Le précédent billet sur la tenue à Aix-en-Provence du colloque sur la « Bibliothèque de la Pléiade » (24-26/05/07) m'avait amené à dresser la liste des sept volumes consacrés à la Chine déjà publiés dans la prestigieuse collection et conduit à la réflexion que c'était peu au regard de la richesse et la diversité de la littérature chinoise classique.
Méritaient sans conteste de venir gonfler ce palmarès, une traduction du Sanguo yanyi 三國演義 - et pourquoi pas celle qui fut publiée en sept volumes sur cinq ans par les Éditions Flammarion (1987-1991, Les trois royaumes, traduction de Louis Ricaud & Nghiêm Toan (1958.), achevée par Jean & Angélique Lévi) - et, bien entendu, la magistrale traduction par André Lévy du Liaozhai zhiyi 聊齋誌異 de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715) qui vit le jour sous le titre de Chroniques de l'étrange en 2005 aux Éditions Picquier. Cette traduction intégrale n’aurait pas souffert d’être couchée sur papier bible, et ses 503 contes à faire frémir et sourire, auraient gagné à être accompagnés d’un appareil critique du type de ceux qui font la richesse des éditions livrées sous reluire peau dorée à l’or fin. Mais, saluons le courage des Éditions Picquier d’avoir pris en charge la livraison de ce chef-d'œuvre incontesté dans un élégant coffret de deux beaux volumes dûment illustrés et dotés de répertoires.
Mais, dès lors, pourquoi ne pas rêver à d'autres traductions qui pourraient venir, dans un avenir plus ou moins proche, enrichir la « Bibliothèque de la Pléiade », ou simplement, en paraissant ailleurs et sans les fastes de l’édition de luxe, offrir au lecteur français une vision plus large du génie littéraire chinois.
C’est l’exercice auquel je m'étais livré voici maintenant 6 ans pour le compte du Centre National du Livre (CNL) qui avait demandé à une poignée de sinologues de repérer les « oublis les plus flagrants » touchant les « Classiques » dont la traduction serait susceptible d'être soutenue par de substantielles subventions. J’avais encore en tête un « Panorama des traductions de littérature chinoise ancienne » établi en 1997 pour la Revue Bibliographique de Sinologie (1997, pp. 339-350) auquel je n’avais pas eu à l’époque (2001) beaucoup de titres à ajouter ---- je suis contraint de faire la même constatation à nouveau, aujourd’hui : beaucoup reste à faire dans ce domaine !
Or donc, bien que décidé à me borner au genre romanesque en langue vulgaire, je n’avais pu m’empêcher de signaler l’absence d'une traduction complète du Shiji 史記 (Mémoires historiques) de Sima Qian 司馬遷 (vers 145 - vers 90 av. J.-C.) - celle qu’Edouard Chavannes (1865-1918) a laissée incomplète (5 volumes chez Adrien Maisonneuve, 1969) n'est guère accessible sauf en ligne grâce à Pierre Palpant. J’avais même pensé au Shishuo xinyu 世說新語 de Liu Yiqing 劉義慶 (403-444) qu’on ne connaît que par bribes (J.-P. Diény, J. Pimpaneau), comme les écrits des grands hommes de lettres que furent Bai Juyi 白居易 (772-846), Yuan Zhen 元稹 (779-831), Su Shi 蘇軾 (Dongpo 東坡, 1037-1101), Duan Chengshi (vers 800- 863), Han Yu 韓愈 (758-824), Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072), Liu Zongyuan 柳宗元 (773-819), Zhu Xi 朱熹 (1130-1200), Li Zhi 李贄 (1527-1602) et aussi Yuan Mei 袁枚 (1716-1798) dont le Zi bu yu 子不語 (Ce que le Maître ne dit pas) pourrait être traduit comme bien d'autres recueils d'anecdotes - je pensais, notamment, à ceux de Feng Menglong 馮夢龍 (1574-1646) dont l’admirable anthologie d’histoires d’amour, Qingshi 情史 (Histoire du sentiment amoureux), le piquant Zhinang 智囊 (La besace de sapience), les remarquables Gujin tangai 古今谭概 (Thèmes de conversation), les désopilantes blagues de son Xiaofu 笑府 (Trésor comique) ou encore les poésies campagnardes des Shange 山歌 , etc. --- si on ajoute à ce bel ensemble ses recueils de contes, Feng pourrait remplir facilement huit ou neuf volumes « Pléiade » à lui tout seul.
Je n'oubliais pas non plus le théâtre littéraire des Yuan au Qing, genre particulièrement généreux qui est, et de loin, le moins connu des Français - et pour cause : c'est le plus difficile à traduire ! Je plaidais donc en faveur de Guan Hanqing 關漢卿 (né vers 1230), Ma Zhiyuan 馬致遠 (1250 ?-1322 ?), Wang Shifu 王實甫 (début du XIV° s.) pour son Xixiangji 西廂記 si indispensable, mais aussi Gao Ming 高明 (vers 1307-1371), Tang Xianzu 湯顯祖 (1550-1617), Hong Sheng 洪昇 (1645-1704) pour son Changsheng dian 長生殿 (Le palais de la longévité, 1688), Kong Shangren 孔尚仁 (1648-1718) pour son Taohua shan 桃花扇 (L’éventail aux fleurs de pêcher, 1699), entre autres dramaturges qui devraient être aussi universellement connus que Shakespeare, Goldoni ou Marivaux. C’est aussi le cas de Li Yu 李漁 (1611-1680), auteur de dix chuanqi 傳奇 dont la moitié au moins a de quoi séduire et fasciner le public français amateur des comédies de Molière. D'autant plus motivé que j'ai consacré beaucoup de mon temps à cet auteur original, je signalais combien il devrait retenir l’attention pour ses essais (Xianqing ouji 閒情偶寄) - depuis abordés avec maestria par Jacques Dars (Les carnets secrets de Li Yu. Picquier, 2004) -, mais aussi, et surtout, ses fictions : deux collections de récits courts - Wushengxi 無聲戲 (Comédies silencieuses) et Shi’er lou 十二樓 (Douze pavillons) -, et un roman, Rouputuan 肉蒲團 (Chair, tapis de prière), qui attend toujours une traduction à la hauteur de sa qualité et de son texte dorénavant correctement établi.
En plus des xiaoshuo 小說 en langue vulgaire de mon cher Li Yu, je pointais quelques créations marquantes de cette veine littéraire si prodigue d’œuvres marquantes en commençant par le Fengshen yanyi 封神演義 - depuis traduit sous le titre d'Investiture des Dieux (Jacques Garnier, Librairie You-Feng, 2002). Je signalais ensuite cette surprenante suite au Xiyouji qu’est le Xiyou bu 西游補 de Dong Yue 董說 (1620-1686), déjà disponible en anglais depuis 1978, mais aussi le curieux et réjouissant Xingshi yinyuan zhuan 醒世姻緣傳 (Destinées matrimoniales propres à éveiller le monde) : longtemps attribuée à Pu Songling, la rédaction de ce roman riche (100 chapitres) et foisonnant pourrait finalement revenir à Ding Yaokang 丁耀亢 (1599-1669), auteur par ailleurs d’une intéressante suite au Jin Ping Mei dont la traduction permettrait aux amateurs de Fleur en Fiole d'Or de poursuivre leur étude des aléas de la destinée humaine.
Perdant, l’espace d’un instant tout sens des réalités, je convoquais dans le même élan fougueux trois mastodontes romanesques : le Yesou puyan 野叟曝言 de Xia Jingqu 夏敬渠 (1705-1787), livre aussi monumental (154 chapitres) que fascinant qui ne se contente pas de raconter l’histoire d’un héros cherchant la gloire et la sainteté, mais qui embrasse véritablement tous les domaines de l’expérience humaine avec une volonté encyclopédique très marquée ; le Jinghua yuan 鏡花緣 (1821/1828) de Li Ruzhen 李汝珍 (1763-1830 ?), fresque narrative à peine moins longue (100 chapitres) offrant un point de vue original sur la société Qing, et, last but not least, le Guwangyan 姑妄言 (1730) de Cao Qujing 曹去晶, un colossal roman érotique redécouvert et édité en 10 gros volumes par M. Chan Hingho 陳慶浩 (CNRS), et qui apporte une vision toute nouvelle de la création romanesque entre Jin Ping Mei et Hongloumeng.
Pressentant plus ou moins le sort qui serait, in fine, réservé à mes propositions, je m'en tenais là. Moins pessimiste, j’aurais sans doute allongé la liste en énumérant une bonne douzaine de titres de romans de taille plus modeste en incluant quelques-unes des romances injustement méprisées au regard de rendus anciens, héritage mal assumé de la vieille école de sinologie française (Stanislas Julien (1799-1873), Abel Rémusat (1788-1832) ou Soulié de Morant (1878-1955), etc.), ou une ou deux collections de contes du XVIIe siècle tel l’admirable Doupeng xianhua 豆棚閒話 (vers 1660) ou le Shidiantou 石點頭 (vers 1635), voire le drolatique Shi’er xiao 十二笑 (vers 1656). Ce serait à refaire, j’ajouterai même quelques histoires de renardes que j'espère bien lire un jour dans la langue de Barbey d'Aurevilly grâce à Solange Cruveillé qui a pris à bras-le-corps ce registre aussi indispensable que plaisant.
Las ! Inutile de s’échauffer la bile. La consultation du fruit de ce travail vient de me ramener à la raison. La liste des lacunes retenues par le CNL pour le domaine chinois se limite – ce qui n’est déjà pas mal ! -, à trois auteurs qui sont : Yuan Mei pour Poésies de la maison sise sur la colline du grenier [Xiaocang shanfang shiji 小倉山房詩集], Œuvres de la maison sise [sur la Colline du Grenier, Xiaocang shanfang wenji 小倉山房文集], Propos sur la poésie [Suiyuan shihua 隨園詩話], Essais au fil du pinceau de Suiyuan [Suiyuan suibi 隨園隨筆] ; Tang Xianzu pour Les quatre rêves de Yumintang [Yumintang simeng 玉茗堂四夢, ensemble de quatre pièces qui comprend le Mudanting 牧丹亭 traduit en 1999 par André Lévy (Le Pavillon aux pivoines. Paris, Festival d’automne/Musica Falsa) qui pourrait bien être le maître d’œuvre de cette ambitieuse entreprise] et Wang Shifu pour Le pavillon de l’ouest. Et puis, c'est tout !
Certes l’accent a été mis sur une des carences les plus criantes touchant un genre - le théâtre - sur lequel les éditeurs hésitent à investir, mais c’est faire peu de cas de tout le reste. Exit Sima Qian, Zhu Xi, Li Zhi et les autres romanciers, les autres dramaturges, tous les poètes et prosateurs de talent, exit aussi tous ces beaux romans et récits de la Chine ancienne, lesquels ne méritent pas, a priori, d’être distingués, et tant pis pour leurs traducteurs potentiels qui devront s’armer de courage et d’arguments pour convaincre que leur choix constitue bien une nécessité et pas seulement une fantaisie et requiert une assistance financière digne de ce nom et pas seulement une maigre rétribution.
Si vous avez des suggestions d'œuvres ou d'auteurs à traduire, n’hésitez pas à les glisser dans un commentaire, je les ajouterais à cette déjà longue liste, qu'on pourrait encore allonger en invoquant - mais est-ce bien raisonnable ? -, les œuvres dont la traduction pourrait être revue. (P.K.)
Méritaient sans conteste de venir gonfler ce palmarès, une traduction du Sanguo yanyi 三國演義 - et pourquoi pas celle qui fut publiée en sept volumes sur cinq ans par les Éditions Flammarion (1987-1991, Les trois royaumes, traduction de Louis Ricaud & Nghiêm Toan (1958.), achevée par Jean & Angélique Lévi) - et, bien entendu, la magistrale traduction par André Lévy du Liaozhai zhiyi 聊齋誌異 de Pu Songling 蒲松齡 (1640-1715) qui vit le jour sous le titre de Chroniques de l'étrange en 2005 aux Éditions Picquier. Cette traduction intégrale n’aurait pas souffert d’être couchée sur papier bible, et ses 503 contes à faire frémir et sourire, auraient gagné à être accompagnés d’un appareil critique du type de ceux qui font la richesse des éditions livrées sous reluire peau dorée à l’or fin. Mais, saluons le courage des Éditions Picquier d’avoir pris en charge la livraison de ce chef-d'œuvre incontesté dans un élégant coffret de deux beaux volumes dûment illustrés et dotés de répertoires.
Mais, dès lors, pourquoi ne pas rêver à d'autres traductions qui pourraient venir, dans un avenir plus ou moins proche, enrichir la « Bibliothèque de la Pléiade », ou simplement, en paraissant ailleurs et sans les fastes de l’édition de luxe, offrir au lecteur français une vision plus large du génie littéraire chinois.
C’est l’exercice auquel je m'étais livré voici maintenant 6 ans pour le compte du Centre National du Livre (CNL) qui avait demandé à une poignée de sinologues de repérer les « oublis les plus flagrants » touchant les « Classiques » dont la traduction serait susceptible d'être soutenue par de substantielles subventions. J’avais encore en tête un « Panorama des traductions de littérature chinoise ancienne » établi en 1997 pour la Revue Bibliographique de Sinologie (1997, pp. 339-350) auquel je n’avais pas eu à l’époque (2001) beaucoup de titres à ajouter ---- je suis contraint de faire la même constatation à nouveau, aujourd’hui : beaucoup reste à faire dans ce domaine !
Or donc, bien que décidé à me borner au genre romanesque en langue vulgaire, je n’avais pu m’empêcher de signaler l’absence d'une traduction complète du Shiji 史記 (Mémoires historiques) de Sima Qian 司馬遷 (vers 145 - vers 90 av. J.-C.) - celle qu’Edouard Chavannes (1865-1918) a laissée incomplète (5 volumes chez Adrien Maisonneuve, 1969) n'est guère accessible sauf en ligne grâce à Pierre Palpant. J’avais même pensé au Shishuo xinyu 世說新語 de Liu Yiqing 劉義慶 (403-444) qu’on ne connaît que par bribes (J.-P. Diény, J. Pimpaneau), comme les écrits des grands hommes de lettres que furent Bai Juyi 白居易 (772-846), Yuan Zhen 元稹 (779-831), Su Shi 蘇軾 (Dongpo 東坡, 1037-1101), Duan Chengshi (vers 800- 863), Han Yu 韓愈 (758-824), Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072), Liu Zongyuan 柳宗元 (773-819), Zhu Xi 朱熹 (1130-1200), Li Zhi 李贄 (1527-1602) et aussi Yuan Mei 袁枚 (1716-1798) dont le Zi bu yu 子不語 (Ce que le Maître ne dit pas) pourrait être traduit comme bien d'autres recueils d'anecdotes - je pensais, notamment, à ceux de Feng Menglong 馮夢龍 (1574-1646) dont l’admirable anthologie d’histoires d’amour, Qingshi 情史 (Histoire du sentiment amoureux), le piquant Zhinang 智囊 (La besace de sapience), les remarquables Gujin tangai 古今谭概 (Thèmes de conversation), les désopilantes blagues de son Xiaofu 笑府 (Trésor comique) ou encore les poésies campagnardes des Shange 山歌 , etc. --- si on ajoute à ce bel ensemble ses recueils de contes, Feng pourrait remplir facilement huit ou neuf volumes « Pléiade » à lui tout seul.
Je n'oubliais pas non plus le théâtre littéraire des Yuan au Qing, genre particulièrement généreux qui est, et de loin, le moins connu des Français - et pour cause : c'est le plus difficile à traduire ! Je plaidais donc en faveur de Guan Hanqing 關漢卿 (né vers 1230), Ma Zhiyuan 馬致遠 (1250 ?-1322 ?), Wang Shifu 王實甫 (début du XIV° s.) pour son Xixiangji 西廂記 si indispensable, mais aussi Gao Ming 高明 (vers 1307-1371), Tang Xianzu 湯顯祖 (1550-1617), Hong Sheng 洪昇 (1645-1704) pour son Changsheng dian 長生殿 (Le palais de la longévité, 1688), Kong Shangren 孔尚仁 (1648-1718) pour son Taohua shan 桃花扇 (L’éventail aux fleurs de pêcher, 1699), entre autres dramaturges qui devraient être aussi universellement connus que Shakespeare, Goldoni ou Marivaux. C’est aussi le cas de Li Yu 李漁 (1611-1680), auteur de dix chuanqi 傳奇 dont la moitié au moins a de quoi séduire et fasciner le public français amateur des comédies de Molière. D'autant plus motivé que j'ai consacré beaucoup de mon temps à cet auteur original, je signalais combien il devrait retenir l’attention pour ses essais (Xianqing ouji 閒情偶寄) - depuis abordés avec maestria par Jacques Dars (Les carnets secrets de Li Yu. Picquier, 2004) -, mais aussi, et surtout, ses fictions : deux collections de récits courts - Wushengxi 無聲戲 (Comédies silencieuses) et Shi’er lou 十二樓 (Douze pavillons) -, et un roman, Rouputuan 肉蒲團 (Chair, tapis de prière), qui attend toujours une traduction à la hauteur de sa qualité et de son texte dorénavant correctement établi.
En plus des xiaoshuo 小說 en langue vulgaire de mon cher Li Yu, je pointais quelques créations marquantes de cette veine littéraire si prodigue d’œuvres marquantes en commençant par le Fengshen yanyi 封神演義 - depuis traduit sous le titre d'Investiture des Dieux (Jacques Garnier, Librairie You-Feng, 2002). Je signalais ensuite cette surprenante suite au Xiyouji qu’est le Xiyou bu 西游補 de Dong Yue 董說 (1620-1686), déjà disponible en anglais depuis 1978, mais aussi le curieux et réjouissant Xingshi yinyuan zhuan 醒世姻緣傳 (Destinées matrimoniales propres à éveiller le monde) : longtemps attribuée à Pu Songling, la rédaction de ce roman riche (100 chapitres) et foisonnant pourrait finalement revenir à Ding Yaokang 丁耀亢 (1599-1669), auteur par ailleurs d’une intéressante suite au Jin Ping Mei dont la traduction permettrait aux amateurs de Fleur en Fiole d'Or de poursuivre leur étude des aléas de la destinée humaine.
Perdant, l’espace d’un instant tout sens des réalités, je convoquais dans le même élan fougueux trois mastodontes romanesques : le Yesou puyan 野叟曝言 de Xia Jingqu 夏敬渠 (1705-1787), livre aussi monumental (154 chapitres) que fascinant qui ne se contente pas de raconter l’histoire d’un héros cherchant la gloire et la sainteté, mais qui embrasse véritablement tous les domaines de l’expérience humaine avec une volonté encyclopédique très marquée ; le Jinghua yuan 鏡花緣 (1821/1828) de Li Ruzhen 李汝珍 (1763-1830 ?), fresque narrative à peine moins longue (100 chapitres) offrant un point de vue original sur la société Qing, et, last but not least, le Guwangyan 姑妄言 (1730) de Cao Qujing 曹去晶, un colossal roman érotique redécouvert et édité en 10 gros volumes par M. Chan Hingho 陳慶浩 (CNRS), et qui apporte une vision toute nouvelle de la création romanesque entre Jin Ping Mei et Hongloumeng.
Pressentant plus ou moins le sort qui serait, in fine, réservé à mes propositions, je m'en tenais là. Moins pessimiste, j’aurais sans doute allongé la liste en énumérant une bonne douzaine de titres de romans de taille plus modeste en incluant quelques-unes des romances injustement méprisées au regard de rendus anciens, héritage mal assumé de la vieille école de sinologie française (Stanislas Julien (1799-1873), Abel Rémusat (1788-1832) ou Soulié de Morant (1878-1955), etc.), ou une ou deux collections de contes du XVIIe siècle tel l’admirable Doupeng xianhua 豆棚閒話 (vers 1660) ou le Shidiantou 石點頭 (vers 1635), voire le drolatique Shi’er xiao 十二笑 (vers 1656). Ce serait à refaire, j’ajouterai même quelques histoires de renardes que j'espère bien lire un jour dans la langue de Barbey d'Aurevilly grâce à Solange Cruveillé qui a pris à bras-le-corps ce registre aussi indispensable que plaisant.
Las ! Inutile de s’échauffer la bile. La consultation du fruit de ce travail vient de me ramener à la raison. La liste des lacunes retenues par le CNL pour le domaine chinois se limite – ce qui n’est déjà pas mal ! -, à trois auteurs qui sont : Yuan Mei pour Poésies de la maison sise sur la colline du grenier [Xiaocang shanfang shiji 小倉山房詩集], Œuvres de la maison sise [sur la Colline du Grenier, Xiaocang shanfang wenji 小倉山房文集], Propos sur la poésie [Suiyuan shihua 隨園詩話], Essais au fil du pinceau de Suiyuan [Suiyuan suibi 隨園隨筆] ; Tang Xianzu pour Les quatre rêves de Yumintang [Yumintang simeng 玉茗堂四夢, ensemble de quatre pièces qui comprend le Mudanting 牧丹亭 traduit en 1999 par André Lévy (Le Pavillon aux pivoines. Paris, Festival d’automne/Musica Falsa) qui pourrait bien être le maître d’œuvre de cette ambitieuse entreprise] et Wang Shifu pour Le pavillon de l’ouest. Et puis, c'est tout !
Certes l’accent a été mis sur une des carences les plus criantes touchant un genre - le théâtre - sur lequel les éditeurs hésitent à investir, mais c’est faire peu de cas de tout le reste. Exit Sima Qian, Zhu Xi, Li Zhi et les autres romanciers, les autres dramaturges, tous les poètes et prosateurs de talent, exit aussi tous ces beaux romans et récits de la Chine ancienne, lesquels ne méritent pas, a priori, d’être distingués, et tant pis pour leurs traducteurs potentiels qui devront s’armer de courage et d’arguments pour convaincre que leur choix constitue bien une nécessité et pas seulement une fantaisie et requiert une assistance financière digne de ce nom et pas seulement une maigre rétribution.
Si vous avez des suggestions d'œuvres ou d'auteurs à traduire, n’hésitez pas à les glisser dans un commentaire, je les ajouterais à cette déjà longue liste, qu'on pourrait encore allonger en invoquant - mais est-ce bien raisonnable ? -, les œuvres dont la traduction pourrait être revue. (P.K.)
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