samedi 8 novembre 2008

Week-end Fu ...

... ou, pour filer la private joke, W.-E. ふ.

Les moments de détente étant rares, ils sont précieux. En conséquence, il convient de ne pas se tromper dans le choix des films (pour ceux qui aiment encore ce genre moribond), les eXpo[sition]s, les balades et les livres à inscrire au programme de week-ends toujours trop courts. Je vous laisse vous débrouiller pour le reste, mais pour les livres, je me permets d'intervenir pour vous conseiller une lecture. Il s'agit, ni plus ni moins, de la suite des aventures de Fu Manchu dont je vous avais déjà vanté les qualités, celles du texte comme celles de la traduction d'Anne-Sylvie Homassel.

Si vous avez aimé Le Mystérieux Docteur Fu Manchu que les Editions Zulma avaient publié en janvier 2008, vous allez adorer

On y retrouve sous la belle couverture de David Pearson, le souffle mystérieux et haletant qui a fait le succès de la série de Sax Rohmer (1883-1959) lors de sa sortie au tout début du XXe siècle (1913 et 1916). La traductrice a encore fait des prouesses pour ressusciter un feuilleton à rebondissements que les précédentes traductions avaient pour le moins terni. En lui redonnant toute sa vigueur sans ruiner son irrésistible humour, elle en sert admirablement l'esprit et nous plonge d'emblée dans l'action. Voyez, si après avoir lu le passage suivant, vous pouvez résister longtemps au charme de l'écriture de Sax Rohmer et à l'attraction du docteur Fu Manchu :
« Imaginez-vous donc un individu long, maigre, félin, les épaules hautes ; donnez-lui le front de Shakespeare et le visage de Satan, un crâne soigneusement rasé et des yeux verts - verts comme ceux des chats. Mettez à sa disposition toute la cruauté d'un vaste peuple de l'Asie, concentrée en un esprit géant, toutes les ressources de la science du passé et du présent et peut-être bien toute la fortune d'un riche gouvernement - même si celui-ci nie complètement l'existence de cet individu. Cet être effroyable, le voyez-vous en esprit ? Eh bien, je vous présente le Dr Fu Manchu, le péril jaune incarné en un seul individu. »
Reposé l’ouvrage, on se demande avec angoisse combien de temps on va devoir attendre avant l’arrivée dans nos librairies de L'Ombre du docteur Fu Manchu, troisième épisode du cycle fu-manchien et promesse d'un nouveau week-end absolument Fu. (P.K.)

vendredi 7 novembre 2008

Babel-UP

« Fifty to ninety percent of the world's languages
are predicted to disappear in the next century,
many with little or no significant documentation.
»

Cette constatation, particulièrement effrayante, est à la base du Rosetta Project qui est « a global collaboration of language specialists and native speakers working to build a publicly accessible digital library of human languages. Since becoming a National Science Digital Library collection in 2004, the Rosetta Archive has more than doubled its collection size, now serving nearly 100,000 pages of material documenting over 2,500 languages—the largest resource of its kind on the Net. »

Je vous invite à prendre la mesure de ce projet grandiose en consultant rosettaproject.org et en suivant ses progrès sur le blog de The Long Now Foundation qui y revient dans un billet du 3 novembre 02008 dans lequel il est fait état des dernières nouvelles concernant


Ce court préambule pour signaler aux étudiants et aux enseignants de notre université qu'un projet de mise en commun des langues est en train de prendre forme et que certaines activités sont d'ores et déjà programmées.
Je me contenterai ici de proposer des fragments des documents et des annonces concernant ce projet qui a pour nom

BabeL1
Son coordinateur est Médéric Gasquet-Cyrus
(Département de Linguistique et Phonétique générales)

BabeL1 s'inscrit dans le cadre du projet d'université « Rompre l’isolement » qui vise à renforcer le lien social entre les étudiants notamment ceux qui sont en première année de licence, d'où le L1 de l'intitulé :
Dans ce cadre, le Département de Linguistique et Phonétique Générales, avec les départements d’espagnol et d’anglais, propose un projet destiné à renforcer la communication et la vie universitaire à travers la mise en valeur des langues et de leurs dimensions culturelles. L’intention générale est de mettre en avant la dimension plurilingue de l’Université de Provence, telle qu’elle a été rendue visible par un récent dossier de l’UP : Les langues à l’Université. Un plurilinguisme présent à travers les 45 langues enseignées à Aix (2e offre après Paris), mais aussi à travers les langues et variétés dialectales parlées par tous les étudiants.

Il s’agira donc de faire voir ou entendre un maximum de langues. Plus précisément, l’accent sera mis sur la manière dont les langues permettent d’exprimer une certaine sociabilité, une manière d’être ensemble. A ce titre, il serait intéressant de collecter, dans le plus grand nombre de langues possible, des façons de se saluer et de souhaiter la bienvenue, des mots, des expressions, des dictons, des chansons ou des extraits poétiques évoquant la rencontre, l’empathie, etc.

Concrètement, les étudiants intéressés, soutenus par les enseignants motivés, mettront en œuvre des actions pour laisser voir/entendre ce plurilinguisme, notamment au cours de la journée festive du mardi 2 décembre 2008 sur le thème de la rencontre, point d’orgue du premier volet du projet « Rompre l’isolement ».

Ce jour-là, le grand hall sera investi par des étudiants de nombreux départements qui présenteront de la musique, de la danse, du théâtre, des ateliers de traduction, des expos photos, des sports, des émissions radio, etc.
Une première réunion a permis de définir les pistes de travail suivantes.
  • Textes à trouver, à afficher et à traduire dans le plus grand nombre de langues / dialectes / variétés possibles : « Bienvenue », « - Salut, ça va ? - Oui, et toi/vous ? », « Merci », « A bientôt ». Expressions, proverbes, dictons, extraits de chansons, de poésies… Jeux de mots, virelangues (style « Les chaussettes de l’archiduchesse… »)
  • Traductions : signalétique (grand hall, accueil, étages, amphi, secrétariat, bibliothèque, WC, etc.), atelier de traduction (en concertation avec l’atelier concerné), atelier Langue des Signes, traduire les activités qui se dérouleront le 2 décembre 2008 dans le grand hall : théâtre, danse, traduction, langue des signes, sports, musique, atelier de gestion du stress, etc.
  • Sonorisation : diffusion de messages (mots, expressions, dialogues, chansons…) dans un grand nombre de langues dans le grand hall, possibilité de fournir des sons à RadioLab pour qu’elle fasse des mixages des sons.
Les dates des prochaines réunions ont déjà été fixées :
  • lundi 17/11 de 12h30 à 13h45, amphi Guyon
  • lundi 24/11 de 12h30 à 13h45, amphi Guyon
Les enseignants et étudiants intéressés doivent prendre contact au plus vite avec
Médéric Gasquet-Cyrus (mederic.gasquet-cyrus@univ-provence.fr)

mercredi 5 novembre 2008

Devinette (017)

Trouver une devinette qui résistera à Google devient de plus en plus difficile. En vous proposant le texte suivant pour objet de réflexion, je ne suis pas assuré d'avoir mis la main sur un ouvrage ayant échappé à une 'pdf-ification' à grande échelle des sources tombées dans le domaine public. Si c'est effectivement le cas, l'identification de l'auteur (et de la provenance) du texte suivant risque de vous poser quelques difficultés -- juste rétribution de mes efforts pour vous amuser :
Personne n'ignore la campagne bruyante menée par la presse pendant la fin de l'année 1913, en faveur du Confucéisme. Les dissertations succèdent aux dissertations dans le but d'obtenir que le Confucéisme soit proclamé comme religion d'Etat. Les arguments invoqués sont très pauvres, mais la passion des lutteurs décuple leur audace, il s'agit en effet de concentrer dans les mains des lettrés toutes les forces universitaires pour opprimer à leur guise toute idée contraire à la leur ; c'est avant tout un combat acharné contre l'influence des étrangers en Chine. Ces gens-là ressemblent à leurs aînés, ils veulent la liberté mais pour eux seuls, le Confucéisme est pour eux un moyen d'exclure des charges publiques et de l'enseignement quiconque refusera de plier le genou devant l'idole. Le Confucéisme n'est pas une religion, ce n'est qu'une école en littérature, une secte des partisans à outrance de l'antiquité et des traditions des anciennes dynasties chinoises.
En janvier 1917, par neuf voix de majorité, l'Assemblée nationale vient de décréter que le Confucéisme ne sera point établi comme religion d'Etat. La liberté des cultes est sanctionnée. Cette décision, si elle est maintenue, serait un gage de paix et de concorde. Sommes-nous à l'abri d'un retour offensif ? Ce qu'il y a de certain c'est que le bloc des Lettrés n'a pas désarmé.
Après réflexion, je pense que j'aurai peut-être dû me contenter de vous demander de traduire le talisman/indice retenu en illustration. N.B. que celui-ci traite le délire : « Quand le malade parle sans en avoir conscience, dès qu'on s'aperçoit du désordre de ses facultés mentales, on colle ce talisman sur sa poitrine, ou on l'épingle sur ses habits. S'il peut encore absorber du liquide, on lui donne à boire une potion contenant la cendre du talisman. » Vous pouvez dès lors affronter cette 17ème devinette dont la réponse viendra, en son temps, récompenser vos efforts. (P.K.)

mardi 4 novembre 2008

Kǔmutonèla et cetera

Avant tout, je tiens à remercier Vincent Durand Dastès (INALCO) dont l'ouvrage La Conversion de l'Orient : une pérégrination didactique de Bodhidharma dans un roman chinois du XVIIe siècle (Leuwen : Peeters / Bruxelles : Institut Belge des Hautes Etudes Chinoises, coll."Mélanges chinois et bouddhiques" n° XXIX, 2008, X-437p.) vient de sortir, de m'avoir signalé l'existence de ce sympathique projet mené depuis la Bibliothèque Universitaire des langues et civilisations (BULAC) de l'INALCO qui porte le titre de

La page d'accueil du site qui permet d'en feuilleter les premières pages le présente ainsi :
Le Dictionnaire des Intraduisibles est un projet, ouvert à tous, qui vise à célébrer de manière ludique la diversité des langues. Chaque personne peut proposer un ou plusieurs mots choisis dans sa langue de prédilection et qui, pour des raisons culturelles, résistent à l'exercice de la traduction. Chaque mot doit faire l'objet d'un article éclairant la singularité de ce mot. Attention ! Ces articles ne sont pas destinés à des scientifiques mais à un public plus large, simples lecteurs curieux des cultures du monde. Les textes doivent donc être imaginés comme des invitations au voyage ; il est essentiel de les rédiger avec un esprit de jubilation, sans jargon technique.
La procédure pour participer est simple et clairement expliquée. Au terme d'un processus de mise en ligne des articles, ceux-ci seront publiés sous le titre de Dictionnaire des Intraduisibles. L'ouvrage sortira en librairie à l'automne 2010.

Voici, afin de stimuler des vocations, deux exemples de mots intraduisibles qu'on pourra y trouver :
  • Celui-ci, publié le mercredi 22 octobre 2008, a été proposé par Annie Montaut, professeur de hindi et de linguistique générale à l’INALCO et traductrice :
Tout le monde voit ce que c’est mais personne ne parvient à le traduire. C’est en tout cas un terme dont le sens est loin de s’épuiser dans « illusion » et ses connotations négatives.
Māyā préside à la construction du monde contingent, celui-là même où l’homme est amené à exercer sa tâche d’homme (dût-elle consister à transcender māyā). Il est cela même dont les artistes refusent de se détourner car māyā conditionne la création artistique (par opposition à la trajectoire mystique, qui prêche volontiers le détournement par rapport à māyā)...
  • Celui-ci, mardi 28 octobre 2008, a été proposé par Marcel Courthiade, maître de conférences à l'INALCO :
Faire comme une fourmi qui tourne dans tous les coins pour rapporter des provisions à la maison.
Kǔmutonèla i kiri kaj naj la muj, na o manuś ! / « Même la fourmi qui n'a pas de bouche (qui est un animal) elle "kǔmutone", à plus forte raison l'homme ! »
A vous de jouer : qui n'a pas dans son enfer personnel quelqu'intraduit ? (P.K.)

samedi 1 novembre 2008

Le Clézio et la Chine

Suite à l'attribution récente du prix Nobel de littérature 2008 à Le Clézio, l'agence de presse chinoise Xinhua a publié en ligne un article fort intéressant sur la réception en Chine du célèbre écrivain français, dont nous vous livrons une traduction générale. L'occasion pour nous de juger de quelle notoriété
Jean-Marie Gustave Le Clézio
(让·马瑞尔·古斯塔夫·勒·克莱齐奥)
jouit en Chine, mais aussi de savoir quelles sont les étapes de sa carrière ou bien ses goûts littéraires qui ont le plus marqué le public chinois.

Le titre même de l'article présente Le Clézio comme un « grand passionné de culture chinoise et un fan de Lao She 老舍 ». Celui qui est considéré en France comme « l'un des plus grandioses écrivains existants », et présenté par l'Académie suédoise comme « le pionnier d'un nouveau genre littéraire, aux oeuvres pleines d'un mystère poétique », offre à l'Europe un nouveau prix Nobel de littérature, laissant « les écrivains américains loin derrière » (la dernière en date étant l'écrivaine Tony Morrison, en 1993).

Après une présentation biographique de Le Clézio, l'article cite son premier roman, très remarqué, le Procès-verbal 诉讼笔录 publié en 1963, alors qu'il n'est âgé que de 23 ans. Suivront une trentaine d'ouvrages, avec pour protagonistes une majorité de « marginaux et de vagabonds, qui reflètent son intérêt pour les sociétés primitives et les cultures anciennes disparues, et tout particulièrement les Indiens d'Amérique ». En 1994, le magazine français, Dushu 读书 (Lire) publie également le résultat d'une enquête d'opinion auprès des lecteurs français, qui le placent comme l'une des trois étoiles de la littérature française, aux côtés de Modiano 莫迪亚诺 et de Perec 佩雷克.
Le Clézio éprouve depuis longtemps un vif intérêt pour la Chine : en 1967, alors que la France et la Chine renouent au niveau des relations diplomatiques, l'écrivain demande à faire partie du premier groupe de jeunes gens envoyés en Chine dans le cadre d'une coopération francochinoise. Malheureusement, sa demande est rejetée. Mais l'écrivain se rappelle que, dans l'attente de la décision du Ministère français des Affaires Etrangères, le ciel de Nice avait pris pour lui un autre éclat, identique à celui des planches d'illustration du Rêve dans le pavillon rouge (Hongloumeng 红楼梦 ) de Cao Xueqin 曹雪芹. Le Clézio a toujours ressenti un vif intérêt pour la culture chinoise, pour la littérature chinoise en particulier, et surtout pour les oeuvres de Lao She. Il affirme : « La lecture des grands classiques de la littérature chinoise, la découverte de l'Opéra de Pékin mais aussi de la peinture traditionnelle chinoise m'ont profondément influencé. J'apprécie tout particulièrement les romans chinois modernes, notamment ceux de Lu Xun 鲁迅 et de Ba Jin 巴金, et tout spécialement ceux du romancier pékinois Lao She. Je trouve que la profondeur, l'enthousiasme et l'humour qui se dégagent des romans de cet écrivain ont un caractère universel, qui dépassent les frontières nationales ».

Celui qui s'est déjà rendu en Chine par trois fois s'est vu décerner le 28 janvier 2008 par la maison d'édition Renmin wenxue 人民文学 le prix du meilleur écrivain étranger de l'année 2006 pour son roman Ourania 乌拉尼亚. Il s'est alors déplacé à Beijing pour recevoir son prix. Le plus grand spécialiste chinois actuel de littérature française (et ami de Le Clézio), Yu Zhongxian 余中先, a commenté avant même l'annonce du nouveau Prix Nobel de littérature, que s'il devait être attribué à un écrivain français, ce serait forcément à Le Clézio. « L'écriture de Le Clézio est vraiment remarquable ! [...] L'obtention du prix Nobel de littérature n'est pas une surprise, il méritait vraiment cette récompense », a dit-il déclaré plus tard, lui qui a lu presque tous ses romans, dont Le Procès-verbal 诉讼笔录 et La Guerre 战争, les plus célèbres.

L'écrivain est admiré pour son incroyable discernement ainsi que pour sa capacité à dépeindre ceux qui vont à contre-courant et vivent en marge de la société moderne. Ces personnages sont souvent des laissés-pour-compte du monde moderne, ils vénèrent la nature et la liberté, tout en conservant leur simplicité. Yu Zhongxian considère que l'intérêt de Le Clézio pour ces sociétés est sans doute lié à son expérience personnelle : même s'il est né en France et a reçu une bonne éducation en Angleterre, il a également vécu en Afrique et en Corée, et sa position cosmopolite fait qu'il a toujours su laisser de côté les préjugés et s'intéresser aux gens qui vivent retirés. Lors de sa venue en janvier à Beijing pour recevoir son prix, Yu Zhongxian a noté qu'il portait aux pieds de simples sandales sur une paire de chaussettes, et ce malgré le froid : sûrement une habitude qu'il avait gardé de son long séjour en Afrique !
On peut donc voir que la remise du Prix Nobel de littérature 2008 à Le Clézio ravit le public chinois, qui a su très tôt reconnaître en lui un écrivain de talent, et apprécie depuis longtemps déjà son amour pour la culture et la littérature chinoise. (Solange Cruveillé)

vendredi 31 octobre 2008

Traduit du coréen (004)

Un joli ovni dans le paysage de la littérature coréenne traduite :

Saumon (연어) de AHN Do-Hyun (안 도현),
poète et nouvelliste coréen de la jeune génération.
(Editions Philippe Picquier,
traduction Yeong-hee Lim et Françoise Nagel, 2008, 142 p.)


Ce remarquable petit livre écrit en 1996, voulu par l’auteur comme « un conte de fées pour adultes » est aussi un bel objet à la reliure cartonnée, bien rare de nos jours en édition courante, jaquette illustrée par Eom Taek-Su (엄 택수) qui signe aussi les illustrations intérieures. L’éditeur Philippe Picquier a sans doute voulu prolonger la poésie du texte par une mise en page soignée et une maquette aérée, très agréable à lire.

Si dès les premières pages nous entrons dans la cuisine de l’auteur, en train de préparer un article sur la pêche du saumon, - pêche coupable de détruire l’écosystème -, c’est pour mieux en éprouver la posture choisie : la connaissance est source de l’imagination. Une connaissance obtenue à force « de se mettre au niveau du saumon » pour regarder le monde avec le coeur, car « l’essentiel est invisible à nos yeux », ainsi que l’affirme le renard au Petit Prince, de Saint-Exupéry, auquel nous pensons en lisant Ahn Do-Hyun. Se mettre au niveau du saumon, c’est aussi parler le « saumon », sorte de langage poétique, au fil de l’eau, entre ciel et mer, regard porté sur le monde destructeur des hommes.

Vif-Argent le saumon au dos d’écailles argentées, héros et narrateur vit au milieu du banc, à place décrétée par le chef pour le protéger des rapaces attirés par la brillance exceptionnelle de son dos. Mais il étouffe dans la communauté protectrice des saumons. Il préférerait vivre libre et vulnérable que protégé et exclu du monde. Il voudrait pouvoir dire « non », mais dans cette communauté des saumons, il y a des termes prohibés, à ne jamais prononcer, comme : désobéissance, révolte, résistance, révolution ou même un simple « non » ! Il faut avant tout se conformer à l’ordre du chef, avisé et protecteur de la collectivité qui décide pour le bien de tous.

Ce voyage du saumon est le voyage du retour aux sources, du retour à l’origine, au lieu de naissance, au moment où il faut remonter le fleuve pour aller frayer et mourir. Ce chemin balisé, inexorable, Vif-Argent le refuse. Il lui est impossible de penser que la vie ne serait pas autre chose que ce but assigné, que ce destin collectif, que de génération en génération il faut assumer sans pouvoir le changer ni même discuter. Il faudra toute la patience de Regard-Limpide, la belle saumone, qui le sauvera des griffes de l’ours, pour lui rendre l’acuité du regard, nécessaire à la traversée de ce destin, car « seul le saumon capable de regarder la beauté du monde peut tomber amoureux ». Le sens caché de l’existence ne se révèle que lentement, n’apparaît que lorsque nous le relions à la chaîne des significations muettes. Ce voyage servira à comprendre ce monde où seule la relation aux autres, à la nature, à la place de chaque élément dans la nature importe, même celle de la pierre qui aide à traverser le gué.

Et dans l’ultime épreuve, alors qu’il lui faudra remonter la cascade, la communauté se divisera sur la stratégie à adopter : faut-il fournir l’effort nécessaire ou suivre les passages aménagés par l’homme ? Vif-Argent découvrira qu’il est fils d’un ancien chef. Son père autrefois sévèrement condamné par son banc a dû démissionner. De nombreux saumons étaient morts par sa faute, pour leur avoir imposé l’effort de franchir la cascade. Ces saumons étaient le tribut à payer à la vie pour garder la force de la communauté, pour suivre « la voie propre aux saumons ». Il faut vivre ces épreuves dans toute la douleur qu’elles représentent, car « la voie facile n’est pas pour nous » dira Vif-Argent. Et nos morts, ceux qui nous ont aimés et nous accompagnent dans notre traversée nous aident à prendre conscience des décisions qui jouent avec le destin du monde.

Arrivé au but du voyage, le saumon sera devenu « homme », au destin accompli et son corps ira bientôt rejoindre le fond des océans. Et lorsque dans le froid de l’hiver, un homme jettera un caillou sur la surface glacée de la rivière Emeraude, celle-ci criera de faire attention, de jeunes saumons sont entrain de grandir dans son lit. On se laisse emporter sans effort par ce texte allégorique, qui signe sous l’apparente simplicité de la narration, une profonde réflexion philosophique.

Ahn do-Yun né en 1961 est un poète bardé de multiples prix littéraires. Cet ancien professeur de collège, licencié pour activité syndicale et réintégré 5 années plus tard est régulièrement publié depuis ses 20 ans. Son livre Saumon paru en 1996, au moment où la crise asiatique est entrain de se préparer, a été vendu à un million d’exemplaires dans toute l’Asie. A cette période, la Corée (et toute l’Asie) va traverser une crise sans précédent, avec de nouvelles lois sociales qui rendent le travail encore plus précaire et la situation des salariés encore plus difficile. Les pouvoirs de surveillance seront renforcés, une nouvelle loi interdira la création de syndicats supplémentaires. Après les années euphoriques du progrès économique vient le réveil brutal. La Corée empruntera de lourdes sommes au Fmi et sera, quelques années plus tard, parmi les rares pays à rembourser entièrement sa dette. N’y voyez bien entendu, aucune ressemblance directe avec le Saumon, bien que les conditions de production d’une œuvre n’interviennent jamais dans un hors champ social.

Kim Hye-Gyeong et Jean-Claude de Crescenzo

Mo Yan de nouveau en rayon

On savait depuis longtemps déjà grâce à ce blog que Noël et Liliane Dutrait travaillaient sur Sishiyi pao 四十一炮 de Mo Yan 莫言 : le passage particulièrement retors que le billet du 16/04/07 proposait avait fait l'objet d'une proposition publique lors d'une mémorable journée d'études organisée par notre équipe voici un peu plus d'un an (26/10/07). Enfin, tout récemment (15/09/08), le traducteur annonçait en avoir fini avec cette traduction réalisée à quatre mains. Le processus arrive aujourd'hui à son terme avec un peu d'avance sur la date annoncée car ce nouvel ouvrage clef de l'œuvre de Mo Yan vient de sortir aux Editions du Seuil sous une jaquette qui ne laissera pas indifférent :

Quarante et Un Coups de canon
Editions du Seuil, collection « Cadre vert », 2008, 504 pages.

Voici les éléments qui accompagnent l'ouvrage sur le site de l'éditeur :
« Grand moine, chez nous, on appelle "enfant-canon" un enfant qui aime se vanter et mentir, mais tout ce que je vous raconte n’est que pure vérité. »

Dans un temple délabré, le jeune Luo Xiaotong, qui aspire à la sagesse, raconte sa vie au vieux moine Lan ; dans le même temps – les deux récits se croisent – il décrit et commente ce qui se passe dans ce lieu étrange et alentour. La passion de l’enfant c’est manger de la viande – et pourtant il est justement en train d’y renoncer pour devenir moine… Dans un tourbillon d’images et de mots, du réalisme le plus cru au surnaturel ou au fantastique, Luo Xiaotong débite ses histoires, celles de la tante Mule Sauvage, grande séductrice, de Lan l'Aîné, débauché aux capacités sexuelles exceptionnelles, de Huang Biao, éleveur de chiens de boucherie… les quarante et unes histoires du village des Bouchers, de la fin des années quatre-vingt à nos jours.

Sans mâcher ses mots et avec l’humour le plus féroce, Mo Yan brocarde l’absence de valeurs d’une société désormais sous l’empire de l’avidité et de la gloutonnerie.

Mo Yan, né en 1955, fils de paysans pauvres de la province côtière du Shandong, quitte tôt l’école pour travailler aux champs puis s’enrôle dans l’armée - c'est grâce à elle que l’autodidacte pourra devenir écrivain. Une dizaine de ses romans sont traduits en français dont Beaux seins, belles fesses (2004), Le maître a de plus en plus d'humour (2005) et Le Supplice du santal (2006).
Vous avez compris, il n'y a plus un moment à perdre pour se procurer ce nouveau morceau de choix, dont on aurait tort de se priver quel que soit son régime alimentaire. (P.K.)

Complément du 24/11/08 : voir la critique de Bertrand Mialaret sur Rue89.com : « Mo Yan publie un roman allégorique au goût de viande »

jeudi 30 octobre 2008

L'empire du désir ou l'empreinte d'un éditeur

Annoncé de longue date par son éditeur sous le titre
d'Histoire de la sexualité chinoise de Dalin Liu,
l'ouvrage qui fait l'objet de ce billet vient finalement de sortir
sous un nouveau titre et un nouveau format (20x22 cm).
Thomas Pogu (Master « Monde chinois », 2ème année)
a lu pour vous
L’Empire du Désir
.

Cet ouvrage, récemment paru aux éditions Robert Laffont (2008, 202 pages), est la traduction française d’un livre chinois paru en 2000 à Hong-Kong [Illustrated Handbook of Chinese Sex History], puis en 2003 en Chine continentale sous le titre de Zhongguo xingshi tujian 中國性史圖鑒 (Manuel illustré d’histoire de la sexualité chinoise [Changchun : Shidai wenyi, 345 p. et 600 ill.]). Son auteur, Liu Dalin 劉達臨, célèbre sociologue – et sexologue – chinois, avait eu le mérite de proposer au grand public de son pays le premier ouvrage retraçant la très riche et originale histoire de la sexualité en Chine. Cette parution s’inscrivait alors dans le cadre de ses efforts pour faire tomber les tabous entourant encore de nos jours les choses du sexe en Chine, et qui avaient notamment abouti en 1999 à l’ouverture du premier Musée du sexe chinois. Cette traduction, au titre aguicheur et à la séduisante présentation, saura, n’en doutons pas, exciter la curiosité des lecteurs désireux de mieux connaître les mœurs sexuelles d’une civilisation trop souvent – et à tort – considérée comme pudibonde.

Mais si l’existence de cet ouvrage reste salutaire pour le plus grand nombre, elle ne pourra pleinement satisfaire le lecteur averti. Car d’« histoire de la sexualité chinoise », tel qu’annoncée en sous-titre, il n’en est pas tout à fait question. L’organisation du livre ne suit en effet pas toujours une ligne chronologique mais privilégie un traitement thématique en dix chapitres (culte de la sexualité, unions collectives, monogamie ; art de la chambre à coucher ; homosexualité ; perversions sexuelles ; oppression sexuelle des femmes ; eunuques ; art et littérature érotiques ; sexe et religion ; éducation sexuelle), opérant parfois d’hasardeux allers-retours historiques et littéraires. Tout ceci n’est d’ailleurs pas facilité par la traduction « adaptée du chinois » (sic) de Jean-Claude Pastor, qui donne parfois plusieurs versions du titre d’un seul et même ouvrage chinois. Si le propos général reste d’assez bonne qualité, on regrettera néanmoins les approximations historiques, un manque de rigueur éditoriale, l’insertion d’illustrations (à la qualité parfois très moyenne) n’ayant que peu de rapports avec le contenu du texte environnant, l’absence de notes, de traductions de titres d’ouvrages chinois ou au contraire, l’absence du titre chinois lorsque celui-ci est traduit. Même un lecteur novice, pour autant qu’il soit un minimum exigeant, ne pourra tolérer ces légèretés et préfèrera se référer à la courte bibliographie pour y trouver l’ouvrage souvent cité de Robert van Gulik, La vie sexuelle dans la Chine ancienne (Gallimard, coll. « Tel », 2004). L’ouvrage, déjà ancien, publié en 1961 (en 1971 pour la France), et qui accuse pourtant certaines des marques de son temps, restera encore la seule étude fiable (bien qu’encore imparfaite) pour quiconque souhaite mieux connaître et comprendre les spécificités et l’évolution de la sexualité chinoise à travers son histoire.

Il n’y a plus qu’à espérer de la part de l’éditeur qu’il se montre un peu plus respectueux envers ses lecteurs ainsi que de cet auteur, en publiant l’un de ses nombreux ouvrages à la fois plus complets et plus sérieux, tels que Zhongguo gudai xing wenhua 中国古代性文化. The Sex Culture of Ancient China [Yingchuan : Ningxia renmin, (1993) 1994, 1041 pages] ou Xing yu Zhongguo wenhua 性与中国文化 (Sexe et culture chinoise) [Beijing : Renmin, coll. « Zhongguo wenhua xinlun congshu », 1999, 619 pages], qui fourniront un bien meilleur aperçu de la qualité des travaux de Liu Dalin.


Lien

International Brothers

Sortie en avril 2008, la traduction française par
Isabelle Rabu
t et Angel Pino du roman de
Yu Hua 余华 (1960-), Xiongdi 兄弟 Brothers
(Shanghai wenyi, 2005 & 2006)
roman que nous avons évoqué plusieurs fois sur ce blog,
vient de recevoir
le premier prix du meilleur livre étranger
de l'hebdomadaire Courrier international.

Comme l'annonce la publication sur son site internet, Courrierinternational.com,
où est reproduite une critique du livre parue
dans le quotidien chinois Xin Jingbao,
ce prix est « destiné à récompenser tous les ans un essai,
un récit ou un roman traduit en français et témoignant
de la condition humaine dans une région du monde
».

Après Hu Jia 胡佳 ,
à qui vient d'être décerné le Prix Sakharov, c'est,
à nouveau, un Chinois qui est remarqué, et fort justement, honoré.

Pour rappel, Xiongdi raconte l’histoire sur une quarantaine d’années de deux frères séparés par la Révolution et réunis par le hasard et l’amour, tout en retraçant les bouleversements connus par la société chinoise entre la période Mao et celle d’une croissance économique fulgurante. Dans ce roman où tout s’oppose et se complète (communisme et capitalisme latent, Chine des années soixante et Chine contemporaine, jusqu’aux deux frères, l’un doux l’autre dur), l’auteur mêle humour, événements historiques, climat social et sentiments avec une liberté de ton et d’écriture qui ravit le lecteur occidental. On comprend ainsi mieux pourquoi, sur plus de trois cents titres en compétition, c’est ce livre qui a touché le jury de ce nouveau prix, grâce à un auteur chinois qui ose « partir à l’assaut de la réalité ». (S.C.)

mercredi 29 octobre 2008

La traduction littéraire en France

a invité

Gisèle Sapiro,

directrice de recherche au CNRS,
qui vient de diriger l'ouvrage collectif

Translatio.
Le marché de la traduction en France à l'heure de la mondialisation


(Editions du CNRS, 2008)
à donner une conférence sur le thème

La Traduction littéraire en France

Cette conférence, qui est ouverte à tous, enseignants et étudiants,
se déroulera le
Mardi 4 novembre, de 12h à 14h
Salle des Professeurs, Université de Provence,
Centre des lettres
- Aix-en-Provence.

CONFERENCE ANNULEE

samedi 25 octobre 2008

De blog en blog (004)

Pour ce nouveau « De blog en blog » - le précédent remonte au 1er mars 2008 -, j'ai joué le jeu (ou presque) de la dérive ludique d’un lien internet à un autre en suivant la curiosité du moment. Mon point de départ était naturellement votre blog et un de ses liens fétiches, celui du Visage vert lequel offre dans son dernier billet du 22/10/08 une bien réjouissante « Gigue ». De là, j'ai rapidement glissé tout continuant à me dandiner gracieusement vers la page actualité des éditions ZulmaLa grande maison »), pour voir quel nouveau prix le futur Goncourt (?) Jean-Marie Blas de Roblès avait reçu depuis ma précédente visite : et toc ! un de plus. Cette fois c'est le prix Giono qui couronne Là où les tigres sont chez eux ! Vu que ce prix « distingue un ouvrage de langue française - roman, récit ou recueil de nouvelles - faisant une large place à l’imagination dans l’esprit de Jean Giono et révélant un vrai talent de raconteur d’histoires », une visite à la page consacrée par l'éditeur à son protégé s'imposait ; une manière de se familiariser avec l'œuvre en question avant d'aller l'acheter ; il y est question, abondamment (784 pages !), d'Athanasius Kircher (1601-1680) dont le China Monumentis (1667) (accessible sur Gallica, BNF) fournit la première illustration de ce billet (voir ci-dessus). A partir de la même page, on peut se rendre sur le site de l'auteur , et aussi télécharger une biographie de Kircher par lui (colonne de droite) -- on peut également faire un détour par ObsVideo.com pour écouter J.-M. B. de R. et son éditeur, Serge Safran répondre aux questions de Grégoire Leménager : durée 14 mn 35 s.

Après cette escapade érudite, je suis repassé par le Visage vert toujours en quête de nouveauté et après une nouvelle gigue sautillante - on ne s'en lasse pas -, j'ai actionné un autre des signets amoureusement répertoriés par Anne-Sylvie Homassel, non pas dans les « Bermudes » où séjourne LEO2T, mais juste un peu plus bas, savoir une de ses « Maisons dans la prairie » .


Bonne pioche (mais pouvait-il en être autrement) ! J'ai découvert avec bonheur le blog de Blandine Longre, traductrice (anglais) & critique littéraire, qui, cela dit en passant et en la remerciant pour cette délicate attention, nous a casé dans une rubrique « Traduction ». Passé la surprise, je suis parti à la découverte de ce blog foisonnant qui, en tout juste douze (?) mois d'existence, a livré une foule de pistes de lectures dont de toutes fraîches explorations japonaises dans une déjà riche rubrique « Littérature étrangère » dont j'extrais les quatre billets suivants :
  • 12/10/2008 : La Magicienne 妖婆 d’Akutagawa Ryûnosuke 芥川龍之介 (1892-1927), nouvelles traduites du Japonais par Elizabeth Suetsugu (Ed. Picquier)
  • 16/10/2008 : Natural woman ナチュラル・ウーマン (1988) de Matsuura Rieko 松浦理英子 (1958-), traduit du Japonais par Karine Chesneau (Ed. Picquier)
  • 21/10/08 : Futon 蒲団, de Tayama Katai 田山花袋 (1871-1930), récits traduits du Japonais par Amina Okada, Le Serpent à plumes.
  • 24/10/08 : Les jours de Yokô d'Arishima Takeo 有島武郎 (1878-1923), roman traduit du Japonais par M. Yoshitomi et Albert Maybon (Ed. Picquier)
Un bel exemple dont pourraient s'inspirer les membres de notre équipe ! Bon, passons et reprenons notre périple pour explorer un des liens choisis par Blandine Longre : « Bingo ! encore gagné ! », car j'ai atterri sur la page d'accueil de La Revue Littéraire de Shanghai.

Basée à Shanghai, son « ambition [est] d’ouvrir un espace propice à la réinvention d’une vie littéraire mettant en résonance la langue française et une réalité chinoise mithridatisée par le creuset Shanghaien. .../... La Revue Littéraire de Shanghai veut, sous la forme d’une publication électronique, qu’une version papier pourrait aussi relayer, permettre à ces voix d’encre et de papier de trouver un relais, de l’intimité créatrice vers un premier cercle de lecteurs. La Revue souhaite aussi faciliter l’échange, entre passionnés de littérature chinois ou francophones, au sein d’un courant où chacun puisse enrichir sa démarche d’écriture à celle de l’autre. » (Voir ici)
Le « coordinateur éditorial » de la Revue est Tang Yi-Long / Tang Loaëc, auteur et critique littéraire qu'on peut lire notamment sur Bibliobs et sur les revues en ligne Ecrits-Vains et La Vénus Littéraire.

On trouve déjà en place des notes de lectures et des critiques de livres qui affichent les goûts de l'équipe pour les écrits d'Eileen Chang / Zhang Ailing (Un amour dévastateur, Rose rouge et rose blanche, Lust Caution), Chi Li (Pour qui te prends-tu ?; Tu es une rivière ; Trouée dans les nuages), mais aussi Liu Liu (A romance of house), Weihui (Shanghai Baby) ; Liu Zhenyun (Peaux d'ail et plumes de poulet) ; Liu Yichang (Tête-bêche) et Yan Lianke (Servir le peuple). Elles sont signées Tang Loaëc, Fabienne Trunyo et Blandine Longre.

Ma déambulation s'arrête ici, car la rubrique « Liens » de ce site, dont on suivra l'évolution avec beaucoup d'intérêt, n'est pas encore alimentée : je vais donc pouvoir souffler ! (P.K.)

vendredi 24 octobre 2008

Pékin en Paca

L'édition 2008 du festival Image de ville
a pour thème
« Pékin. Phénomène urbain ».
Il se tiendra comme chaque année à Aix-en-Provence
du 14 au 18 novembre 2008

Pour tout savoir sur lui, il faut se rendre sur le site de l’association organisatrice image de ville qui fournit toutes les informations relatives à cet événement dont Philippe Jonathan, architecte et urbaniste, diplômé de l'Université Qinghua (Pékin) et qui travaille régulièrement en Chine, a accepté d'être le directeur artistique invité. Voici comment il la présente :
Les images de la mutation de Pékin - la capitale de l’Empire du Milieu est devenue mégalopole globale - sont proprement abasourdissantes pour les habitants du Vieux Continent. Tout nous stupéfie : l’échelle et la vitesse des interventions, la radicalité et la brutalité de la transformation urbaine, l’immensité des projets ... Par sa mise en scène de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, le réalisateur Zhang Yimou a réussi à capter l’attention des téléspectateurs de la planète, éclairant et relayant de par le monde l’image inventive d’une ville et de sa fiction, profondément métamorphosée et bouleversée. Cette question de la ville constitue pour le cinéma chinois, depuis vingt ans, une dimension fondamentale de son évolution thématique et esthétique. Après la génération des cinéastes qui inscrivaient leurs films à la campagne et avec le tournant que constitue Tian ‘anmen/1989, la ville, au-delà du simple décor, constitue désormais le fondement de l’inspiration et du questionnement pour les cinéastes chinois. Pour sa 6ème édition, quelques mois après l’effervescence médiatique, le festival Image de ville choisit de s’arrêter sur Pékin et prend le temps de regarder la ville. Ville du pouvoir global, Cité interdite, ville de la vie ordinaire … Quelle image Pékin cherche-t-elle à afficher ? Quel rôle l’architecture et les architectes y jouent-ils ? Quels regards le cinéma, chinois et occidental, porte-t-il sur la mutation de Pékin et au-delà sur les capitales des provinces chinoises ? Comment comprendre cette nouvelle civilisation urbaine qui, malgré l’éloignement géographique et culturel, semble s’inscrire dans un même mouvement d’homogénéisation globale de la planète ?
Le programme réserve de belles surprises : des expositions, des projections de films et de documentaires, des conférences, des rencontres, des performances et autres signatures occuperont ces cinq journées consacrées à une ville qui ne peut laisser indifférent. Je vous invite à le consulter en cliquant ici ou ici. J'en extrais l’événement littéraire qui permettra de rencontrer l'écrivain chinoise également cinéaste dont ce blog a plusieurs fois parlé : Guo Xiaolu 郭小櫓.

Une rencontre sur la littérature chinoise avec Xiaolu Guo, cinéaste et écrivain, Philippe Picquier, éditeur, Noël Dutrait, traducteur et professeur à l’Université de Provence, animée par Pascal Jourdana se tiendra, en effet, dans l’amphithéâtre de la Verrière (Cité du Livre, 8/10, rue des Allumettes, parking Méjanes), le lundi 17 novembre, à 18 h. Elle sera suivie d'une performance de Julien Blaine et de Ma Desheng.

Quant au film de Xiaolu Guo, Chine, la deuxième révolution ?, il sera projeté Salle Armand Lunel (Cité du Livre), le même jour mais à 16 h, en présence de la réalisatrice. (P.K.)

jeudi 23 octobre 2008

LEO2T : horizon 2009

La Jeune Equipe 2423
Littératures d’Extrême-Orient, textes et traduction
(LEO2T)
organise deux manifestations scientifiques en 2009


Etudes sinologiques japonaises dans une librairie de Kanda 神田, Tôkyô (cliché PK, 24/08/07)

Journées d’étude :
« Littératures d’Asie : traduction et réception »
13 et 14 mars 2009, Université de Provence.

Les communications pourront porter sur la traduction et la réception de textes littéraires anciens ou contemporains. Elles pourront aborder soit les problèmes de traduction d’une langue asiatique vers le français (ou une autre langue d’Occident), soit les questions de diffusion, de réception ou de critique de ces littératures.

Les projets de communication devront être envoyés avant
le 15 décembre 2008 à
Noël Dutrait : noel.dutrait@univ-provence.fr


Etudes sinologiques japonaises dans une librairie de Kanda 神田, Tôkyô (cliché PK, 24/08/07)


Colloque international :
« Le roman en Asie et ses traductions »
15 & 16 octobre 2009
[nouvelles dates]
Alors que Horace Engdahl, secrétaire perpétuel de l'Académie suédoise, auquel revient chaque année la tâche d'annoncer le prix Nobel de littérature, a déclaré récemment : « Il y a de la littérature de qualité dans toutes les grandes cultures, mais on ne peut échapper au fait que l'Europe, toujours, est le centre du monde littéraire », on peut se demander si le roman en Asie, aussi bien ancien que contemporain, ne constitue pas un genre littéraire tout aussi important que le roman occidental.
Les communications pourront porter sur les thèmes suivants : Comment choisir les textes ? Pourquoi les choisir ? Comment les traduire ? Comment les présenter ? Peut-il exister une critique des traductions ? En fonction de quels critères ? La question des auteurs qui se traduisent eux-mêmes. La traduction des œuvres à partir de versions déjà traduites, l’édition des textes, la réception des traductions… On n’exclura pas des communications portant sur les œuvres elles-mêmes, reflets de leur époque, instruments de divertissement ou de recherche esthétique.

Merci d’envoyer vos propositions et suggestions à
Noël Dutrait : noel.dutrait@univ-provence.fr et
Pierre Kaser
: pierre.kaser@univ-provence.fr

mercredi 22 octobre 2008

Fumer du poisson

La JE LEO2T est heureuse d'annoncer
la prochaine conférence organisée par
l'Ecole Doctorale Langues, Lettres et Arts de notre université
Jeudi 13 novembre 2008
à 17H30, Salle des Professeurs (2ème étage),
Université Aix-Marseille 1,
29, avenue Robert Schuman, 13621 Aix-en-Provence Cedex 1


donnera une conférence suivie d'un débat sur le thème

« Toute interprétation fume-t-elle du poisson ?
Réflexions sur le travail littéraire à partir de Stanley Fish
»
Le théoricien américain Stanley Fish (1938-) invite à penser que toute interprétation relève essentiellement de la projection et que ce sont « les lecteurs qui font les poèmes ». On esquissera quelques-unes des conclusions radicales qu'on peut en tirer sur le plan épistémologico-politique, les situera brièvement dans la pensée de Stanley Fish, avant de prendre un recul critique : tout en mesurant les propriétés décapantes du relativisme fishien, on soutiendra qu'il peut être utile de reconnaître au texte sinon une (illusoire?) « dignité » transcendante, du moins un bloc de signification irréductible à ce qui viendra se projeter sur lui.

Yves Citton est professeur de littérature française à l’université de Grenoble. Il a récemment publié aux Éditions Amsterdam L’Envers de la liberté. L’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières, qui a remporté le Prix Rhône-Alpes du Livre 2007, ainsi que Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? (2007). Il a rédigé la préface de la traduction française du livre de Stanley Fish, Quand lire, c'est faire (Paris, Les Prairies Ordinaires, 2007). Il fait partie du comité de rédaction des revues Multitudes et Dix-huitième siècle et collabore à la Revue Internationale des Livres et des Idées.
Cette conférence est ouverte à tous. On pourra s'y préparer en lisant l'article « L’autorité de l’interprète. Les fables théoriques de Stanley Fish » que Marc Escola a mis en ligne sur Fabula.org à l'occasion de la sortie de Stanley Fish, Quand lire c’est faire. L’autorité des communautés interprétatives, trad. de l’anglais (américain) par Étienne Dobenesque, préface d’Yves Citton, postface inédite de Stanley Fish, Paris, Les Prairies ordinaires, coll. « Penser/croiser », 2007, 144 p.

mercredi 15 octobre 2008

Horizon BU

Vitrine d'un bouquiniste du quartier Kanda 神田, Tôkyô
(cliché PK, 24/08/07)


Bonne nouvelle pour les amateurs d'art, de lettres ou d'histoire de Chine : comme annoncé précédemment sur le blog, le fonds chinois qui dormait jusqu'à présent sur les étagères du sous-sol de la Bibliothèque Universitaire d'Aix-en-Provence sera bientôt mis à disposition des chercheurs et des étudiants.

Plusieurs centaines d'ouvrages en langue chinoise touchant à divers domaines sont en effet en cours de catalogage et seront consultables d'ici à quelques mois. Pour n'en citer que quelques-uns : pour les dictionnaires, le Dictionnaire des opéras et des spectacles populaires chinois (中国戏曲曲艺词典), le Kangxi zidian 康熙字典 ; pour la littérature ancienne, le Mencius 孟子, les Entretiens 论语, le Han Fei zi 韩非子, le Yijing 易经 ; pour les contes, le Vaste recueil de l'Ere de la Grande Paix 太平广记 (en intégralité), le Taiping Yulan 太平御览, les Chroniques de l'étrange 聊斋志异; pour les grands classiques de la littérature, les Trois Royaumes 三国演义, Au bord de l'eau 水浒传, le Rêve dans le pavillon rouge 红楼梦, la Pérégrination vers l'Ouest 西游记 ; pour l'Histoire, les Mémoires historiques 史记 et toutes les autres histoires dynastiques jusqu'aux Ming (en 24 volumes) ; pour l'archéologie et l'histoire ancienne, divers ouvrages sur les jiaguwen 甲骨文 ou sur les monnaies 古钱 ; pour la littérature chinoise du XXe siècle, des livres de Lao She 老舍, Ba Jin 巴金, Lu Xun 鲁迅, Guo Moruo 郭沫若 ; et dans les curiosités, des livres sur l'art du xiangsheng 相声, sur la peinture et la calligraphie, sur les techniques d'arts martiaux 武术, sur la médecine chinoise 中医, des collectors de revues chinoises (les Contemporains 现代), des traductions en chinois d'ouvrages occidentaux (Camus ou Saint-Exupéry notamment), et divers comptes-rendus de colloques ou résultats d'études sur la littérature, la sociologie, l'histoire, la démographie ou les publications chinoises. Nul doute que chacun pourra donc trouver son bonheur parmi ces ouvrages plus ou moins anciens, connus ou reconnus.

Une partie des livres sera librement consultable, mais la majorité restera en « magasin ». Il suffira alors pour se les procurer d'en faire la demande, et pour les découvrir de taper les mots-clés (titres, auteurs ou domaines) sur le portail Horizon de la B.U. : la recherche se fera alors en pinyin désagrégé, exception faite des noms propres (exemple : Shui hu zhuan – Zhongguo xi qu qu yi ci dian – Feng Menglong etc). A rappeler également que diverses revues en langue chinoise sont d'ores et déjà disponibles sur place dans la salle des périodiques (Yazhou zhou kan 亚洲周刊 notamment).

À noter enfin que le fonds de la jeune équipe LEO2T (« Littératures d'Extrême-Orient : textes et traduction ») précédemment catalogué sur un fichier électronique sera prochainement transféré à la B.U. Vous saurez donc où trouver les volumes qui vous intéressent. Bonne lecture et bonnes recherches à tous ! (S.C.)

mardi 14 octobre 2008

꼬끼오...꼬끼오!

(Photo extraite du site de Kyobo, la plus grande librairie de Séoul)

꼬끼오...꼬끼오!
(Cocorico ...cocorico !)

Jean-Marie Gustave Le Clezio (르클레지오), Prix Nobel de Littérature 2008 est sans doute l'écrivain français contemporain le plus prisé en Corée du Sud. Une vingtaine de ses livres a déjà été traduite et publiée, parmi lesquels Désert, Poisson d'or, Révolutions, L'africain... Son style d'écriture, au ton vif et énergique, est considéré à la fois comme classique et raffiné.

Le Clézio a fait plusieurs séjours en Corée du sud durant les 8 dernières années. Il est professeur invité à l'Université féminine d'Ewha, à Séoul, dans le quartier de Sinchon qui compte à lui seul 4 universités. Il est un professeur de littérature et de culture françaises apprécié des étudiantes pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Comme d'autres, Le Clezio a été fasciné par le destin singulier et tragique de ce petit pays, coincé entre des grands, souvent envahi et spolié, habitué à se battre pour exister. Le Clézio écrit le coréen et connaît les rudiments de la langue. Dans le journal Le Monde du 10 octobre, Choi Mikyung, directrice du département de français de l'université d'Ewha et traductrice dit : « Le Clézio est apprécié des coréens car il parle de pays qui ne sont pas au centre du monde, qui ne prétendent pas à l'universalité. On sent qu'il comprend les souffrances des peuples qui ont été dominés au cours de leur histoire, comme la Corée ».

La nouvelle de l'attribution du Nobel de littérature a bien entendu été reprise par de nombreux médias et blogs, saluant parfois Le Clézio comme l'auteur français qui obtient la distinction « huit ans après Gao Xingjian, auteur d'origine chinoise, exilé en France ».

En décembre 2007, au cours d'une rencontre avec Hwang Sok-Yeong, autre espoir de Nobel de littérature pour la Corée, durant deux heures, les deux auteurs ont abordé leurs mondes littéraires et les questions de traduction. Ils se sont reconnus de nombreux points communs : nés approximativement à la même période, étrangers aux pays dans lesquels ils vivent (Le Clézio en Corée au moment de la conférence et Hwang Sok-Yong à Paris) ayant chacun vécus des guerres (Allemagne, Vietnam, Corée). Les deux écrivains ont insisté sur l'importance de la traduction pour l'internationalisation d'une oeuvre, Hwang Sok-Yong affirmant qu'un auteur mal traduit risquait de voir sa reconnaissance limitée.

JMG Le Clézio et Hwang Sok-Yong – décembre 2007

Le dernier roman de Le Clézio, Ritournelle de la faim (Gallimard), aurait été écrit en partie, dans une chambre de la résidence universitaire dans laquelle il résidait à Séoul et inspiré par une histoire vécue dans l'île (touristique) de Jeju, en 1948, lors d'une rébellion indépendantiste.

Au cours de sa conférence de presse improvisée dans les locaux de sa maison d'édition, à la question d'un journaliste sur le message qu'il avait à faire passer, Le Clézio répondit « Mon message, c'est qu'il faut continuer à lire des romans, en ces temps de crise mondiale ».

Kim Hye-Gyeong et Jean-Claude de Crescenzo