mardi 30 juin 2009

Une rencontre avec Mo Yan

Notre équipe a eu le privilège de participer à une rencontre avec l’écrivain Mo Yan organisée par l’association Les Écritures Croisées à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence, le jeudi 25 juin 2009, à l’occasion de sa venue en France pour la sortie de son prochain livre La Dure Loi du karma (parution fin août, éditions du Seuil). J’avais le plaisir d’interroger Mo Yan tandis que Philippe Che assurait la traduction pour le public. L’assistance très fournie comptait bon nombre d’étudiants de chinois de l’université de Provence ainsi que des étudiants chinois.

Après avoir présenté brièvement Mo Yan, je lui ai demandé si les romanciers sont des menteurs puisque dans Quarante et un coups de canon, il écrit que le narrateur, l’« enfant-canon » 炮孩子, c’est à la fois lui-même et un enfant qui raconte des mensonges. Effectivement, a répondu Mo Yan, le romancier a besoin de raconter des « mensonges » pour mieux révéler la réalité. Pour exemple, l’intrigue de ce roman part d’une réalité très simple : le trafic de la viande dans laquelle on injecte de l’eau afin d’en accroître le poids et donc d’enrichir les paysans qui la vendent, mais on y trouve aussi bien d’autres choses qui sont très éloignées de la réalité : l’existence d’un dieu de la viande, complètement inventé, qui vient s’ajouter à un panthéon chinois déjà foisonnant, ou encore des histoires de viandes qui parlent et s’adressent directement à l’enfant.

Mo Yan a précisé que ce terme d’« enfant-canon » n’est pas forcément péjoratif. Dans son village, on avait beaucoup d’admiration pour ce genre d’enfants. Et de rappeler que sa grand-mère s’inquiétait de le voir incapable de tenir sa langue et lui conseillait sans cesse de « ne pas parler » (en chinois : mo yan 莫言), une expression qu’il prendrait comme nom de plume, sans toutefois qu’il arrête de parler, et même au contraire en parlant sans cesse à travers ses romans et ses entretiens aux quatre coins de la planète.

À la question de savoir comment il écrit, Mo Yan a expliqué que pendant une période il avait utilisé l’ordinateur, mais qu’à présent, il était revenu à l’écriture à la main parce qu’il était perturbé par le recours à la transcription pinyin des caractères chinois pour la saisie… et aussi par l’envie constante d’aller faire un tour sur la toile. De la sorte, il peut se concentrer au maximum, travaillant jour et nuit en oubliant presque de boire et manger, pour écrire, un acte très physique puisque, lorsqu’il écrit, sa femme lui rapporte entendre ses soufflements et ses tremblements depuis la pièce voisine. Il a cependant reconnu que le même genre de concentration pouvait être atteint par de jeunes écrivains plus rodés que lui à l’utilisation du traitement de texte.

Je lui ai ensuite demandé s’il pensait que l’écrivain devait se concentrer sur sa création littéraire ou s’engager dans la société. Selon lui, les deux situations peuvent exister. Lui-même se sent entre les deux puisqu’il s’engage dans la société dont il dénonce souvent les aspects négatifs dans ses romans, mais il reste solitaire dans cette action. Et un écrivain n’est pas un journaliste, c’est le travail littéraire de création qui prime.

Dans un entretien réalisé par Aurélie Le Caignec dans La Provence, il explique : « En Chine on ne manque pas d’écrivains qui font la gloire du Parti, mais il en faut aussi d’autres qui révèlent les aspects moins brillants de la société. » Il y rappelle aussi comment le réalisme magique découvert à la lecture de Garcia Marquez dans les années 1980 lui a permis d’aborder des sujets sensibles de manière détournée. Par exemple, la corruption des hauts cadres dans Le Pays de l’alcool ou le trafic de la viande dans Quarante et un coups de canon. Pour son prochain roman qu’il est en train d’achever, Mo Yan va aussi aborder des problèmes sociaux brûlants (la planification des naissances notamment) et affirme écrire dans un style très différent… comme il le fait pour chaque nouveau roman.

Grâce au talent d’Alain Simon, du Théâtre des Ateliers, le public ravi a pu apprécier le style incomparable de Mo Yan, qui se prête si bien à la lecture à haute voix, dans des extraits de Quarante et un coups de canon et La Dure Loi du karma.

Cette soirée avec Mo Yan constituait une sorte d’avant-première à la Fête du Livre consacrée aux écrivains asiatiques que l’association Les Écritures Croisées organisera du 15 au 18 octobre prochain à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence, en collaboration avec notre équipe, en parallèle au colloque « Le roman asiatique et ses traductions ». (Noël Dutrait)

En guise de séance de rattrapage pour ceux qui, comme moi, n'ont pu profiter de cette rencontre, voici une vidéo (en chinois sous-titrée en chinois et en japonais) de 4mn53s. réalisée récemment au Japon et dans laquelle Mo Yan parle justement de Shēngsǐ píláo 生死疲劳 bientôt accessible en traduction française grâce à Chantal Chen-Andro (La Dure Loi du Karma, Le Seuil), et en lit des extraits. (P.K.)

lundi 29 juin 2009

50 000 visites, et moi, et moi

Au cours d'une année universitaire dont le second semestre fut, pour le moins, aussi éprouvant que perturbé, notre blog a tenté de vous faire partager les moments forts de la vie de notre équipe et, chemin faisant, s'est penché sur la riche actualité qui entoure les sujets qui nous passionnent.

Mais malgré la volonté qui m'a animé pendant ces douze derniers mois
, c'est une centaine de billets à peine qui a été mise en ligne ---- alors qu'il en aurait fallu le double ou le triple pour rendre compte de la vitalité des littératures d'Extrême-Orient sur leur terre d'origine et dans l'espace francophone ! Quoi qu'il en soit, cette piètre performance reste, vues les circonstances, assez honorable et je suis heureux de vous signaler qu'un moment symbolique dans la vie de ce blog vient, tout juste, d'être franchi. Cela s'est passé le dimanche 28 juin, vers 17 h. : le compteur de visites qui l'accompagne depuis presque sa naissance vient de dépasser le chiffre des 50 000 visites !

Je tiens donc à remercier tous ceux qui sont venus à un moment ou un autre, ou plus régulièrement, flâner sur ce blog pour y lire, ou simplement parcourir, les quelque 300 billets publiés depuis son ouverture le 18 novembre 2006. Un grand merci aussi à tous ceux, encore trop peu nombreux, qui ont laissé une trace de leur passage en composant un commentaire ; merci, enfin, à ceux qui, membres de l'équipe ou collaborateurs occasionnels, ont apporté leur contribution à l'enrichissement de cette tribune sur les littératures d'Extrême-Orient.

Ce présent billet ne sera pas le dernier de l'été, mais, le rythme de publication sera, cette année comme la précédente, inversement proportionnel à l'augmentation des températures. Mais, rassurez-vous, s'il montre des signes d'assoupissement, ce n'est que pour mieux repartir en septembre avec une nouvelle année studieuse qui débutera par un colloque international (« Le roman en Asie et ses traductions », 15 et 16 octobre) organisé par notre équipe pendant la Fête du Livre d'Aix-en-Provence (15-18 octobre).


Mais, en attendant ce grand rendez-vous, les prescriptions de lectures estivales traditionnelles, et, qui sait, quelques critiques de livres promises de longue date, voici un texte que signa en 1880, Camille Imbault-Huart (1857-1897), pionnier de la traduction de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715) en français et découvreur, entre autres, de l'œuvre de Yuan Mei 袁枚 (1716-1798), pour introduire une série baptisées « Miscellanées chinois » :

Nous avons le dessein de publier, sous le titre de Miscellanées chinois, toute une série de morceaux variés, extraits des auteurs chinois et traduits pour la première fois en français, ou, disons mieux, en une langue européenne. Nous puiserons tour à tour dans la haute littérature comme dans la littérature populaire, dans l'histoire, la morale, la philosophie, la biographie, la bibliographie, les contes, les nouvelles, les pièces de théâtre, la poésie, les journaux : bref, nous passerons à chaque instant du grave au plaisant, de l'utile à l'agréable. Ce sera, pour ainsi dire, que l'on nous pardonne l'expression, la littérature chinois débitée en détail. Mais nous ne nous arrêterons pas là : notre hôtellerie étant ouverte à tous les voyageurs, quels qu'ils soient, y trouveront bon accueil et bon gîte. A ces traductions, nous joindrons des articles sur toutes sortes de sujets, variés au possible, sur les mœurs et les usages, sur l'histoire contemporaine ou ancienne, sur le gouvernement, sur l'état actuel ou passé de l'empire chinois ; en un mot, des articles écrits en Chine mêle currente calamo, sans prétention littéraire aucune ni partialité, uniquement pour faire connaître mieux, et sous des aspects nouveaux, cet immense colosse asiatique et la population étrange qui l'habite. Heureux si, au moins en partie, nous pouvons y réussir. [Journal Asiatique. Août-septembre 1880, p. 270]

Voilà qui s'apparente par bien des aspects à ce que nous tentons de faire ici et dans les publications que nous mettrons finalement en ligne à la rentrée. Bonnes vacances à toutes et tous. (P.K.)

vendredi 19 juin 2009

Le roman en Asie et ses traductions

⦓ ATTENTION CHANGEMENT DE DATES ⦔

Le colloque international

« Le roman en Asie et ses traductions »

prévu les 11 et 12 décembre 2009 est avancé au mois d’octobre. Il se tiendra les 15 et 16 octobre en salle des professeurs à l’université de Provence, 29 avenue Robert-Schuman, 13621 Aix-en-Provence, Cedex 01.

Ce changement de date a été décidé pour donner une dimension encore plus grande à cette manifestation grâce à une collaboration avec l’association Les Ecritures Croisées qui organise chaque année à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence une Fête du Livre renommée au cours de laquelle le public a pu rencontrer depuis de nombreuses années de très grands écrivains dont, pour la partie du monde qui nous concerne, Oé Kenzaburo, Gao Xingjian, Mo Yan, V. S. Naipaul, Shashi Taroor, Amitav Gosh

Notre colloque s’insérera donc dans un ensemble d’activités (expositions, rencontres, cinéma) qui dureront du 15 au 18 octobre et qui constitueront la Fête du Livre 2009 consacrée aux écritures d’Asie. De nombreux écrivains sont pressentis, la liste définitive sera prochainement dévoilée.

Merci à tous ceux d’entre vous qui veulent intervenir au colloque de nous envoyer au plus tard le 1er septembre 2009 un résumé de communication. Dès acceptation de la communication, un formulaire d’inscription leur sera envoyé. (Noël Dutrait)

Au Phénix aussi

Après sa soirée aixoise qui, je vous le rappelle, vous permettra d'assister à une rencontre entre l'écrivain et son traducteur Noël Dutrait à la Cité du Livre (Aix-en-Provence), ce jeudi 25 juin à partir de 18h30, Mo Yan 莫言 se rendra à Paris où une seconde rencontre avec ses lecteurs est programmée, le 26 juin à 18 h, à la Librairie le Phénix. L'événement parisien se tiendra dans les murs de la célèbre librairie (72, boulevard de Sébastopol, 3e). L'annonce qu'elle a diffusée et qui figure sur son site internet fournit en avant-première la jaquette de la prochaine traduction française de Shēngsǐ píláo 生死疲劳 la dernière une œuvre de Mo Yan à paraître (le 20/08/09) au Seuil (collection « Cadre vert ») grâce à Chantal Chen-Andro sous le titre La Dure Loi du Karma. (P.K.)

mercredi 17 juin 2009

La Birmanie à l'honneur à Marseille

Les 18-19-20 Juin 2009 se tiendra au centre Saint-Charles de l'Université de Provence un colloque entièrement consacré à la Birmanie organisé par l'Institut de recherche sur le sud-est asiatique (IRSEA).

Cet « Atelier interdisciplinaire » qui reçoit le soutien de l'Université de Provence et de la Ville de Marseille va réunir deux douzaines d'intervenants pour un programme en cinq temps forts, dont le détail est consultable ici. Le voici dans sa formulation la plus simple afin de vous donner la mesure de sa richesse :
  • Thématique 1, « Disparités et convergences : les sources » : Louise Pichard & Cristina Cramerotti, Le(s) fond(s) birman(s) dans les différentes bibliothèques de France ; Sylvie Pasquet, Quelques réflexions sur l’utilisation des sources chinoises pour l’Histoire de la Birmanie ; Christine Hemmet, Aperçu du fonds d’objets et photos d’archives du musée du Quai Branly.
  • Thématique 2, « Disparités et convergences : autour des langues » : Mathias Jenny, Birman et Môn : mille ans de contact ; Alice Vittrant, Le birman, une langue tibéto-birmane caractéristique de l'Asie du Sud-Est.
  • Thématique 3, « Disparités et convergences : art et architecture » : Catherine Raymond, Réflexion sur l'art birman en lien avec celui des états voisins : de l'Arakan aux pays shan et mon ; Claudine Bautze-Picron, Pagan – entre l’Inde, la Chine et la Péninsule sud-est asiatique : source d’inspiration, lieu de passage ou de confluence ; Christophe Munier, Pour une approche régionale des peintures murales birmanes de styles Nyaungyan ; Anne Chew, Les grottes d'Ingyin Taung en Birmanie Centrale ; Pierre Pichard, Today's Burma - New Pagan ; François Tainturier, Fonder une ville royale dans la Birmanie moderne: nouvelles perspectives ; Guy Lubeigt, Naypyidaw. La nouvelle capitale de l'Union de Birmanie : localisation, construction et perspectives ; Jean-Pierre Pautreau, Anne-Sophie Coupey, Emma Rambault, Sépultures des Ages du Bronze et du Fer dans la vallée de la Samon (sud de Mandalay); Ernelle Berliet, Recherches archéologiques à Thagara, un poste militaire du royaume de Pagan (Birmanie centrale).

  • Thématique 4, « Disparités et convergences : métamorphoses » : Bénédicte Brac de la Perrière, Métamorphoses dans le domaine du religieux ; Gustaf Houtman, Spiritual and familial continuities in Burma's 'secular' politics ; Aurore Candier, Convergences conceptuelles en Birmanie: la transition du 19e siècle ; Alexandra de Mersan, Disparités dans les appellations des Arakanais ; François Robinne, Identités hétérogènes: une perspective birmane.

  • Thématique 5, « Disparités et convergences : autour du corps » : Céline Coderey, Les conceptions de la maladie et les pratiques thérapeutiques en Arakan ; Justin Watkins, Enquête sur la communauté sourde en Birmanie ; Denise Bernot, Corps humain, outil multifonctionnel : l'exemple du birman ; Catherine Raymond & François Robinne, Perspectives : le point sur les prochaines Burma Studies 2010 en France et à Marseille.

Attention : les ateliers se dérouleront dans deux lieux différents du campus St Charles. Le jeudi et le vendredi, salle LSH202, Espace Yves Mathieu et le samedi à l'Amphi de Chimie. Je vous rappelle aussi que le 18 juin, c'est … demain ! (P.K.)

lundi 8 juin 2009

Mo Yan, l'Aixois

Dans un billet de ce blog du 25 mars 2009, Noël Dutrait se demandait quel titre français serait donné à Shēngsǐ píláo 生死疲劳, le quinzième roman de Mo Yan 莫言 bientôt disponible dans notre langue. La solution est maintenant connue. Sa traduction par Chantal Chen-Andro, annoncée au Seuil (collection « Cadre vert ») pour le 20 août 2009, devrait paraître sous le titre de La Dure Loi du Karma.

Gageons qu'il fera sensation à la rentrée. Certains comme, Enrica Sartorit (Le Magazine Littéraire.com), sont déjà très impatients de lire cette fresque romanesque qui jongle avec les réincarnations : « Un jeune propriétaire, dynamique et bon, est fusillé peu après le triomphe de Mao Zedong. Selon la loi du karma, il est condamné, pour ses fautes, à être réincarné en animal. Il sera âne, boeuf, cochon, chien, enfin singe, revenant sans cesse sur ses propres traces et auprès de ses descendants. L’auteur célèbre de Beaux seins, belles fesses, né en 1955, se met lui-même en scène dans ce récit qui traverse la « libération » maoïste à la Chine convertie à la société de marché. »

Il sera sans aucun doute question de cet ouvrage récemment primé comme des précédents lors de la rencontre qui se déroulera le jeudi 25 juin 2009 à 18h30 à l'amphithéâtre de la Verrière, Cité du Livre (Aix-en-Provence). En effet, Mo Yan sera une nouvelle fois Aixois et il dialoguera avec un de ses plus fidèles traducteurs, Noël Dutrait, qui, avec l'assistance de son épouse Liliane, a gagné à l'écrivain du Shandong un public fidèle et attentif. (P.K.)

dimanche 7 juin 2009

Gao video

L'ERD Gao Xingjian a, vous le savez, pour vocation de collecter tous les documents qui touchent à la personne et à l'œuvre du Prix Nobel de Littérature 2000, Gao Xingjian 高行健. Son fonds de ressources sonores et audiovisuelles ne cesse de s'enrichir grâce à une équipe dynamique et motivée. Ceux qui ont la possibilité de venir sur place peuvent les visionner dans les meilleures conditions techniques. Il se trouve qu'un certain nombre de matériaux est accessible plus directement sur internet et émane de sources diverses -- il en a été question plusieurs fois sur ce blog. Je voudrais ajouter à ce palmarès non exhaustif deux documents dont je viens de découvrir l'existence :
  • un extrait d'une conférence de presse donnée en octobre 2008 dans le cadre de la fête internationale du livre de Barcelone Kosmopolis (en français et en espagnol, 7:23) et disponible sur Blip.tv
  • La Nuit après la pluie qui est un court-métrage (19:46) de Julien de Casabianca, écrit par Gao Xingjian, avec Marion Amiaud et Vania Vaneau, mis en ligne par le Laboratoire de la création dont Gao Xingjian est le parrain. Ce film a été déposé sur Dailymotion par ce laboratoire qui se présente comme « une structure d'accompagnement et de professionnalisation de projets artistiques en développement » et qui va co-produire la prochaine mise en scène de Gao Xingjian, Ballade nocturne, qui sera montée à Paris en 2009.
En prime, une courte séquence d'Après le déluge montrant le travail d'étalonnage réalisé par Didier Feldmann. Voir ici. (P.K.)

Bahu gratuit

La volonté de représentants du peuple français de déposer un « amendement à la loi de modernisation économique visant à réduire à six mois - au lieu de deux ans - le délai à partir duquel peuvent être réalisés les soldes de livres » (LivresHebdo), nous vaut de voir circuler dans le réseau de l'association de libraires Initiales la traduction d'une nouvelle d'Anjana Appachana.

Celle-ci, proposée sous une belle couverture créée par David Pearson, le talentueux graphiste qui habille les publications des Editions Zulma, est gracieusement offerte par la maison Zulma et une bonne trentaine de libraires français.

La nouvelle dûment « traduite de l'anglais (Inde) » par Alain Porte occupe les pages 5 à 44 de ce petit volume qui deviendra sans doute une pièce de collection. Bahu signifie « belle-fille » mais sonne mieux que le mot français pour diffuser cette progressive prise de conscience de l'implacabilité des contraintes familiales indiennes qui s'imposent une fois mariée à une jeune femme émancipée et musicienne, et surtout à sa conclusion logique, attendue, et à la portée universelle. Elle est tirée d'un recueil paru sous le titre Incantations and Other Stories (1991) dont Zulma livrera bientôt une traduction intégrale.

Selon Meenakshi Mukherjee, le recueil « was marked by understatement and a laconic humour » alors que Listening Now (1998) également programmé chez le même éditeur serait le fruit d'une qualité diamétralement opposée : « excess ». Voici ce qu'Anjana Appachana qui s'est installée aux Etats-Unis disait à propos de cette œuvre : « However, in my novel, Listening Now, the political landscape lies in the fabric of daily life, which is as valid and vibrant as the other political landscape, and my story is determined largely by internal factors. Thus my novel gives voice to the ordinary by showing in the ordinary all the turbulence of passion and pain, happiness and sorry, guilt and anger, which is normally assumed to belong only to the extraordinary. The suffering and silence so implicit in gender politics, is often intimated and emphasized in the novel by comedy and humour. Themes of female bonding, female sexuality and mother-child relationships span three generations in a narrative that is not chronological, but elliptical. The novel is written in English, but the rhythms of the language and the metaphors, throughout, are wholly Indian. » [Lire le texte entier, ici : cette citation est l'occasion de vous recommander le site « Sawnet - The South Asian Women's NETwork » qui nous la fournit ; voir notamment sa très riche rubrique « South Asian Women Writers »]


Mais ne nous égarons pas et revenons à ce Bahu qui vous transportera dans le Delhi des années 1980. La vingtaine de pages qui l'accompagnent constituent un dossier militant présentant un « Appel du syndicat de la librairie française pour le maintien de la loi sur le prix unique du livre », ainsi que la présentation de cette loi et celle de l'association qu'on peut aussi découvrir grâce à un site. Y figure également la liste des librairies dans lesquelles vous pourrez trouver l'ouvrage [voir aussi ici], et je n'en doute pas bien d'autres raisons de vous réjouir de l'existence de ces bastions de résistance à la standardisation galopante. (P.K.)

samedi 6 juin 2009

Réponse à la devinette (021)

Alain Rousseau, fidèle parmi les fidèles de cette chronique et des autres, s'est encore brillamment illustré et a fait une nouvelle fois preuve d'une remarquable perspicacité. Si vous n'avez pas encore lu ses déductions dans le seul commentaire reçu depuis la mise en ligne de cette 21ème devinette, les voici – elles sont d'une précision qui fait plaisir à lire et je n'ai pas grand chose à ajouter entre crochets :
L'indice visuel nous emmène cette fois-ci sous la dynastie des Song [宋 (960-1279)], et plus précisément au 12ème siècle, sous le règne de l'empereur Xiaozong [ 孝宗 (r. 1163-1189)]. L'auteur à identifier est donc soit l'empereur lui-même, soit, plus probablement, un de ses éminents contemporains. Je propose donc le nom du philosophe Zhu Xi [朱熹 (1130-1200)], et quant à l'extrait cité, je le vois assez bien provenir d'un certain « Mémoire sur la situation de l'empire » (Wushen fengshi 戊申封事 ), rédigé en l'an 1188 à l'attention de l'empereur, mais n'ayant pas sous la main la traduction qu'en a donnée récemment Roger Darrobers, je n'ai pas pu vérifier.
Bravo ! Alain avait « tout juste ». Ce qu'il ne savait pas c'est que le passage dont le texte chinois occupe les lignes 11 et 12 de la page 171 [ 誠能先其所難。則其易者將不言而自辦。不先其難而徒欲僥倖於其易。則雖朝夕談之不絕於口。是亦徒為虛言。以快一時之意而已。] se trouve à cheval sur les pages 143 et 144 de l'ouvrage dont les références compètes sont : Zhu Xi, Mémoire sur la situation de l'empire (Wu-shen fengshi) 1188. Traduit du chinois, présenté et annoté par Roger Darrobers. Paris : Editions You Feng, 2008, 192 p. et dont il sera plus amplement question dans un billet de ce blog qui devrait s'intituler « Zhu Xi réactivé ». Mais rien ne vous empêche de le dévorer d'ici-là. (P.K.)

jeudi 4 juin 2009

Imprimer sans profit ?

L'intitulé du colloque qui va se tenir à l'Institut national d’histoire de l’art (Paris, Galerie Colbert, Salle Vasari) du 11 au 13 juin 2009 porte un titre qui devrait retenir l'attention de tous ceux qui s'intéressent au livre, à l'édition et à la Chine ancienne :

« Imprimer sans profit ?
Le livre non commercial dans la Chine impériale »

Voici de quoi il sera question :

« Les recherches sur l'histoire du livre en Chine ont connu, au cours de ces dernières années, un remarquable essor, marqué par la publication de plusieurs études faisant d'ores et déjà autorité. Mettant le plus souvent l'accent sur les éditions à caractère commercial et s'inspirant des sciences sociales et des travaux sur la bibliographie matérielle qui transformèrent, en leur temps, le regard des spécialistes du livre occidental (les amenant à considérer l'imprimé comme un objet indissociable des conditions sociales, culturelles et matérielles de sa production et de sa réception), elles ont permis de dépasser une approche purement érudite du livre chinois. L'irruption des sciences sociales dans le domaine historique a eu pour conséquence plus générale d'attirer l’attention sur des sujets tenus jusque-là pour mineurs. Elle a conduit les historiens de la Chine à reconsidérer le rôle des marchands et les problèmes de marché et de consommation, amenant un certain nombre d'entre eux à s'intéresser aux éditeurs-entrepreneurs et à leurs productions.

Tous les ouvrages jadis imprimés dans l'Empire n'obéissaient par pour autant à une logique marchande. On sait que les textes et les images imprimés dans les commencements n’étaient pas toujours destinés à être vendus ni même diffusés. En Chine comme ailleurs, l’impression d’une brochure ou d'un livre religieux ne relevait pas de simples considérations d'ordre économique. Elle était souvent mue par la recherche de profits spirituels. Le culte du livre et les exhortations de nombreux ouvrages bouddhiques à reproduire les textes canoniques pour s'acquérir des mérites jouèrent, assurément, un rôle considérable dans le développement de l'imprimerie.

Les éditions sous la houlette impériale de classiques confucéens, d'ouvrages religieux (certains en plusieurs langues), d'histoires dynastiques ou de monographies locales étaient, quant à elles, des opérations de prestige dont le but était politique autant que culturel. Les unes étaient faites pour toucher l’empire tout entier, les autres intéressaient des régions plus ou moins étendues, une province, une préfecture, un district. D'autres publications, ne relevant pas de l'Etat, opéraient elles aussi à une échelle réduite, telles les monographies d'académies ou les généalogies familiales : généralement centrées autour d'un lieu déterminé, elles pouvaient prendre la forme d'imposants ouvrages embrassant les diverses branches et ramifications issues d'une même souche.

Les auteurs de la plupart de ces compilations étaient des lettrés qui avaient à cœur, quand ils le pouvaient, de publier leurs propres œuvres afin qu'elles assurent la survie de leur nom à travers les siècles. Les ouvrages ainsi produits étaient généralement de bonne facture, à la différence de bien des publications commerciales. Qu'ils fussent offerts à titre gracieux ou mis à la vente, ils relevaient du grand idéal des lettres qui méprisait la quête du gain matériel. Comme le proclamait un célèbre lettré éditeur du XVIIe siècle, saunier de son état, sa vocation était de « transmettre le parfum » des belles lettres, non pas de « courir après le profit ». Sans doute aurait-il pu dire la même chose des catalogues de collections ou de divers ouvrages illustrés témoignant de l'intérêt des milieux lettrés pour les choses de l'art.

Certes nul n'ignore que toute impression a un coût, et chaque ouvrage, un prix de revient. Voilà plus d'un demi-siècle que Paul Demiéville a attiré l'attention sur le prix de l'impression, au XIe siècle, de textes bouddhiques destinés au Japon. Quelle qu'ait été la part de calculs financiers dans les activités d'édition en Chine, reste que le profit économique ne fut pas le moteur principal de nombre d'entre elles et que l'offre ne cherchait pas nécessairement à susciter une nouvelle demande. Un très grand nombre d'imprimés s'inscrivaient dans une tradition et une culture profondément marquées par la valeur confucéenne du désintéressement.

Le Centre de recherche sur les civilisations chinoise, japonaise et tibétaine et ses associés organisent à Paris, au mois de juin 2009, un colloque sur les livres édités à des fins non commerciales — ou réputées telles —, qu'il s'agisse d'ouvrages servant la seule gloire de leur auteur ou de publications mises au service d'une communauté (État, région, clan, religion, etc.). Les communications porteront sur les publications religieuses ou impériales, sur les ouvrages patronnés par l’administration centrale ou provinciale, sur les généalogies de clans et autres compilations, ou encore, plus généralement, sur le large éventail des livres de lettrés. Elles auront en commun de s'interroger sur l'existence en Chine d'un système capable de rester indifférent aux considérations de marché, en montrant la diversité et l’importance de ses pratiques d’édition, d'impression et de diffusion. Elles s'intéresseront au discours du désintéressement et à la dialectique mettant aux prises deux ordres en apparence peu conciliables, le symbolique et l'économique. Des orientalistes étrangers au monde chinois et des spécialistes du livre occidental animeront les débats et aideront à mieux reconnaître les singularités du cas chinois. »

... et le détail des communications qui seront données pendant ce colloque international organisé par le Centre de recherche sur les civilisations chinoise, japonaise et tibétaine (UMR 8155) et l'École française d’Extrême-Orient (EFEO) avec le pilotage d'un comité d'organisation composé de Michela Bussotti (EFEO), Jean-Pierre Drège (EPHE), Pierre-Henri Durand (CNRS), Françoise Wang-Toutain (CNRS). :

Impressions du Palais et de la famille impériale

  • Timothy Brook, Institute for Chinese Studies Oxford, The Ming Court as Publisher in an Age of Publishing
  • Jérôme Kerlouégan, EHESS, Les éditions princières des Ming
  • Nathalie Monnet, Bibliothèque nationale de France, Les ouvrages impériaux à la Bibliothèque nationale de France
  • Han Qi, Institut d’Histoire des sciences de la nature, Académie des sciences de Chine, Working for the Emperor, Books and Compilations during the Kangxi Reign (1662-1722)

Canons religieux et laïcs : internationalité et plurilinguisme
  • Jean-Pierre Drège, EPHE, Des charmes aux canons
  • Peter Kornicki, Cambridge University, La diffusion des textes canoniques chinois dans le monde sinisé
  • Vladimir Uspensky, Université de Saint-Pétersbourg, Tibetan-Mongolian bilingual books printed in Beijing under the auspices of Prince Yunli (1697-1738)
  • Xiong Wenbin, Centre de recherche tibétologique, Pékin, Impressions de textes bouddhiques en tibétain sous le patronage de la famille impériale pendant la dynastie des Yuan
  • Françoise Wang-Toutain, CNRS, L’édition impériale en quatre langues de « Toutes les dharanis du Canon bouddhique »

Imprimé et religion

  • Chen Jie, Institut national de Littérature japonaise, Tokyo, L’impression et l’édition des monastères chan sous les Song
  • Lucille Chia, University of California, Riverside, Privately published Buddhist works of Ming-period China
  • Vincent Durand-Dastès, INALCO, Préfaciers divins et canonisation des hagiographies vernaculaires à la fin de l’époque impériale
  • Joachim Kurtz, Emory University, Opening Up the Well of Reason: Li Wenyu (1840–1911) and his Religious Writings for the Jesuit “Imprimerie de T’ou-sè-wè”

Éclairages locaux : administration, académies et familles

  • Cynthia Brokaw, The Ohio State University, Regional Publishing and Late Imperial Scholarship: The Zunjing shuyuan of Sichuan and Scholarly Publication in the Late Qing
  • Joseph Dennis, Davidson College, The Printing, Distribution, and Circulation of Local Gazetteers in the Song, Yuan, and Ming Dynasties
  • Zhai Tunjian, Bureau des monographies locales de Huangshan, Histoires locales de Huizhou et Shexian sous les Ming et les Qing
  • Michela Bussotti, EFEO, Quelques généalogies de Huizhou
  • Joseph McDermott, Cambridge University, From Collection to Archives: the Life of Family Imprints in Huizhou, 1500-1700
  • Dai Lianbin, University College, Oxford, Household publication in the Ming Society (Zhejiang)

Les lettrés et leurs livres : circuits et cas particuliers

  • Ankeney Weitz, Colby College, The Private World of Illustrated Art Catalogues of the Song and Yuan Dynasties
  • Hilde De Weerdt, Oxford University, The Production and Circulation of ‘Written Notes’ (biji)
  • Pierre-Henri Durand, CNRS, Pour l'amour bien compris des belles-lettres. Un lettré éditeur de la fin du XVIIe siècle : Zhang Chao à Yangzhou
  • Rui Magone, Max-Planck-Institut für Wissenschaftsgeschichte, Berlin, Eight-Legged Universes: Liang Zhangju's (1775-1849) Zhiyi conghua (Collected words on examination genres) and Its Functions in Qing Publishing Culture.

Gageons que l'on pourra lire un jour prochain l'ensemble de ces savants exposés ; souhaitons que le gros livre qui en découlera ne sera pas trop onéreux, ou même - rêvons un peu - qu'il sera offert en accès libre et gratuit sur internet, vecteur idéal de la diffusion « sans profit » et presque « sans coût ». (P.K.)

dimanche 31 mai 2009

Devinette (021)

Voici pour finir un mois de mai épuisant, et avant de commencer un mois de juin qui ne devrait pas l'être moins, une petite devinette - la 21ème - dont la teneur soutiendra, je le souhaite, les efforts de ceux qui comme l'auteur de ces lignes et son talentueux interprète - qu'il faut identifier -, ne se satisfont pas de palabrer à longueur de journée :

« C'est lorsqu'on est authentiquement capable de commencer par le plus difficile, que le plus facile se réalise spontanément, sans qu'il soit nécessaire d'en parler. Refuser de commencer par le plus difficile, en souhaitant inopinément gagner le plus facile, fût-ce en en parlant sans cesse du matin au soir, se ramène à de vaines palabres, justes bonnes à satisfaire les idées du moment. »

La réponse, qui tombera aussi vite que possible, me permettra de rattraper un retard coupable dans le suivi des publications récentes sur la Chine ancienne. (P.K.)

jeudi 28 mai 2009

La XXe bordée des Etonnants voyageurs


Duong Thu Huong
est née en 1947 au Vietnam, Anna Moï, à Saïgon en 1955, Thanh-Van Tran-Nhut à Huê en 1962 : toutes trois vont se retrouver à Saint-Malo pour participer à la XXe édition des Etonnants Voyageurs. On avait vu que l'édition 2007 avait largement ouvert ses portes aux littératures d'Extrême-Orient et notamment de Chine. Cette année est marquée par un retour à la fiction comme l'explique Michel Le Bris, président de l’association organisatrice de ce Festival international du livre et du film, événement culturel et littéraire d'importance qui propose une multitude de manifestations entre le 30 mai et le 1er juin.

Un coup d'œil sur son site s'impose : soit pour préparer dans les meilleures conditions son déplacement - il faudra faire des choix tant les rencontres sont nombreuses -, soit pour se consoler de ne pas le faire ; des notices parfois fort riches et instructives sur les auteurs et intervenants y sont mises à notre disposition – on y accède notamment à partir de la page d'accueil (voir notre illustration).

Voyez donc celles d'Anna Moï, de Thanh-Van Tran-Nhut et de Duong Thu Huong qu'on pourra avantageusement réactualiser avec les billets à elle consacrés sur ce blog en attendant de découvrir la « revue en ligne, du même nom que le festival, accompagnée d'un magazine papier qui devrait naître début 2010, sur un rythme bimestriel. » Voilà qui nous ramène à un certain numéro inaugural d'une revue en ligne - IDEO -, justement consacrée à l'exploration extrême-orientale du thème du « Voyage ». C'est pour bientôt, aussi, ou juste après ! (P.K.)

mercredi 27 mai 2009

Un 21e siècle chinois

A l’occasion de la sortie du nouveau numéro de la revue
Siècle 21, littérature & société
(Printemps/été 2009)
, qui consacre
un dossier à la littérature chinoise contemporaine, la

[2, bd de Sébastopol 75003 Paris - 
M° Étienne Marcel ou Réaumur Sébastopol]

organise dans ses murs, le jeudi 4 juin à 18 heures, une rencontre avec les membres du Comité de rédaction qui sera animée par
Annie Bergeret Curien
,
traductrice, membre du centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine de l’EHESS, chercheuse au CNRS.

Ce dossier qui présente quinze œuvres d'écrivains continentaux et hongkongais traduites en français, s’articule autour du thème du « terrain vague » : « Cette notion caractérise autant la physionomie des villes chinoises et de sa campagne, la mutation de la société chinoise actuelle, mais aussi le champ que traverse la littérature chinoise. » Les auteurs mis à l'honneur sont Zhang Wei, « Le retour de la tortue » ; Han Shaogong, « Terrain vague » ; Li Rui, « Semoir » ; Feng Qiuzi, « Etendue déserte » ; Song Lin, « Terrain vague » ; Chi Zijian, « Ah Quatre le Baudet ! » ; Sun Shixiang, « Quand pourrais-je le payer de retour ? » ; Zhang Wei, « Quand la disposition des pièces sur l’échiquier n’est pas belle » ; Yu Jian, « Message n°268 » ; Jiang Yun, « La Pingyao d’une personne » ; Wong Pok, « Jours de fêtes » ; Leung Ping-kwan, « Terrain vague » ; Yu Jian, « Rencontre » ; Lu Jiandong, « Souvenirs de lecture » ; Pan Nianying, « Au fil des fleurs de pêcher pourpres ».

La revue Siècle 21 s'est depuis sa naissance en 2002 penché à deux reprises sur les littératures d'Extrême-Orient, avec un numéro 1 (Automne 2002) consacré à la littérature indienne, et un numéro 4 (Printemps 2004), mettant en vedette la littérature birmane.

samedi 23 mai 2009

Yu Hua sur un coussin d'AIR

Si ce blog vous avait averti de la tenue des Premières Assises internationales du roman, il avait failli à son devoir en sautant une édition. [Ce n'est pas trop grave puisque les actes des Assises 2007 et 2008 ont été édités et sont disponibles chez Christian Bourgois sous les titres respectifs de Roman et réalité et Le roman, quelle invention !] Voici, à la veille de l'ouverture des troisièmes A.I.R., « Le roman : hors frontières », le moment de nous rattraper. Encore s'en est-il fallu de peu que je manque à nouveau l'événement. Ma bouée de salut en ces temps de perte de repères chronologiques, fut l'édition électronique du Monde des livres du 21/05/09 qui en fait grand cas, puisque le quotidien est avec la Villa Gillet coorganisateur de ces manifestations qui devraient être encore plus médiatisées que les précédentes. Lisons, à ce propos, les mots du directeur, du Monde, Eric Fottorino :
De l'air. C'est un petit cube en équilibre sur une arête. Sur une face sont imprimées quelques phrases d'un texte, un peu comme sur la façade de l'immeuble du Monde boulevard Blanqui à Paris. Et sur une autre face, en majesté, trois grandes lettres façon tag forment ce mot : AIR, pour Assises internationales du roman, avec, au-dessous, « débats, tables rondes, lectures ». De l'air, en effet, et du bon. Tout est dit dans ce logo. Et c'est peu de le redire, pour la troisième année d'affilée : notre journal est fier de coorganiser à Lyon, avec la Villa Gillet, le soutien de la ville de Lyon, de la région Rhône-Alpes et de la DRAC, sans oublier le précieux partenariat de France Inter et des éditions Christian Bourgois, cette manifestation unique en son genre.
Un événement qui réunira en bord de Saône, du 25 mai au 31 mai, dans le site magnifique des Subsistances, une étourdissante palette d'écrivains venus parler non pas de leurs livres, mais de la littérature.
Avant de les lire, mon attention avait été attirée par l'annonce de la participation du « Philosophe et spécialiste de la Chine, François Jullien, samedi 30 mai à 15 heures, au débat sur l'épopée de la Chine contemporaine proposé par Philosophie Magazine », annonce inscrite en marge de l'entretien accordé par l'auteur des Transformations silencieuses (son dernier opus chez Grasset, 2009, 197 p.) à A. B.-M. pour le même Monde des Livres. Ce qui m'a surpris, c'est qu'aucune mention n'était faite d'une , d'un ou d'autre(s) interlocuteur(s). Pourtant qui dit « débat » dit aussi discussions, échanges, voire confrontations, donc la présence d'au moins deux débatteurs. Serait-ce que celle-ci, celui-ci, ou ceux-ci ne seraient que des faire-valoir et ne mériteraient pas même d'être mentionnés ?

Une rapide recherche m'a permis de télécharger le programme complet de l'événement à partir d'ici : soit un document pdf de 16 pages toutes annonciatrices de rendez-vous aussi nombreux que dignes d'intérêt (voir aussi page 22 du dossier de presse téléchargeable depuis la même page). La solution à mon interrogation se trouve page 8 : le débat qui durera 90 minutes et sera animé par Alexandre Lacroix rédacteur en chef de Philosophie magazine aura bien deux interlocuteurs, le deuxième sera l'écrivain Yu Hua 余华, auteur entre autres de Brothers dont il a été question à plusieurs reprises sur ce blog.

Ce sera peut-être pour lui l'occasion de dire quelle place le Zhuangzi 莊子 envisagé par le philosophe comme incontournable et une « ressource vive de l'œuvre de Gao Xinjiang [sic : Le Monde, « En Chine avec François Jullien et le "Tchouang-tseu" »] (Le Prix Nobel de littérature) » occupe dans sa propre création, voire d'exprimer que la nature même de l'expression romanesque chinoise n'est pas réductible à la vision que s'en font les Occidentaux. Mais il sera avant tout question pendant cette confrontation d'un tout autre sujet dont l'intitulé laisse quelque peu perplexe : « L'épopée de la Chine contemporaine ».

Plus tard dans la même journée (21 h-23 h), l'auteur chinois bien connu du lectorat français sera l'hôte d'une table ronde intitulée « Portraits d'une génération » (voir le dossier de presse, p. 25) qui devrait offrir des réponses aux questions suivantes : « Comment un roman peut-il cerner une époque au travers d'une génération ? », « Peut-on être l'écrivain d'une génération, ou bien la position même d'écrivain restreint-elle l'appartenance à son époque ? »

Afin de vous préparer à la rencontre avec Yu Hua, je vous invite à regarder la brève interview (3mn11s) mise en ligne par The New York Times si vous n'avez pas déjà actionné le lien qui est installé depuis quelques jours déjà dans la colonne de gauche de ce blog dans une nouvelle rubrique intitulée « Revue de presse en ligne ». Y figurent également les liens vers deux articles dont Yu Hua et Brothers sont les points de mire et d'autres renvois vers des articles où s'affichent le dynamisme et la variété de la littérature chinoise contemporaine. (P.K.)