Je ne sais pas si Mathieu aurait aussi facilement identifié Tcheng-Ki-Tong alias Chen Jitong 陳季同 (1851-1907) comme le rédacteur du texte présenté pour la devinette 14, si, au lieu de vous soumettre le début de la série d'articles publiés par le fameux général-ambassadeur en poste à Paris jusqu'en 1891 dans La revue des Deux Mondes sous le titre « La Chine et les Chinois » qui constituera le corps de l'ouvrage Les Chinois peints par eux-mêmes (Paris : Clamann-Lévy, 1884), je vous avais proposé ce bout de texte du même auteur :
« J'ai lu, je ne sais plus où, que le nommé On, - On est un être indéfini qui existe partout et dont il est permis de médire à volonté, - demanda à Victor Hugo, si « c'était bien difficile de faire des vers ». C'est une question si naturelle ! Le poète répondit avec sa bonhomie ordinaire, que « c'était très facile ou impossible ». Comme je ne suis pas poète, si ce n'est en chinois, je suis bien obligé d'admettre l'opinion de celui qui fût le plus grand des poètes modernes de l'Occident. J'avoue même modestement que je suis de son avis. Par une singulière coïncidence, on m'a demandé comment j'étais devenu parisien, et si « c'était bien difficile de le devenir ». Parisien ! Un titre qui n'a pas de rapport avec l'esprit, assurément ; car je ne suis pas « né natif » de Paris, étant de Foutcheou, ma patrie ! Cependant cette question fort imprévue m'a été adressée et m'a donné à réfléchir. J'ai médité le « to be or not to be »... Comme le titre de « parisien » est en somme une des rares faveurs qui ne s'achèvent pas, et que c'est un droit de noblesse ou de bourgeoisie de l'esprit, il peut appartenir à tout homme de la race, sans que cet homme ait à rougir de son clocher ou de sa pagode. Je veux bien être « parisien » et je le suis, puisque les journaux l'ont proclamé ; mais c'est à une condition ; c'est que le « être parisien » soit très facile ou impossible. »La suite de ce texte savoureux intitulé « Comment on devient parisien », illustré par Félix Régamey (1844-1907) et accompagné pour l’occasion de cinq magnifiques portraits de Chen par Nadar (1820-1910), est à lire dans le numéro 11 de la revue Monde chinois (Automne 2007) qui propose dans son volume inaugural de sa nouvelle maquette un dossier « Information & désinformation sur la Chine de François Guizot à François Jullien » (voir le sommaire sur le site de la Documentation française qui en assure la diffusion).
On avait, rappelez-vous, déjà évoqué dans un précédent billet où il était question de ses « traductions » de contes de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715) et un de ses lecteurs, Anatole France, celui qui passe pour être le premier Chinois à composer dans notre langue des ouvrages sur son pays et sa culture. On aura sans doute l'occasion de reparler de ses écrits (une dizaine de titres dont un roman - Le Roman de l'Homme Jaune, 1890) et de leur réception (chez nous et dans le monde anglo-saxon) -- l'un et l'autre de ces sujets méritent toute notre attention en ces temps de discorde. Mais, un peu de patience, et encore bravo et merci à tous ceux qui ont bien voulu consacrer un peu de leur temps à chercher des solutions aux devinettes proposées depuis plus d'un an sur ce blog. (P.K.)
Complément du 22/05/08 : Lire sur BibliObs, la présentation par Delfeil de Ton du n° 11 de Monde chinois : « Le nouveau Monde chinois » (Le Nouvel Observateur, 28/02/08)