lundi 26 septembre 2011

Freedom, Fate, and Prognostication

Pour tout savoir sur la conférence internationale
qui va se tenir à Nuremberg
du 24 au 27 octobre et qui aura pour objet
Gao Xingjian: Freedom, Fate, and Prognostication,
veuillez vous rendre sur la page suivante >> ici ou
télécharger à partir du lien suivant (ici) le pdf du programme.

Noël Dutrait y interviendra le 25/10
avec une communication en chinois intitulée :
« 高行健小說《一個人的聖經》中的 “性, 自由, 逃亡”»
[« ‘Sex,’ ‘Freedom,’ and ‘Escape’ in
Gao Xingjian‘s Novel One Man Bible »]

Sanctuaire du Cœur


La romancière vietnamienne Duong Thu Huong (Dương Thu Hương) continue à nous étonner, depuis son installation en France, avec une production riche et régulière. Après une volumineuse Terre des oublis de 794 pages parue en 2006 et récompensée par le Grand prix des lectrices de « Elle » en 2007, Au zénith publié en 2009, 800 pages, a obtenu le Prix Laure Bataillon de la meilleure œuvre traduite en français 2009 et le Prix Jules Janin 2009. Son nouveau roman, Sanctuaire du Cœur, sorti le 15 septembre dernier, « amène ses lecteurs dans une histoire époustouflante au cœur du Vietnam (…) Duong Thu Huong dresse le portrait sans appel d’une société vietnamienne déstabilisée et corrompue que dominent le sexe, le pouvoir et l’argent », peut-on ainsi lire sur Livre de Poche. Ce résumé pourrait étonner, car les thèmes chers à l’écrivaine touchent plutôt à la guerre ou au Vietnam dans l’après-guerre, mais cela témoigne aussi de sa capacité de se renouveler. N’ayant pas eu en main cette nouveauté, je ne peux que vous dire que le résumé (que vous trouverez sur le site de l’éditeur http://www.swediteur.com/titre.php?id=113) promet une lecture passionnante :
« La fugue de Thanh plonge dans la stupeur ses parents, un couple de professeurs respectés, ainsi que toute la petite ville proche de Hanoi où vit cette famille modèle. À seize ans, le jeune homme était promis à un brillant avenir et n’avait jamais donné le moindre signe de trouble ni de rébellion.
Quand on le retrouve quatorze ans plus tard – en 1999, le temps du récit –, il est devenu gigolo, entretenu par une femme d’affaires rencontrée dans la maison close de Saigon où il exerçait ses talents de prostitué.
Comment – et pourquoi – ce jeune homme sans histoires en est arrivé là, c’est ce que dévoile ce roman diaboliquement construit.
Thanh a tout le temps, pendant ses longues journées dans la villa de la côte que seuls rythment des dîners dans des établissements de luxe, de se remémorer son passé.
Ses jeunes années sont autant de souvenirs lumineux : elles ont été à jamais marquées par la présence radieuse de Tra My, son amie de toujours, la petite fille que ses parents avaient recueillie et dont il était tombé éperdument amoureux.
Sa descente aux enfers après sa fugue vient en sombre contrepoint de cette enfance heureuse : les scènes époustouflantes de son arrestation par erreur dans un hôtel de passe, de son emprisonnement avec des droit commun ou de sa rencontre avec le proxénète qui l’a embauché donnent à Duong Thu Huong la matière d’un portrait sans appel d’une société vietnamienne déstabilisée et corrompue que dominent le sexe, le pouvoir et l’argent.
Quand Thanh ne supporte plus sa vie oisive d’objet sexuel et qu’il décide de prendre un nouveau départ, il ne peut s’empêcher de buter sur le traumatisme subi lors de ses seize ans. La scène qui le hante, et dont son propre père est l’acteur principal, donne la clé de sa dérive et du roman tout entier.
La question sous-jacente que pose en effet Duong Thu Huong tout au long de ce livre consacré aux enfants des hommes et des femmes de sa génération, celle qui s’est battue pour des idéaux et qui ne se reconnaît pas dans le Vietnam d’aujourd’hui, est déchirante : qu’avons-nous fait à nos enfants ? quel monde leur laissons-nous ? »
Pour la première fois, Duong Thu Huong attaque ainsi à la société vietnamienne contemporaine, du « renouveau » ou đổi mới en vietnamien qui veut dire littéralement « changer » et « neuf » (quant à sa traduction très riche de sens et un stimulant exercice de traduction, on peut voir la contribution de Yann Bao An et Benoît de Tréglodé dans l’ouvrage collectif Vietnam contemporain paru en 2004). Dans ce pays, les enfants des héros d’hier qui combattaient pour l’idéal communiste, ne croient plus en rien… Mais, peut-être, c’est aussi cela la mondialisation ?

En attendant, espérons que l’auteur nous amène réellement dans un voyage humain et littéraire passionnant, comme écrit Alexis Liebaert qui avait décerné à Duong Thu Huong le titre de « la Soljenitsyne vietnamienne » à la sortie de la Terre des oublis, « jamais (…) la militante ne prend le pas sur la romancière, cette magicienne de la langue capable de faire sentir au lecteur l’odeur d’un jardin de pamplemoussiers, comme de lui faire partager les tourments d’un adolescent à l’innocence trahie » (Marianne du 24 septembre 2011, p. 87).

Enfin, saluons le travail du traducteur Phuong Dang Tran et celui de l’éditeur Sabine Wespieser auxquels nous devons ce roman de 752 pages traduit du vietnamien, avec le soutien du Centre National du Livre, et que nous espérons lire un jour en vietnamien.

Nguyen Phuong Ngoc

samedi 24 septembre 2011

En souvenir de l’ami qui est parti

Dramaturge et poète, Ma Zhiyuan (1226 ?-? 1285) occupe une fonction subalterne après la conquête du sud de la Chine par les Mongols et connaît une fin d'existence paisible loin de la ville. Un zaju composé avec trois autres dramaturges ou acteurs, Le Rêve du millet jaune (Huangliangmeng), et deux autres de ses pièces ont pour thème la conversion d'un être par un immortel taoïste qui lui fait prendre conscience de l'inutilité des passions, des plaisirs, des richesses et des honneurs du monde. Lettré confucéen, boucher qui voit ses clients convertis au végétarisme par un mystérieux adepte, esprit d'un saule transformé en marchand, tous finissent par accéder à l'immortalité. Le thème du renoncement apparaît dans la poésie (sanqu) de Ma et dans un autre zaju : un taoïste refuse tout ce que lui offre un empereur des Song à qui il avait prédit qu'il régnerait, préférant « dormir à son aise ». À la fin d'une autre pièce, un lettré, ami d'un réformateur des Song, obtient un poste, mais après avoir fait un portrait si sombre de sa condition, au prix de tant de difficultés que l'on a parlé du « fatalisme » de Ma. « Pessimiste », « nihiliste » sont des termes souvent accolés à son nom. Son théâtre n'en est pas pour autant triste ou vide de sens : l'humour n'en est pas absent et les scènes comiques, truculentes parfois, y abondent. Il touche à des problèmes réels à travers la légende ou l'histoire transformées pour les besoins du spectacle : les sectes taoïstes, les mœurs des courtisanes, des poètes-fonctionnaires, des marchands dans Les Larmes sur la tunique bleue (Qingshanlei). Fut-il un patriote ? On l'a dit à propos de son œuvre la plus célèbre pour le raffinement des images poétiques, la plus traduite, L'Automne au palais des Han (Hangongqiu). De toute manière, il reste un des plus célèbres dramaturges chinois.
L’auteur de ces lignes qu’on peut lire dans la partie en accès libre de l’Encyclopædia Universalis en ligne comme deux autres de ses articles sur les dramaturges chinois Gao Ming (XIVe s.) et Hong Sheng (XVIIe. s.) est François Veaux.

Ce sinologue discret et intègre nous a quitté le 18 septembre 2011 au terme d’une existence de soixante-dix années dont la plus longue partie fut consacrée à l’enseignement du chinois notamment à l’Université Bordeaux III. C’est là que je l’ai rencontré voici plus de trente ans et que j’ai suivi ses cours qui m'ont permis de découvrir les richesses de la poésie de la dynastie Tang et les subtilités du théâtre des Yuan dont il était un des rares spécialistes et un merveilleux traducteur --- j’espère qu’on pourra lire un jour ses traductions de Ma Zhiyuan qu’il appréciait tant. Les mots me manquent pour l’heure pour exprimer ma reconnaissance et la douleur que me cause sa disparition soudaine, aussi je me retire en vous invitant à écouter une prenante interprétation par Wu Zhaoji 吴兆基 (1908-1997) au guqin de « Yi guren »《憶故人》en cliquant >> ici<<.

mardi 13 septembre 2011

Keulmadang, le numéro 12 est en ligne


Le numéro 12 de KEULMADANG, revue de Littérature Coréenne vient de paraître.

AU SOMMAIRE

Le dossier sur le grand auteur YI Munyol, auteur controversé, avec une interview de l’auteur, un article de Floriane Lea qui aborde la place du désespoir dans son œuvre, un article de Jean-Claude de Crescenzo sur l’ambigüité dans l’oeuvre de l’auteur.

Dans ce même numéro, une étude de Yo Tong-ch’an (Roger leverrier), L’incident de Kanghwa et le vol des manuscrits royaux par la flotte française, sur l’île de Kangwha. Une chronique sur le travail de textanalyse des œuvres littéraires par Jean Bellemin-Noël Lire de tout son inconscient, Un roman pour les ados Les petits pains de la pleinde lune de GU Myeong-mo, par Véronique Cavallasca, Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur, le dernier receueil de nouvelles de Kim Young-ha, par Morgane Loupandine, Va ne te retourne pas, une pièce de théâtre de Lee Man-hee, par Julien Paollucci, Pour ne pas rater ma dernière seconde, de Jung Young-moon, par Lucie Angheben, Gens du sud, gens du nord de Lee Ho-chul, par Julien Paolucci. Enfin, un livre essentiel pour comprendr le néo-confucianisme coréen du XVIe siècle, Principes essentiels pour éduquer les jeunes gens, d’un penseur original Yi I, texte traduit du chinois, présenté et annoté par Isabelle Sancho.

Keulmadang est à lire sur : www.keulmadang.com

vendredi 15 juillet 2011

Miscellanées littéraires (005)

Privé d'une partie de mes livres par un emménagement qui n'en finit pas, je me suis, à l'occasion d'une réparatrice pause, replongé grâce à Gallica dans la lecture de mon cher Diderot (1713-1784).

En souvenir de cette divertissante séance, voici un passage tiré du tome 4 des Œuvres complètes de Diderot : revues sur les éditions originales.... éditées par Jules Assézat (1832-1876), publié à Paris par Garnier frères en 1875-1877 lequel propose des textes tirés par Naigeon des papiers que Diderot appelait ses Miscellanea.

Dans ces « Miscellanea philosophiques », on trouve, pages 45 à 48, un court texte intitulé « Sur les Chinois » dont je ne vous livre ici qu'un extrait :

Tout l'empire est un marché général où il n'y a non plus de sûreté et de bonne foi que dans les nôtres. Les âmes y sont basses, l'esprit petit, intéressé, rétréci et mesquin. S’il y a un peuple au monde vide de tout enthousiasme, c'est le Chinois.
Je le dis et je le prouve par un fait que je tiens du plus intelligent de nos supercargues : un Européen achète des étoffes à Canton, il est trompé sur la quantité, sur la qualité et le prix ; les marchandises sont déposées sur son bord. La friponnerie du marchand chinois avait été reconnue, lorsqu'il vint chercher son argent. L'Européen lui dit : « Chinois, tu m'as trompé. » Le Chinois lui répondit : « Européen, cela se peut ; mais il faut payer. » L'Européen : « Chinois, tu m'as trompé sur la quantité, la qualité et le prix. » Le Chinois : « Cela se peut ; mais il faut payer. » L'Européen : « Mais tu es un fripon, un gueux, un misérable. » Le Chinois : « Européen, cela se peut ; mais il faut payer. » L'Européen paye ; le Chinois reçoit son argent, et dit en se séparant de sa dupe : « A quoi t'a servi ta colère ? Qu'on produit tes injures ? Rien. N'aurais-tu pas beaucoup mieux fait de payer tout de suite et de te taire ? » Partout où l'on garde ce sang-froid à l'insulte, partout où l'on rougit aussi peu de la friponnerie, l'empire peut être très-bien gouverné, mais les mœurs particulières sont détestables.
Si les romans chinois sont une peinture un peu fidèle des caractères, il n'y a pas plus de justice à la Chine que de probité ; et les mandarins sont les plus grands fripons, les juges les plus iniques qu'il y ait au monde. Que penser de ces chefs de l'Etat qui portent publiquement, sans pudeur, sur leur petite bannière la marque de leur dégradation ?
NB : « Supercargue » est un synonyme de « subrécargue » qui signifie : « personne choisie par un armateur ou un affréteur et embarquée sur un navire pour assurer la gestion de la cargaison, sa vente et le réapprovisionnement du navire pour le retour. » (Source CNRTL)

Dans le même ordre d’idée, mais témoignage à la fois plus ancien et plus direct, voici ce qu’on peut lire dans les Nouveaux mémoires sur l'état présent de la Chine du père Louis Lecomte (1655-1728) pages 498 à 500 de l’édition J. Anisson de 1696 (source Gallica) sous le titre « Du caractère particulier de l'esprit des Chinois » (Lettre huitième) :
Tout sert, tout est precieux aux chinois, parce qu’il n’y a rien dont ils ne sçachent profiter. Pour le moindre gain ils entreprennent les voyages les plus difficiles ; et c’est pour cela que dans la Chine tout est en mouvement ; dans les ruës, dans les grands chemins, sur les rivieres et le long des costes des provinces maritimes, on voit un monde de voyageurs, si j’ose m’expliquer de la sorte ; le commerce infini qui se fait par tout est l’ame du peuple, et le principe de toutes leurs actions.
S’ils joignoient au travail et à l’industrie naturelle un peu plus de bonne foy, sur tout à l’égard des étrangers, rien ne leur manqueroit de tout ce qui peut contribuer à former d’habiles negocians. Mais leur qualité essentielle c’est de tromper, quand ils peuvent ; plusieurs ne s’en cachent point, et j’ay oüi dire qu’il y en a d’assez effrontez, quand on les a surpris en faute, pour s’excuser sur leur peu d’habileté ; vous voyez, disent-ils, que je n’y entends pas finesse ; vous en sçavez plus que moy ; mais peut-estre que je seray ou plus heureux ou plus adroit une autre fois. Ils falsifient presque tout ce qu’ils vendent, quand les choses sont d’une nature à pouvoir estre falsifiées. On dit en particulier qu’ils contrefont si bien les jambons, que souvent on s’y méprend, et qu’aprés les avoir fait cuire long-temps on ne trouve, quand on en veut manger, qu’une grosse piece de bois sous une peau de cochon. Il est seur qu’un étranger sera toûjours trompé, s’il achete par luy-mesme, quelque précaution qu’il prenne ; il faut se servir d’un chinois affidé qui connoisse le pays, et qui soit fait au manége ; encore serez-vous bien heureux, si celuy qui achete et celuy qui vend ne s’accordent pas ensemble à vos dépens en partageant entr’eux le gain.
On pourra vérifier la correction de sa lecture en consultant la page 291 de l’édition moderne d’Un Jésuite à Pékin. Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine. 1687-1692, établie par Frédérique Touboul-Bouyeure pour les éditions Phébus en 1990.

Le Père Jean-Baptiste Du Halde montre dans sa Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise (Paris : P.-G. Le Mercier, 1735, p. 77 et suivantes ou en ligne grâce à Pierre Palpant, ici) qu’il avait lu son éminent collègue avant d’être à son tour vraisemblablement lu par Diderot :
Quoique généralement parlant, ils ne soient pas aussi fourbes et aussi trompeurs que le p. Le Comte les dépeint, il est néanmoins vrai que la bonne foi n’est pas leur vertu favorite, sur tout lorsqu’ils ont à traitter avec les étrangers : ils ne manquent gueres de les tromper s’ils le peuvent, et ils s’en font un mérite : il y en a même qui étant surpris en faute, sont assez impudens pour s’excuser sur leur peu d’habileté. « Je ne suis qu’une bête, comme vous voyez, disent-ils, vous êtes beaucoup plus habile que moi, une autre fois je ne me jouerai pas à un européan.» Et en effet, on dit que quelques européans n’ont pas laissé de leur en apprendre. Rien n' est plus risible que ce qui arriva au capitaine d’un vaisseau anglois : il avoit fait marché avec un négociant chinois de Canton, d’un grand nombre de balles de soye, qu’il devoit lui fournir : quand elles furent prêtes, le capitaine va avec son interprete chez le chinois, pour examiner par lui-même, si cette soye étoit bien conditionnée : on ouvre le premier ballot, et il la trouva telle qu’il l’a souhaitoit ; mais les ballots suivans qu’il fit ouvrir, ne contenoient que des soyes pourries : sur quoi le capitaine s’échauffa fort, et reprocha au chinois dans les termes les plus durs, sa méchanceté et sa friponnerie : le chinois l’écouta de sang froid, et pour toute réponse, « prenez vous-en, monsieur, lui dit-il, à votre fripon d’interprete, il m’avoit protesté que vous ne feriez pas la visite des ballots.» cette adresse à tromper, se remarque principalement parmi les gens du peuple, qui ont recours à mille ruses, pour falsifier tout ce qu’ils vendent : il y en a qui ont le secret d’ouvrir l’estomac d’un chapon, et d’en tirer toute la chair, de remplir ensuite le vide, et de fermer l’ouverture si adroitement, qu’on ne s’en apperçoit que dans le tems que l’on veut le manger. D’autres contrefont si bien les vrais jambons, en couvrant une piéce de bois d’une terre qui tient lieu de la chair, et d’une peau de cochon, que ce n’est qu’après l’avoir servi et ouvert avec le couteau, qu’on découvre la supercherie. Il faut avoüer néanmoins qu’ils n’usent gueres de ces sortes de ruses qu’avec les etrangers : et dans les autres endroits, les chinois ont peine à les croire. Les voleurs n’usent presque jamais de violence, ce n' est que par subtilité et par adresse qu’ils cherchent à dérober : il s’en trouve qui suivent les barques, et se coulent parmi ceux qui les tirent sur le canal impérial, dans la province de Chan Tong, où l’on en change tous les jours ; ce qui fait qu’ils sont moins connus : ils se glissent alors dans les barques pendant la nuit ; et on dit même que par le moyen de la fumée d’une certaine drogue qu’ils brûlent, ils endorment tellement tout le monde, qu’ils ont toute liberté de foüiller de tous côtez, et d’emporter ce qu’ils veulent, sans qu’on s’en apperçoive. Il y a de ces voleurs qui suivent quelquefois un marchand deux ou trois jours, jusqu’à ce qu’il ait trouvé le moment favorable de faire son coup. La plûpart des chinois sont tellement attachez à leur interêt, qu’ils ont de la peine à s' imaginer qu’on puisse rien entreprendre que par des vues interessées. Ce qu’on leur dit des motifs qui portent les hommes apostoliques à quitter leurs pays, leurs parens, et tout ce qu’ils ont de plus cher au monde, dans la seule vuë de glorifier Dieu et de sauver les ames, les surprend étrangement, et leur paroît presque incroyable. Ils les voyent traverser les plus vastes mers avec des dangers et des fatigues immenses ; ils sçavent que ce n’est ni le besoin qui les attire à la Chine, puisqu’ils y subsistent, sans leur rien demander, et sans attendre d’eux le moindre secours ; ni l’envie d’amasser des richesses, puisqu’ils sont témoins du mépris qu’en font les ouvriers evangéliques ; ils ont recours à des desseins politiques, et quelques-uns sont assez simples, pour se persuader qu’ils viennent tramer des changemens dans l’etat, et par des intrigues secrettes, se rendre maîtres de l' empire.
Déjà au siècle précédent, Robert Burton (1577-1640) notait l'extraordinaire capacité des Chinois à copier et à commercer dans The Anatomy of Melancholy (1621) (Oxford : H. Cripps, 1638) :
Mat. Riccius, the Jesuit, and some others, relate of the industry of the Chinese most populous countries, not a beggar or an idle person to be seen, and how by that means they prosper and flourish. We have the same means, able bodies, pliant wits, matter of all sorts, wool, flax, iron, tin, lead, wood, &c., many excellent subjects to work upon, only industry is wanting. We send our best commodities beyond the seas, which they make good use of to their necessities, set themselves a work about, and severally improve, sending the same to us back at dear rates, or else make toys and baubles of the tails of them, which they sell to us again, at as great a reckoning as the whole.
Un dernier extrait pour ces cinquièmes « Miscellanées littéraires » qui pourraient bien être les dernières de ce mois de juillet, voire de l’été ; il provient de la « Notice préliminaire » du même tome des Œuvres complètes de Diderot que cité précédemment, savoir des pages 3 et 4 dans lesquelles l'éditeur cite à propos Jacques-André Naigeon (1738-1810) : « Ce qui mérite surtout d'être remarqué, parce que rien ne peint mieux l’originalité du caractère de Diderot et ne fait mieux connaître la tournure particulière de son esprit, c'est qu’en parcourant les titres, souvent inconnus, des ouvrages sur lesquels il a fait des observations, on voit qu’il lui importe fort peu que le livre qu’il analyse soit bon ou mauvais : dans le premier cas, il s’élève rapidement à la hauteur de son sujet ; sa vue s’agrandit pour ainsi dire avec l’horizon qu’elle embrasse ; il s’empare des principes de l’auteur, les appliques, les généralise et en tire de grands résultats ; dans le second, il refait dans sa tête le livre dont il parle et s’en sert comme d’une table de chapitres, qu’il remplit ensuite à sa manière. C’est à ce sujet que M. d’Holbach [(1723-1789)] lui dit un jour qu'il n’y avait point de mauvais livres pour lui ; et rien n’est plus exact. Diderot lui-même ne se défendait pas trop de cette facilité avec laquelle il prêtait aux autres son talent, son imagination et ses connaissances ; et lorsque après avoir lu sur sa parole tel ou tel livre dont il avait fait l’éloge, on lui faisait remarquer qu'il n’y avait rien de tout ce qu’il avait vu, il répondait naïvement : Eh bien, si cela n’y est pas, cela devrait y être. »

Si vous avez encore un peu de souffle, et de goût pour cet auteur, vous pouvez lire ces anciennes « Perles estivales » fruits rafraichissants de lectures passées. Bon été.

mercredi 13 juillet 2011

Lectures estivales (été 2011)

« Si l’on ne peut trouver de jouissance à lire et à relire un livre, il n’est d’aucune utilité de le lire même une fois » écrivait Oscar Wilde (Le déclin du mensonge, Paris, Allia, 1997, p. 30). Il est donc primordial de savoir choisir ses lectures.

Le 27 juin dernier, Bertrand Mialaret a sélectionné pour vous dix romans chinois pour l'été dont les ceux de Wang Dulu traduits par Solange Cruveillé pour Calmann-Lévy dorénavant disponibles en format de poche chez J’ai-lu.

Voici pour amorcer une liste alternative, ou complémentaire, et que je souhaite plus ouverte notamment aux autres littératures d’Extrême-Orient, les deux titres que je devrais être en mesure d’achever avant la reprise et qui me semblent recommandables l’un et l’autre :
  • D’abord la traduction par Claire Lebeaupin du Doupeng xianhua 豆棚閒話 (1681 ?) : Aina Jushi, Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots. Paris, Gallimard, « Connaissance de l'Orient », 2010, 432 p. (Voir ici ce qu'on en a dit). Ce dont le maître ne parlait pas de Yuan Mei 袁枚 (1716-1798) annoncé dans la même collection ne semble pas encore disponible, sinon il aurait sans aucun doute figuré à côté de ce recueil complet de récits du XVIIe siècle. S’il pointe le nez, vous savez donc quoi faire.
  • Ensuite, Décadence Mandchoue. The China Memoirs of Sir Edmund Trelawny Backhouse édité par Derek Sandhaus (Hong Kong, Earnshaw Books Books, 2011, xxx+297 p.). Le résumé qui accompagne la notice bibliographique sur Worlcat.org devrait déjà vous mettre l’eau à la bouche (« In 1898 a young Englishman walked into a homosexual brothel in Peking and began a journey that, as he claims, took him all the way to the bedchamber of imperial China's last great ruler, the Empress Dowager Tz'u Hsi. »), mais pour mieux cerner l’ouvrage avant de le commander, je vous invite à lire l’article de Joyce Hor-Chung Lau paru dans le New York Times (30/03/11) [en ligne ici)] et la brève notice en ligne sur Sinosplice (17/03/11) ; un jour prochain, je vous livrerai un compte-rendu critique de ces souvenirs piquants et parfois irritants, des fois douteux, mais définitivement passionnants de ce Lord anglais qui vécut de 1873 à 1944 et qui avec John Otway Percy Bland, signa le best-seller China under the Empress Dowager (1910) [en ligne ici] et le non moins fameux Annals and Memoirs of the Court of Peking quatre ans plus tard [en ligne sur Archive.org, ici]. Ci-dessous, je vous livre une copie d’écran du début du chapitre 1, réalisée grâce à Amazon qui vous permet de feuilleter cette belle curiosité littéraire.
Ceci dit, je compte sur vous pour allonger cet embryon de liste. Il suffit pour cela de glisser vos propositions dans un commentaire en indiquant dans la mesure du possible l’ensemble des références bibliographiques nécessaires pour bien identifier la cible. Libre à vous de proposer des nouveautés ou des vieilleries dès lors qu’elles sont facilement accessibles et, j’insiste, de fournir vos noms (véritables ou d’emprunt) avec le cas échéant un bref commentaire. Je me charge de valider vos choix dans les meilleurs délais. Bon été.

lundi 11 juillet 2011

Miscellanées littéraires (004)

Notre quatrième « Miscellanées littéraires » est à nouveau un choix de Thomas Pogu que je remercie d’avoir retenu un passage de l'Éloge de l'ombre, In'ei Raisan 陰翳礼讃 (1933) de Tanizaki Junichirô 谷崎潤一郎 (1886-1965) sur lequel on consultera avec profit les pages que lui consacre le site Shunkin.net.

Traduit en 1977 par René Sieffert (1923-2004), ce texte attachant, qu'on trouve dans le premier des deux volumes d'œuvres de Tanizaki à la « Bibliothèque de la Pléiade » (n° 434), vient d’être réédité par les Éditions Verdier, comme Pierre Assouline l’a signalé récemment dans son blog La République des Livres : « Tanizaki nous fait encore de l’ombre » (8 mai 2011). Le passage en question se trouve entre les pages 29 à 32 de cette édition :
Le papier est, nous dit-on, une invention des Chinois ; toujours est-il que nous n'éprouvons, à l'égard du papier d'Occident, d'autre impression que d'avoir affaire à une matière strictement utilitaire, cependant qu'il nous suffit de voir la texture d'un papier de Chine, ou du Japon, pour sentir une sorte de tiédeur qui nous met le cœur à l'aise. À blancheur égale, celle d'un papier d'Occident diffère par nature de celle d'un hôsho ou d'un papier blanc de Chine. Les rayons lumineux semblent rebondir à la surface d'un papier d'Occident, alors que celle du hôsho ou du papier de Chine, pareille à la surface duveteuse de la première neige, les absorbe mollement. De plus, agréables au toucher, nos papiers se plient et se froissent sans bruit. Le contact en est doux et légèrement humide, comme d'une feuille d'arbre.
D'une manière plus générale, la vue d'un objet étincelant nous procure un certain malaise. Les Occidentaux usent, même pour la table, d'ustensiles d'argent, de nickel, qu'ils polissent afin de les faire briller, alors que, nous autres, nous avons en horreur tout ce qui resplendit de la sorte. Il nous arrive certes, à nous aussi, de nous servir de bouilloires, de coupes, de flacons d'argent, mais nous nous gardons bien de les polir ainsi qu'ils le font. Bien au contraire, nous nous réjouissons de voir leur surface se ternir et, le temps aidant, noircir tout à fait ; il n'est guère de maison où quelque servante mal avisée ne se soit fait réprimander pour avoir astiqué un ustensile d'argent couvert d'une précieuse patine.
L'usage s'est répandu, à une époque récente, d'employer l'étain pour la cuisine chinoise, et il est fort possible que les Chinois apprécient la propriété qu'a ce métal de se patiner. Neuf, il rappelle l'aluminium, et l'impression qu'il produit n'a rien de bien agréable ; les Chinois ne l'auraient donc jamais adopté s'il ne vieillissait bien et ne finissait par atteindre, de la sorte, à une certaine élégance. D'autre part, l'on y grave des poèmes qui, avec la surface noircie de l'étain, formeront un accord parfait. Bref, entre les mains des Chinois, ce métal léger, vulgaire et clinquant est devenu une matière dense et de bon aloi, aux reflets profonds comme une céramique.
Ce sont les Chinois encore qui apprécient cette pierre que l'on nomme le jade : ne fallait-il pas, en effet, être Extrême-Oriental comme nous-mêmes pour trouver un attrait à ces blocs de pierre, étrangement troubles, qui emprisonnent dans les tréfonds de leur masse des lueurs fuyantes et paresseuses, comme si en eux s'était coagulé un air plusieurs fois centenaires ? Qu'est-ce donc qui peut bien nous attirer dans une pierre telle que celle-là, qui n'a ni les couleurs du rubis ou de l'émeraude, ni l'éclat du diamant ? Je l'ignore, mais à la vue de la surface brouillée, je sens bien que cette pierre est spécifiquement chinoise, comme si son épaisseur bourbeuse était faite des alluvions lentement déposées du passé lointain de la civilisation chinoise, et je dois reconnaître que je ne m'étonne point de la dilection des Chinois pour de pareilles couleurs et substances.
On pourra poursuivre en lisant l'extrait que fournit l’éditeur sur la page consacrée à L’éloge de l’ombre sur son site - c’est celui les « lieux d’aisance de style japonais d’où l’on peut, à l’abri de murs tout simples, à la surface nette, contempler l’azur du ciel et le vert du feuillage » -, ou pourquoi pas en lisant « Jun’ichirô Tanizaki et le Japon face à l’Occident exotique », article que Tanaka Shuko a publié (le 1/11/10) sur le carnet de recherche « Kaléidoscope Du Japon ». Mais il convient avant tout de se procurer une édition de ce petit livre indispensable à lire au frais.

mardi 5 juillet 2011

Miscellanées littéraires (003)

Dans notre série des « Miscellanées littéraires », voici en écho inversé du précédent item, un nouvel extrait retenu par Thomas Pogu de ses récentes lectures. Il provient d’un ouvrage qui a suscité d’abondants commentaires dont de fines analyses qu’on peut lire dans Le supplice oriental dans la littérature et les arts, édition préparée par Antonio Dominguez Leiva et Muriel Détrie (Paris : Les éditions du Murmure, 2005, 352 p.) savoir l’article de Florence Fix, « La ‘constellation Mirbeau’ : supplices chinois dans le roman populaire fin-de-siècle » et, plus en phase avec ce qui suit, celui de Sébastien Hubier, « Peines exquises. L'érotique du supplice dans Aphrodite de Louÿs et le Jardin des Supplices de Mirbeau ».
« Vois comme les Chinois, qu’on accuse d’être des barbares, sont au contraire plus civilisés que nous ; comme ils sont plus que nous dans la logique de la vie et dans l’harmonie de la nature !... Ils ne considèrent point l’acte d’amour comme une honte qu’on doive cacher… Ils le glorifient au contraire, en chantent tous les gestes et toutes les caresses… de même que les anciens, d’ailleurs, pour qui le sexe, loin d’être un objet d’infamie, une image d’impureté, était un Dieu !... Vois aussi comme tout l’art occidental y perd qu’on lui ait interdit les magnifiques expressions de l’amour. Chez nous, l’érotisme est pauvre, stupide est glaçant… il se présente toujours avec des allures tortueuses de péché, tandis qu’ici, il conserve toute l’ampleur vitale, toute la poésie hennissante, tout le grandiose frémissement de la nature… »

Octave Mirbeau, Le Jardin des supplices (1899).
Paris, Gallimard, « Folio classique », n° 1899, p. 162.
J’invite ceux qui seront séduits par cette belle envolée à profiter de l’été pour explorer deux sites dévoués à cet auteur. Dans le premier - http://mirbeau.asso.fr/ -, on apprendra, entre autre, qu’en chinois, Le Jardin des supplices a été rendu par Mimi huayuan 秘密花园 ; grâce à l’autre, le Dictionnaire Octave Mirbeau et ses 1500 entrées, on pourra poursuivre l’exploration de la vision de la Chine de Mirbeau.

Le prochain billet devrait nous ramener à des préoccupations moins dérangeantes et, on le verra bientôt, pas loin de notre point de départ. Merci encore à Thomas et aux commentateurs éventuels de ce billet illustré d’une gravure qui apparaît page 89 d’un roman de Pajol-Alard intitulé Les contrebandiers d'opium que publia la Librairie parisienne en 1884 et qu’on peut lire grâce à Gallica. Sa légende est : « Fanny prit vivement un revolver...»

lundi 4 juillet 2011

Le Pavillon de l'Ouest en Avignon

Qu'on se le dise, le Xixiangji 西廂記 ou « Pavillon de l'Ouest » de Wang Shifu 王實甫 (milieu du XIVe siècle) est, avec « Les quatre rêves de Yumintang » (Yumintang simeng 玉茗堂四夢) de Tang Xianzu 湯顯祖 (1550-1617) et les écrits « sérieux » de Yuan Mei 袁枚 (1716-1798), inscrit depuis de nombreuses années dans la liste des « lacunes éditoriales en littératures étrangères » pour le chinois établi par le Centre National du Livre (CNL) et, semble-t-il, attend toujours son traducteur.

Inutile de revenir longuement sur un relevé que nous évoquions sur ce blog (savoir le 17 mai 2007) pour en signaler les lacunes lesquelles ont été fort heureusement réduites grâce à la publication, respectivement en 1999 et en 2007 de la traduction par André Lévy chez MF Editions, de deux pièces de Tang Xianzu (Mudanting 牧丹亭 : Le Pavillon aux pivoines et Handan ji 邯鄲記, L'Oreiller magique) et aussi la sortie sous le numéro 119 dans la collection « Connaissance de l’Orient » (Gallimard, 2010) d’une fine traduction de Claire Lebeaupin du Doupeng xianhua 豆棚閒話, Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots ... un Yuan Mei serait aussi sur le point de sortir dans la même collection, mais il s'agit d’un choix de récits du Zibuyu 子不語 (Ce dont le maître ne parlait pas) ; d'un autre côté, et nous aurions dû sans doute en rendre compte plus en détail plus tôt, la « Bibliothèque chinoise » des Belles Lettres a poursuivi sur un beau rythme une belle aventure commencée en mars 2010 et qui compte maintenant 8 volumes bilingues de haute précision.

Or donc, Xixiangji attend toujours son heure en français quand il s’offre en anglais depuis déjà vingt ans (1991) grâce à la traduction de Wilt Idema et Stephen H. West : The Moon and the Zither. The Story of the Western Wing (University of California Press). C’est vers elle qu’on devra donc se tourner si l’on veut prendre toute la mesure d’un spectacle qui va se donner tout prochainement en Avignon.


L'événement en question, proposé par le Théâtre du Chêne Noir et son directeur, Gérard Gelas qui en assure la mise en scène et l’adaptation, est la création de Si Siang Ki ou l’histoire de la Chambre de l’Ouest de Wang Che-Fou. Ce spectacle, « en chinois, surtitré en français » qui s’appuie sur une « traduction » de Cao Lushen, est le fruit d’une collaboration déjà ancienne entre Gérard Gelas et l’Académie de Théâtre de Shanghai. Il sera donné en Avignon du 7 au 29 juillet à 11h (8 bis, rue Sainte Catherine, 04 90 86 58 11, http://www.chenenoir.fr) avant Shanghai puis Pékin.

On pourra lire le dossier de presse ou à défaut cette brève notice qui rappelle ce qu’il faut savoir et qu’on pourra très vite oublier pour se laisser emporter par la magie du tapis de scène et la maîtrise des jeunes acteurs chinois venus défendre le chef-d’œuvre de leur théâtre national.

Un temps fonctionnaire, Wang Shifu démissionna, fréquenta les milieux théâtraux et écrivit 14 zaju. Parmi les trois qui nous sont parvenus se distingue Xixiangji, composition ambitieuse en 20 actes qui rompt avec les règles du genre. Prenant appui sur l’Histoire de Yingying [« Yingying zhuan » 鶯鶯傳] de Yuan Zhen 元稹 (779-831), déjà portée sur scène par Dong Jieyuan 董解元 (XII e s.), il conte l'histoire d'amour du jeune lettré Zhang et de la fille d'un ministre, la belle Cui Yingying. Transgressant les lois sociales, ils incarnent le triomphe de l'amour sincère et de la fidélité sur les conventions et l'intérêt. La pièce fut interdite sous les Qing (1644-1911) pour incitation à la débauche. Jin Shengtan 金聖歎 (1608-1661), le « Prince des commentateurs », l’intégra en sixième et dernière position dans sa liste des œuvres les plus marquantes de la littérature chinoise, juste derrière Au bord de l’eau (Shuihuzhuan 水滸傳).

On peut aussi garder en mémoire que Stanislas Julien (1797-1873), lui-même en a fourni une traduction publiée après sa mort - L'Histoire du pavillon d'Occident (1880) -, dont une édition présentée par André Lévy a été diffusée par les Editions Slatkine (Genève, 1997, Collection « Fleuron »), traduction qui vaut sans aucun doute celle de 1928 de Georges Soulié de Morant (1878-1955) (L’amoureuse Oriole, jeune fille, roman d’amour chinois du XIIIe siècle, Flammarion) et dont, selon son préfacier moderne, le principal mérite serait d’en susciter une nouvelle, « à jour et plus précise » (p. 23). Avis aux traducteurs ; les amateurs d’émotions fortes savent déjà où se rendre.

(NB. Des places à 5 € sont à réserver auprès du théâtre directement (04 90 86 74 84) par les étudiants de chinois principalement pour les séances du 7, 8 et 9 juillet).

lundi 13 juin 2011

Keul Madang, le n° 11 est en ligne

Au sommaire du numéro 11/Juin 2011 de Keul Madang :

Le dossier du mois est consacré à l’auteur SHIN Kyung-sook. Après son passage à Aix-en-Provence l’an dernier, nous l’avons interviewée à Séoul, peu de temps avant la parution de son dernier roman en France : Prends soin de maman. Dans ce même dossier, deux recensions de ses précédents ouvrages : La chambre solitaire et Li Chin.

Un large compte-rendu des rencontres littéraires d’Aix, Arles et Avignon qui ont attiré un public nombreux, curieux de découvrir la littérature coréenne ou de poursuivre sa découverte, avec deux auteurs importants en Corée, pour des raison différentes : Yi in-seon, chef de file d’un nouveau courant littéraire, et Jo Kyung-ran, auteure à succès. On trouvera aussi les articles de critiques littéraires Jeong Myeong-kyo, Jean Bellemin-Noël ou Claude Mouchard, ainsi que l’éditeur Philippe Picquier.

On découvrira encore dans ce nouveau numéro une lecture des nouveaux ouvrages qui viennent de paraître, tels que le Scènes de vie en Corée de Martine Prost, par exemple.

Revue à lire sur www.keulamdang.com

jeudi 26 mai 2011

Ombres éclectiques

Comme annoncé dans un billet précédent, en même temps que les films du monde se disputaient la Palme d’Or à Cannes, un colloque sur le cinéma chinois - Les ombres éclectiques - a levé son rideau à l’Université Paul-Valéry (Montpellier III). Durant trois jours (19-21 mai 2011), dix-huit participants de différents domaines se sont réunis pour évoquer le cinéma chinois. Quel que soit leur rapport avec le septième art, qu’ils soient réalisateurs, professeurs, doctorants ou spécialistes, leurs interventions ont été aussi diverses qu’intéressantes.

En guise d’ouverture de ce colloque, les réalisateurs Hu Wei 胡伟 et Li Junhu 李军虎 nous ont présenté leurs films. Les projections ont été suivies d’un échange direct entre eux et les participants du colloque. Par la suite, j’ai eu le plaisir d’entendre de nombreuses interventions sur le cinéma chinois apportant des regards neufs et divers sur ce sujet. Aussi bien les réalisateurs, les acteurs, ainsi que les films et les sujets ont été abordés au cours de ce colloque. On peut organiser les présentations en quatre catégories : l’histoire du cinéma en Chine, le caractère social du cinéma chinois, l’adaptation cinématographique de la littérature chinoise, et enfin, des aspects propres à tous les cinémas comme la censure, la traduction et l’économie du cinéma.

L’histoire du cinéma en Chine à l’instar des autre pays est intimement liée à l’Histoire elle-même. L’évocation du Parti Communiste dans le cinéma chinois en est l’exemple parfait. Anne Jaures a étudié l’évolution du traitement du PCC dans les films chinois, depuis la propagande anti-communiste du gouvernement de Tchang Kai-Check 蒋介石 jusqu’au regard bienveillant actuel, en passant par la propagande communiste la plus enthousiaste des années 50, la censure la plus terrible de la Révolution culturelle, à la dénonciation des années 90. Patrick Doan a, pour sa part, abordé le sujet en étudiant l’image des héros communistes dans le cinéma. Pour ce faire il s’est appuyé sur deux films évoquant la vie de l’héroïne rouge, Liu Hulan 刘胡兰. Pour terminer avec l’aspect historique de ce colloque, on peut citer la présentation de Raymond Delambre qui a analysé les enjeux historiques et esthétiques du cinéma chinois en s’appuyant à la fois sur les films antérieurs à l’apparition de la RPC, et sur la carrière de l’actrice-chanteuse Zhou Xuan 周旋.

Une des forces du cinéma est de pouvoir traiter les sujets très légers comme les sujets les plus graves, tel que l’Histoire comme évoquée précédemment, ou des sujets sociaux-historiques. Le film Nü Fuma 女驸马 (Le gendre de l’empereur est une femme), présenté par Xia Dongchun, permet de découvrir le système des concours administratifs dans la Chine impériale : une femme se travestit en homme pour passer un examen mandarinal. Il est évident que l’on parle ici de fiction, dont le principal but est de dénoncer la condition de la femme. Ce thème a été d’ailleurs approfondi par Emilie Guillerez qui s’est intéressée à l’image des femmes dans le cinéma chinois des années 20 et 30. Parfois l’Histoire et le social se mêlent ; le film Vieilles histoires du sud de la ville (Cheng nan jiushi) 城南旧事 présenté par Du Lili est basé sur une autobiographie qui offre un panorama typique et pittoresque du Pékin disparu des années 20 du XXe siècle. D’une mégalopole à une autre, Shanghai a aussi été mis en scène au cinéma ; ce sont les différentes facettes de cette ville que nous a présenté Nancy Balard.

La question des adaptations cinématographiques des œuvres littéraires, elle non plus, n’a pas échappé à l’attention des participants. Chantal Séguy et Mme Carcaud Macaire ont fourni une analyse du film adapté de La véritable histoire de A-Q (A Q zhengzhuan) 阿Q正传 de Lu Xun 鲁迅. Solange Cruveillé a montré les influences littéraires et historiques dans les films de Zhang Yimou 张艺谋. Pour ma part, j’ai analysé les adaptations cinématographiques d’un recueil de conte chinois du XVIIe siècle, le Jingu qiguan 今古奇观 (Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois). En m’appuyant sur sept films adaptés du 33ème conte du recueil, à savoir « Tang jieyuan wanshi chu qi » 唐解元玩世出奇 (Tang "Premier à la licence" joue un destin extraordinaire), j’ai étudié comment les réalisateurs ont mis au goût du jour une matière vieille de plus de trois siècles.

Par ailleurs, les sujets intrinsèques au cinéma ont également été abordés. L’aspect économique du cinéma chinois a été traité par Jacques Choukroun au travers des statistiques d’articles traitant du cinéma chinois dans la presse française. Dans un pays tel que la Chine, où la liberté d’expression est restreinte, la censure demeure. Isabelle Anselme nous a présenté le cadre juridique très aléatoire de la création et de la diffusion cinématographiques en Chine. La traduction des films chinois en français n’est pas aussi facile que pour des films provenant de certains pays culturellement plus proches. En s’appuyant sur la traduction du film Le roi des masques (Bianlian) 变脸, Fabrice Lebert a évoqué la difficulté à traduire la langue, les concepts, mais aussi la gestuelle utilisée dans les films chinois. Enfin, Sandrine Chenivesse, à travers de son expérience personnelle, nous a offert un regard tout à fait original sur la création cinématographique de Jiang Wen 姜文 qui est à la fois acteur et réalisateur.

Tout au long de ces trois jours, des débats enthousiastes ont eu lieu pendant le colloque et en dehors. Toutes ces communications intéressantes ainsi que les discussions passionnantes offrent de nouvelles perspectives de recherche sur le cinéma chinois, qui est populaire et prolifique en Chine, mais si peu connu en France car peu traduit. Le cinéma chinois grâce à sa diversité et son dynamisme peut être un bon moyen de découvrir la Chine et la culture chinoise.

Huang Chunli

mercredi 18 mai 2011

Miscellanées littéraires (002)

« A beggar and his baby in a basket in old China »
From a group of 1895-1935 hand-colored and black & white glass lantern slides of old pre-WW2 China (Galerie de Okinawa Soba sur http://www.flickr.com/)

Sans détour intempestif, voici la deuxième de nos « Miscellanées littéraires » ; elle concerne encore la Chine. Nous la devons à nouveau à Thomas Pogu qui l’a pêchée dans La Philosophie dans le boudoir (Gallimard, coll. « Folio classique », respectivement pp. 77-78 et p. 247) de Sade (2 juin 1740 - 2 décembre 1814). Les deux passages retenus proviennent respectivement du « Troisième dialogue » et du « Cinquième dialogue » qui est le pamphlet « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » lu par Le Chevalier :
  1. Dolmancé : « Un des premiers vices de ce gouvernement consiste dans une population beaucoup trop nombreuse, et il s'en faut bien que de tels superflus soient des richesses pour l'État. Ces êtres surnuméraires sont comme des branches parasites qui, ne vivant qu'aux dépens du tronc, finissent toujours par l'exténuer. Le Chinois, plus sage que nous, se garde bien de se laisser dominer ainsi par une population trop abondante. Point d'asile pour les fruits trop honteux de sa débauche : on abandonne ces affreux résultats comme les suites d'une digestion. Point de maisons pour la pauvreté : on ne la connaît point en Chine. Là, tout le monde travaille : là, tout le monde est heureux ; rien n'altère l'énergie du pauvre, et chacun y peut dire, comme Néron : Quid est pauper ? »
  2. « Dans toutes les villes de la Chine, on trouve chaque matin une incroyable quantité d'enfants abandonnés dans les rues ; un tombereau les enlève à la pointe du jour, et on les jette dans une fosse ; souvent les accoucheuses elles-mêmes en débarrassent les mères, en étouffant aussitôt leurs fruits dans des cuves d'eau bouillante ou en les jetant dans la rivière. À Pékin, on les met dans de petites corbeilles de jonc que l'on abandonne sur les canaux ; on écume chaque jour ces canaux, et le célèbre voyageur Duhalde évalue à près de trente mille le nombre journalier qui s'enlève à chaque recherche. »
Qui aura la patience d’aller vérifier que Jean-Baptiste Du Halde (1674-1743), qui livra, en 1735, sa Description géographique, historique, chronologique, politique, et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise. (Paris, P. G. Lemercier) s’est effectivement exprimé de la sorte ? C’est, pour ceux qui en auront la curiosité et le temps, possible toujours grâce à Pierre Palpant qui a fourni de l'ouvrage une version en ligne sur son site « Chine ancienne », ici.

C’est de Du Halde que Voltaire écrivit en 1756 (Le Siècle de Louis XIV), « Quoiqu'il ne soit point sorti de Paris, et qu'il n'ait point su le chinois, [il] a donné, sur les mémoires de ses confrères, la plus ample et la meilleure description de l'empire de la Chine qu'on ait dans le monde ». On ira aussi puiser bien des informations dans La Preuve par la Chine : la Description de J.-B. Du Halde, jésuite, 1735, d’Isabelle Landry (Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, 2002).

vendredi 13 mai 2011

Le cinéma chinois à Montpellier

Alors que le Festival de Cannes qui propose notamment à son programme un remake de Seppuku 切腹 (Hara-kiri) de Kobayashi Masaki 小林 正樹 prix spécial du jury 1963, Ichimei [Hara-kiri : Death of a Samurai] de Miike Takashi 三池 崇史, s'achèvera, se tiendra à Montpellier le colloque international

Cinéma chinois :
les ombres éclectiques

(19 au 21 mai 2011)

Au programme de ces trois journées consacrées au septième art chinois notons la présence de trois des membres de notre équipe. Le 20, Patrick Doan parlera de « Liu Hulan, héroïne rouge, dans des films d’époques différentes » (à 11h30) et Huang Chunli se penchera sur « Les adaptations cinématographiques d’un recueil de contes du XVIIe siècle, le Jingu qiguan » (à 15h45). Le lendemain, Solange Cruveillé traitera des « Influences littéraires et historiques dans les films de Zhang Yimou » (9h30).

Si vous êtes à proximité de l’Université Paul Valéry – Montpellier 3, IRIEC, précipitez-vous salle C 020. Bien d’autres intervenants dont les réalisateurs chinois Li Junhu et Hu Wei vous y attendront.

dimanche 24 avril 2011

Miscellanées littéraires (001)

Pour dynamiser un blog qui attend toujours un nouveau souffle pour prendre son envol sur une plateforme plus adaptée à ses ambitions, je vous propose une nouvelle rubrique que chacun pourra alimenter au gré de ses lectures sans autre justification que de faire œuvre utile en signalant un passage d’une œuvre littéraire qui parle sous un jour inattendu et stimulant de l’espace culturel et géographique extrême-oriental de son choix. Je dois l’idée de cette initiative à Thomas Pogu, fidèle lecteur de ce blog auquel il contribua, qui m’a signalé plusieurs extraits de ses récentes lectures parlant de la Chine.

En effet, l’auteur du présent passage est trop connu pour que je réactive la rubrique « Devinette » qui n’est pourtant pas morte avec la 22ème, laquelle, en date du 1er avril 2010, n’a toujours pas été résolue ----- voici donc sans autre enjeu que le plaisir de la surprise et l’opportunité d'avoir un aperçu sur le regard que portait Honoré de Balzac (1799-1850) sur la Chine, un passage des Illusions perdues (Gallimard, coll. « Folio-Classique », n° 62, pp. 129-131) où le jeune David Séchard, fils d'imprimeur, parle de son projet de révolutionner l'industrie du papier en s'inspirant des techniques chinoises :
« Il y eut donc un jour dans mon cabinet une vive discussion sur les ingrédients dont on se sert en Chine pour fabriquer le papier. Là, grâce aux matières premières, la papeterie a, dès son origine, atteint une perfection qui manque à la nôtre. On s'occupait alors beaucoup du papier de Chine, que sa légèreté, sa finesse rendent bien supérieur au nôtre, car ses précieuses qualités ne l'empêchent pas d'être consistant ; et, quelque mince qu'il soit, il n'offre aucune transparence. (...) Le papier de Chine ne se fabrique ni avec de la soie ni avec le broussonatia ; sa pâte provient des fibres du bambou triturées. L'abbé Grozier possédait un livre chinois, ouvrage à la fois iconographique et technologique, où se trouvaient de nombreuses figures représentant la fabrication du papier dans toutes ses phases, et il nous montra les tiges de bambou peintes en tas dans le coin d'un atelier à papier supérieurement dessiné. (...) La main-d'œuvre n'est rien en Chine ; une journée y vaut trois sous : aussi les Chinois peuvent-ils, au sortir de la forme, appliquer leur papier feuille à feuille entre des tables de porcelaine blanche chauffées, au moyen desquelles ils le pressent et lui donnent ce lustre, cette consistance, cette légèreté, cette douceur de satin, qui en font le premier papier du monde. Eh bien ! il faut remplacer les procédés du Chinois au moyen de quelque machine. On arrive par des machines à résoudre le problème du bon marché que procure à la Chine le bas prix de sa main-d'œuvre. Si nous parvenions à fabriquer à bas prix du papier d'une qualité semblable à celui de la Chine, nous diminuerions de plus de moitié le poids et l'épaisseur des livres. Un Voltaire relié, qui, sur nos papiers vélins, pèse deux cent cinquante livres, n'en pèserait pas cinquante sur papier de Chine. Et voilà, certes, une conquête. »


En complément à ces considérations économiques qui « font toujours écho à nos oreilles du XXIe siècle » et qu'on aura intérêt à relire dans leur intégralité, rappelons que M. l’Abbé Jean-Baptiste Gabriel Alexandre Grosier (1743-1823), qui fut chanoine de St-Louis du Louvre est aussi l’auteur d’une Description générale de la Chine ou Tableau de l’état actuel de cet empire ... datant de 1785, que l’on peut lire en ligne grâce à Pierre Palpant sur son indispensable site « Chine ancienne », et dont le chapitre V est intitulé « Papier, encre, imprimerie, &c. » (pp. 610-616).

On pourra poursuivre la recherche en identifiant le bel ouvrage dont il est fait mention au début du roman qui a été traduit en chinois à plusieurs reprises, ce qu’indique avec précision la base de données des « Livres français traduits en chinois - Fu Lei » du nom d’un des traducteurs de l’œuvre, Fu Lei 傅雷 (1908-1966) ; les deux autres furent Gao Mingkai 高名凯 (1911-1965) et Mu Mutian 穆木天 (1900-1971). On sait que Balzac fut abondamment lu en Chine et cette œuvre, connue sous le titre Huan mie 幻灭, fréquemment éditée depuis 1944, pas moins que les autres. Elle y a reçu des adaptations illustrées qui font dorénavant le bonheur des bouquinistes en ligne. Celle qui fournit les illustrations de ce billet date du début des années 1980.

samedi 23 avril 2011

Deux écrivains coréens en Provence


Après Avignon, le 4, et avant Arles le 6, Jo Kyung-Ran et Yi In-Seong seront à l'Amphithéâtre de la Verrière de la Cité du Livre d'Aix-en-Provence, le jeudi 5 mai 2011 à partir de 18h30.

On trouvera tous les détails de ces trois rencontres organisées par Jean-Claude de Crescenzo et Hye-Gyeong Kim à l'initiative du Korea Literature Translation Institute, de l'Université de Provence, de la revue Keulmadang, des Ecritures croisées, du Collège International des Traducteurs et de la Médiathèque Ceccano, et les informations sur tous les intervenants sur le site de la revue de littérature coréenne Keul-Madang.

mercredi 20 avril 2011

Urbain, trop urbain : l’appel pour Shanghai


Ce billet qui ravira tous les amoureux de Shanghai ne devrait néanmoins laisser personne indifférent puisqu’il va permettre à chacun de découvrir, si ce n’est déjà fait, un site dynamique et un « objet numérique » baptisé Urbain, trop urbain — La revue de ville qui est « une création éditoriale entièrement numérique « accessible sur liseuse, tablette numérique type iPad ou en streaming (...) qui vise, dans chacune de ses livraisons, à créer un univers de rencontre avec une ville donnée, univers porté par toute forme d’écriture numérique (textes, vidéos, photos…) à portée scientifique, littéraire ou artistique, et qui ne recoupe aucun guide touristique connu, sans prétendre d’ailleurs se substituer à ce genre ni à la littérature existante. [Son] parti pris est de donner à voir, à sentir et à comprendre au flâneur urbain d’aujourd’hui une ville, par des approches fragmentaires (dialogues, parcours, grilles de lecture, cartes, critiques architecturales, instants croqués en images ou poèmes…) qui soient autant d’invitations à se tracer des perspectives individuelles, à l’écart de la norme du voyage qui est celle du « guide » traditionnel. »

Cette revue dirigée par Matthieu Duperrex et Claire Dutrait, membres fondateurs de l’association «Urbain, trop urbain» et éditeurs du site www.urbain-trop-urbain.fr va consacrer son premier numéro à Shanghai et lance un appel à contribution dans ce sens :
Mégalopole de vitesse et de changement permanent, Shanghai met à l’épreuve la forme de la ville que l’Occident a façonnée, en contredisant sa fixité et son idéal. L’exposition universelle de 2010 a voulu la montrer comme une figure de proue de l’âge global, alors que les modes de vie de certaines zones de la ville sont éminemment locaux. Ville chinoise ou horizon de la ville contemporaine ? Shanghai est prise dans un écheveau complexe, dont les lignes de forces, politiques, territoriales et historiques ne semblent pas devoir se réduire les unes aux autres. La trame de la ville échappe au récit omniscient et invite à développer des approches parcellaires et éclatées…
Nature des contributions attendues

Le parti pris étant d’offrir des approches multiples de Shanghai, les contributeurs viennent d’horizons différents : histoire, littérature, architecture, ingénierie, géographie, art, économie, etc., et les contributions prennent des formes variées— chaque discours n’étant pas réductible à son abstract, mais étant redevable aussi de la manière dont il est porté.

Chaque proposition entrera dans l’une des quatre catégories prévues :
  • Signal urbain - Il s’agit dans cette catégorie de contributions de se demander ce qui «fait signe» dans l’espace urbain de Shanghai, notamment en tant qu’événement architectural ou point de repère spécifique. >Fiche d’architecture, photographie commentée, parcours autour d’un édifice ou entre des monuments, vidéo, portfolio, dessin…
  • Lecture urbaine - Il s’agit ici d’entrer dans l’espace de Shanghai, et d’y tracer des lignes signifiantes, de donner une grille de lecture, quel que soit l’angle adopté. > Promenade, analyse, enquête, reportage, interview d’expert… Format cartographique, étude essentiellement rédactionnelle, cahier, inventaire graphique, pratique artistique, relevé audio, séquence vidéo…
  • Écriture urbaine - Il s’agit cette fois de montrer l’emprise de la ville sur l’expression, de donner à percevoir des fragments de la réalité shanghaienne pris dans le prisme d’une subjectivité assumée par une écriture littéraire, poétique, ou artistique. > Portrait, poème, fiction, chronique, récit, Petit Objet Multimédia, intervention artistique…
  • Post-it urbain - Il s’agit de nourrir le «magazine culturel» de la revue et d’offrir sur Shanghai un certain nombre de repères ou adresses au flâneur urbain. > Fiche de lecture (un livre, un film), critique, tribune, webographie, brève, bonnes feuilles…
Pour les Modalités de participation, je vous invite à consulter la page : http://www.urbain-trop-urbain.fr/ecrire/shanghai/

samedi 9 avril 2011

10 fois 10 000

100 000, c’est le nombre de visites reçues par ce blog depuis sa création le 18 novembre 2006 à 2 h. 18.

100 000 visites, soit un peu plus d’une soixantaine de visites quotidiennes pendant un peu plus de 1600 jours jusqu’à ce 9 avril 2011, vers 9 h. 08. C’est ce qu’a indiqué le compteur fixé depuis maintenant plus de quatre ans en bas de la colonne de gauche de cette page.

Je ne suis pas en mesure de dire qui fut le 100 000ème visiteur, mais, peut-être, n’est-il pas Français -- pourtant l’écrasante majorité des visites se fait depuis la France, loin devant les Etats-Unis, la Belgique et le Canada ; le Japon n’arrive qu’en 7ème position derrière l’Allemagne, puis la Suisse, mais juste devant la Chine ! : serait-ce un citoyen britannique, ou du Maroc ? Ce pourrait aussi bien être un habitant de Hong-Kong, ou de Taiwan, où nous sommes également lus.

Dans tous les cas, merci à toutes et à tous pour votre curiosité et votre intérêt pour les littératures d’Extrême-Orient, et, ..... pour un plus petit nombre d’entre vous, merci pour votre fidélité et votre amicale attention, et .... pour un nombre encore plus restreint, vos chaleureux encouragements à continuer à tenir la barre de ce frêle esquif.

Merci encore à ceux qui, membres de l’équipe, professeurs et étudiants, m’ont aidé à publier les 425 billets qui ont précédé celui-ci, et à ceux qui ont osé les commenter.

Un amical bonjour, enfin, à vous tous lecteurs, contradicteurs, curieux et passionnés.... que l’illustration de ce billet soit une invitation à la rêverie et à revenir bientôt lire de plus consistants développements sur les littératures d’Extrême-Orient et ceux, auteurs et traducteurs, éditeurs et lecteurs, qui les font vivre.