir des pistes de réflexion, déboucher sur des propositions de texte à traduire, tout en renvoyant un regard dégagé, impartial sur le travail éditorial. Il y là, sans doute, un échange fructueux à mettre en place.

De plus, nous savons, nous qui sommes au contact d'une part, certes économiquement mineure, mais en aucun cas négligeable du public, combien nos avis peuvent influencer ceux qui les reçoivent. Nous savons, ou alors devons en prendre rapidement conscience, combien nos prescriptions peuvent façonner les goûts, et les dégoûts, des étudiants qui suivent nos cours, lesquels seront de futurs professeurs/prescripteurs, voire de potentiels acteurs de la diffusion de la littérature asiatique dans notre pays, soit en tant que traducteur, attaché d'une maison d'édition, que sais-je encore ?, libraire, critique littéraire, attaché culturel...

Lire au Collège impérial, Pékin (17/09/06, P.K.)

Si, comme l’affirme le bon sens populaire chinois, « dérober un livre n'est pas voler » (Toushu buzei 偷書不賊), détrousser son libraire est rarement loué, dans tous les cas jamais par le libraire, même si c’est pour une cause juste. Toute contribution matérielle sera chaleureusement accueillie et dûment signalée. Merci d’avance et bonnes vacances à tous. (P.K)